jeudi 11 juillet 2024

Les libres propos d’Alain Sanders

 

Notre mémoire : 14 juillet 1954, les cent premiers libérés des camps viets

Le 14 juillet 1954, en échange de cent de leurs prisonniers qui pétaient la santé, les Viets vont libérer cent des nôtres. Cent miraculés des camps de la mort communistes. A l’époque, le journaliste Joël Le Tac décrira “ ces effrayants squelettes aux genoux énormes, aux os perçants, une peau grise, aux visages creusés d’ombres, aux regards brûlants ”.

Ces cent hommes, ces cent morts-vivants, seront embarqués sur un LSM (Landing Ship Medium) dépêché de Haiphong. Tous avaient été capturés à Dien Bien Phu. Il y a des paras, des légionnaires, des officiers des bataillons thaïs. Après la capture, leur « convoi » de prisonniers, composé de 2000 à 3000 hommes, avait fait route vers l’est : « Si l’un d’entre nous tombait, terrassé par la fatigue ou la maladie, c’en était fait de lui. Les paysans l’enterraient sur place, mort ou non… ». Dans un des groupes, on va compter 54 morts (ou supposés tels) en moins de dix jours…

Après 700 km de marche forcée, à partir de Hoa-Binh, près du Delta, une partie des prisonniers fut dirigée sur Tan-Hoa. Direction les camps : le camp 70, le camp 73, le camp 75, etc. Ces camps-là furent terribles. Il y en eut de pires encore…

Le camp 113, par exemple, où sévit un salopard, Georges Boudarel, démasqué bien des années plus tard, alors qu’il enseignait, pépère, gras à lard, à l’université… Joël Le Tac en parlait dans son article de juillet 1954 : « Dans le nord, l’effort de propagande fut plus appuyé : les prisonniers devaient subirent à plusieurs reprises les conférences d’un ancien professeur de philosophie au lycée de Saïgon, âgé de trente-deux ans, un certain Boudarel qui, hors ses causeries sur l’extraordinaire rendement du lait des vaches soviétiques, se conduisait à l’égard de ses compatriotes comme un véritable inquisiteur et un garde-chiourme ».

Les cent libérés viets, eux, avaient voyagé sur le LSM dans des conditions de croisiéristes… Ils avaient fait le voyage sur des lits pliants, été nourris de pain, de riz, de conserves. Vêtus de neuf, treillis kaki, chapeaux de brousse, ils sont tous en bonne santé (« à l’exception de quelques paludéens reconnaissables aux chiffons humides dont ils s’entouraient la tête », dira Le Tac).

Cette bonne condition physique évidente va perturber les commissaires politiques viets : « Aussitôt qu’ils mettent le pied sur la plage, on les couche sur des civières. Certains résistent, ne comprenant pas qu’il s’agit là d’une manifestation théâtrale : on veut faire croire à la population viet, contre toute apparence, que ses prisonniers sont à bout de forces. L’un des libérés, voyant un vieillard le saisir à bras-le-corps, se méprend sur le geste, croit qu’il lui faut aider le vieillard, et emporte celui-ci dans ses bras, jusqu’à la tente qui sert de centre d’accueil… ».

Pendant ce temps, un aréopage de jeunes femmes viets affectera « d’accompagner » nos prisonniers (plus de la moitié ne peuvent marcher sans être soutenus…) en leur psalmodiant, à l’usage des 15 journalistes présents, un petit discours : « Nous espérons que vous retrouverez votre femme, vos enfants, en bonne santé, que vous ferez cesser cette guerre injuste, que vous combattrez pour la paix ».

Coupant court à ces indécentes simagrées, le médecin lieutenant parachutiste Robert dira simplement à son « confrère » viet : « Vous nous rendez ces hommes dans un état affreux ! Et vous ne pourrez pas dire que les vôtres n’étaient pas en parfaite condition physique ! ». Et il lui tournera le dos sans rien ajouter de plus.

Alain Sanders