Que Brigitte Bardot, magnifique rebelle, comme le fut toute sa vie Alain Delon qui vient de nous quitter, lui rende hommage (en rappelant qu'ils partageaient tous deux les mêmes valeurs et le même rejet de l'époque et de ses nains), quoi de plus normal ? Ils sont de la même race. La race des seigneurs.
Mais qu'un Macron, qui n'est ni chair ni poisson, se soit fendu d'un tweet femmelin et crapoteux depuis sa thébaïde estivale, cela confine à l'indécence. Delon est très exactement aux antipodes du macronisme (1). Macron, qui crache sur la France, son histoire, sa culture, son passé colonial, ses héros, prétendant évoquer façon chochotte le Samouraï, le Centurion, le Félin, Tancrède, le Fauve, c'est comme si je prétendais être un petit rat de l'Opéra, tutu et ballerines compris...
Tout cela pour dire qu'il y a à boire et à manger dans le déluge de commentaires suscités par la disparition d'un « monstre sacré » selon l'expression consacrée. Et l'on voit des réactions de gens qui ont dû le croiser un jour dix minutes et qui se présentent aujourd'hui comme de proches relations du défunt...
On dira d'abord sa beauté, bien sûr. C'était une anomalie génétique, un extra-terrestre, la beauté d'un ange ou celle d'un diable au hasard des fortunes de la vie. Le mot magnétisme semble avoir été inventé pour lui. Qui a eu cette chance de le voir un jour entrer dans une salle pleine de monde a pu constater le phénomène : le silence se faisait, les yeux s'agrandissaient, la terre cessait de tourner...
Mais on dira surtout le gamin de Sceaux, le gosse de banlieue (à l'époque où les banlieues étaient encore françaises), déchiré par le divorce de ses parents et dès lors arc-bouté contre l'injustice du monde et la méchanceté des hommes. Un solitaire. Pas du genre à geindre cependant. A 17 ans, il s'engage dans l'armée. Pas pour pantoufler dans une caserne métropolitaine, mais pour la riflette en Indochine (il s'y fera un pote, un autre petit gars venu du peuple, Jean-Marie Le Pen).
Il gardera – et il le dira souvent – de son passage dans l'armée, malgré un passage au gnouf (on ne nourrit pas un lion avec des épinards), le sens de la droiture, de l'honneur, du respect de la parole donnée. Et un patriotisme de l'espèce amoureuse. Au sommet de sa carrière cinématographique, il refusera les ponts d'or proposés par Hollywood : « Je suis trop français, je tiens à mes racines, je préfère être le premier dans mon village qu'un nom dans l'annuaire de Hollywood... »
A la différence d'un Jean-Paul Belmondo, d'un Jean-Claude Brialy, d'un Maurice Ronet, qui furent plus que ses amis : ses complices, il n'avait fréquenté aucun conservatoire ni suivi de cours de comédie. « Je ne suis pas un comédien disait-il, je suis un acteur ». Il avait quelque chose en plus : l'instinct. Après deux rôles mineurs, dans Quand la femme s'en mêle et dans Sois belle et tais-toi, il fera du jour au lendemain une entrée fracassante dans le monde du cinéma : Christine (aux côtés de Romy Schneider, 1958), Plein Soleil (où il choisit d'être le méchant de l'histoire, 1959), Rocco et ses frères, Le Guépard, Le Clan des Siciliens, etc. Et les plus grands cinéastes se battront pour l'avoir dans leurs films : René Clément, Visconti, Melville, Antonioni, Verneuil, Losey, Christian-Jaque...
Et puis un jour, comme Brigitte Bardot quelques années avant lui, il choisira d’arrêter de tourner (2) pour se retirer dans ses terres de Douchy. Avec ses chiens. Et une toute petite poignée d'élus lui qui disait : « J'aime qu'on m'aime comme j'aime quand j'aime ». Et une sorte de devise empruntée à ses années guépardiennes : « Non esco con nessuno. Non ho bisogno di nessuno. Non refuto nessuno ». Une France sans – et pire que « sans » : contre – Gabin, Ventura, Belmondo, sans tontons flingueurs, sans singes en hiver, sans vieux de la vieille, vaut-elle encore la peine d'être vécue ?
Patriote de l'espèce amoureuse, nous l'avons dit (et parfois naïf au point de se commettre avec des Sarkozy, des Raymond Barre, des Juppé, à savoir des caves d'anthologie), Delon ne cessera jamais d'aimer son pays. Quand même. Malgré tout. En ne reniant rien de son passé de Petit Blanc, de fils du peuple, en défendant ses convictions et en refusant d'être formaté par qui que ce soit. Immensément populaire en France et adulé dans tous les pays étrangers (le Japon en a fait un demi-dieu!).
Une star est allé rejoindre les étoiles. Et la Vierge Marie pour qui il avait une dévotion particulière. L'homme blessé, l'homme fatigué, l'homme pressé peut enfin poser son sac. Il a désormais pour lui, ici-bas et dans le Ciel, toute l'éternité.
Alain Sanders
(1) Une France mutilée, déconstruite, castrée par les Sandrine Rousseau et autres hétaïres du wokisme...
(2) Avec une exception : le rôle de César dans Astérix aux Jeux Olympiques (2008) où il porte à des sommets l'auto-dérision et la parodie.