Non, l'Ukraine n'est pas « dans une impasse » !
Les événements tragiques du Proche-Orient obligeant, l'agression stalino-poutinienne contre l'Ukraine fait moins la une de l'actualité. Sauf quand les Russes et leurs complices européens (plus ou moins en lousdé, à la sournoise) puisent dans la presse de gauche nord-américaine de quoi nourrir la propagande des uns et le tropisme poutinien des autres. Comme disait Hi Chi Minh pendant la guerre d'Indochine : « Quand je me prends à douter de la situation, je lis la presse française, ça me remonte toujours le moral »...
Même LCI, plutôt favorable aux Ukrainiens, a ressorti ses généraux en retraite pour qu'ils viennent dire leurs doutes, leurs inquiétudes, leurs conseils et leurs mises en garde. Ce qui est beaucoup plus simple dans la douce tiédeur d'un plateau que dans les horreurs d'une tranchée à Donetsk.
On a ainsi droit au concert des Cassandre du défaitisme : «L'Ukraine est dans une impasse ; « Moscou peut remporter cette guerre d'usure » ; « L'Ukraine passera-t-elle l'hiver ? » ; « Kiev au bord de la rupture » ; etc.
Essayons, pour notre part, de remettre l'église au milieu du village (selon une formule revenue en grâce, ce qui fait mon bonheur). En commençant par dire que nous n'avons jamais cru que l'offensive ukrainienne, lancée il y a cinq mois, ressemblerait à une formalité de circonstance et encore moins à une blitzkrieg.
Il n'empêche qu'en cinq mois, les forces ukrainiennes ont réussi de spectaculaires percées. Même si les « stratèges » en chambre soulignent qu'elles n'ont avancé « que » d'une vingtaine de kilomètres et n'ont reconquis « que » 400 km carrés du territoire national. Dans le même temps, tous les assauts russes ont échoué. Notamment contre le village de Robotyne (dans le sud), libéré cet été par les Ukrainiens et site de violents combats. Ce qui fait la différence, c'est que Poutine peut puiser sans retenue (comme le fit naguère son modèle, Staline) dans son réservoir de chairs à canons. Moscou a perdu quelque 150 000 hommes depuis le début de son invasion. Et alors ? On en mobilisera, de gré ou de force, des dizaines de milliers d'autres dans ces républiques lointaines à la botte du Kremlin.
On en revient toujours, d'autre part, aux promesses des Occidentaux de livrer – de livrer enfin – à Kiev des équipements qui feraient la différence (1). A commencer ces F-16 américains qui tiennent désormais de l'Arlésienne ou du fusil de Tartarin qu'on charge toujours mais qui ne tire jamais... Seraient-ils enfin livrés, ce serait avec un retard criminel qui a permis à Moscou d’améliorer son système de défense antiaérienne. Seule la livraison immédiate, tant espérée, tant attendue, d'équipement de guerre électronique et de systèmes perfectionnés de missiles longue portée, pourrait inverser l'issue du conflit en donnant à Kiev les moyens qui lui manquent.
L'hiver sera rude. Pour les Ukrainiens (mais nous savons que leur héroïcité est sans limites). Mais tout autant pour les Russes dont les soldats sont réduits à acheter de quoi s'habiller un peu plus chaudement. Quelle honte de lire la presse mainstream européenne déjà prête à lâcher Kiev et, comme dans Le Figaro, des lignes (qui doivent douloureusement résonner dans les oreilles des familles des hommes tombés au front) : « Cinq mois de combats acharnés, un déluge de fer et de feu, des milliers de soldats tués, pour... presque rien ».
« Pour presque rien » ? Chaque jour et chaque heure que Dieu fait, les Ukrainiens se rassemblent pour prier devant le « Mur du Souvenir » où sont affichées les photos d'un millier de combattants qui ont donné leur vie pour leur patrie. Face aux envahisseurs. Ils ne sont pas morts pour rien ou presque rien...
S'il fallait donner encore un exemple de la résilience ukrainienne, je donnerais celui des ces hommes et de ces femmes qui, à Odessa (où l'on vit sous des bombardements quasi quotidiens), ont récemment manifesté pour demander que le budget soit affecté en priorité à l'armée plutôt qu'aux dépenses civiles. Un tel peuple finira fatalement par vaincre.
Alain Sanders
(1) L'UE ne sera ainsi pas en mesure de tenir son engagement de livrer 1million de munitions à l'Ukraine d'ici mars 2024...
