mercredi 27 septembre 2023

Les libres propos d'Alain Sanders

 

Fiasco nigérien : les trois erreurs de Macron

La position de départ de Macron se voulait claire et nette, presque virile en l'occurrence : pas question de reconnaître les putschistes nigériens, pas question de discuter avec eux, les menacer implicitement et restaurer le président élu (dans quelles conditions, that is the question...) Mohamed Bazoum. Bref, on allait voir ce qu'on allait voir.

Le Niger, où nous avons encore quelque 1500 soldats (« invités » à dégager au plus vite), était désigné, selon les termes convenus, comme « le nouveau point d'appui français dans la région ». Depuis le retrait de nos troupes – et là, déjà, un retrait forcé... – du Mali et du Burkina Faso en août 2022 et début 2023.

Pour rapatrier nos soldats et « exfiltrer » l'ambassadeur de France (qui, horresco referens, en était réduit à manger des rations militaires...), Macron va devoir négocier avec les putschistes (et manger son chapeau, lui). Pour au moins éviter des bavures supplémentaires et des humiliations réitérées (sur ce plan-là le mal est déjà fait).

Dans ce dossier, qui concerne la séculaire présence française en Afrique, Macron, étranger à notre histoire coloniale et post-coloniale, a fait trois erreurs majeures. La première, ignorant qu'il est des réalités d'une Afrique de l'Ouest effervescente et éruptive, c'est d'avoir cru que le putsch de juillet dernier ne tiendrait pas la distance. Non seulement la junte s'est installée durablement et institutionnellement, mais elle a su se parer d'une sorte de légitimité populaire (spontanée ou manipulée, peu importe, le résultat est là). La rue plébiscite la junte et la junte tient la rue et la contrôle (sinon l'ambassade de France aurait été envahie depuis longtemps et l'on serait allé au drame avec une attaque de la base militaire française).

La seconde erreur, due là encore à une méconnaissance du terrain, c'est d'avoir cru que la Cédéao, qui règne sur un vaste empire, celui de la palabre, allait faire plier les rebelles de Niamey. Comme le fusil de Tartarin, qu'on charge toujours mais qui ne tire jamais, la Cédéao ne représente rien militairement. Et le pourrait-elle qu'elle ne prendrait pas le risque de se mettre à dos une opinion publique africaine pas plus gênée que ça par les putschs successifs dans la région sahélienne et au-delà. Le militant franco-béninois Kémi Seba, connu par son hostilité à la présence française en Afrique, résume bien la situation : « Les peuples de la Cédéao sont pour le Niger, le peuple du Niger n'est pas seul ».

La troisième erreur de Macron, c'est d'avoir cru que la France avait des alliés en Afrique de l'Ouest. L'Union européenne a fait un service minimum. L'Italie et l'Allemagne ont exprimé leurs réticences à une option militaire contre les putschistes. Les États-Unis ont repris leurs vols vers le Niger et Washington a clairement choisi de s'entendre avec la junte (qui compte de nombreux amis des USA en son sein) et de conserver sa base militaire installée, depuis de nombreuses années, dans le nord du pays.

Nous disposons encore – mais jusqu'à quand... – de 900 hommes en Côte d'Ivoire, de 400 au Sénégal, de 350 au Gabon et d'un millier au Tchad. Le Tchad, où nous soutenons un satrape (le fils d'Idriss Déby) vomi par les différents groupes ethniques du pays, sera sans doute le prochain à être rattrapé par cette épidémie putschiste très en vogue cette saison.

La suite ? Elle est déjà là. L’implantation d'un califat islamiste que les seules forces africaines seront incapables de juguler. C'est devenu leur problème ? Oui. Mais aussi le nôtre, hélas. Avec un terrorisme djihadiste exporté et des flux migratoires tsunamesques.

Alain Sanders