jeudi 24 août 2023

Poutinocratie – Poutinofolie. Un Shakespeare nous manque !

Il y a exactement deux mois, après sa décision d’arrêter l’avancée de la colonne de ses blindés vers Moscou, j’écrivais et disais sur Radio-Courtoisie : « Le pronostic vital d’Evgueni Prigojine est engagé ».

Il fallait, en effet, être totalement ignorant de la psychologie russe en général et de celle de Poutine en particulier pour imaginer un seul instant que ce dernier aurait pu pardonner au chef de « Wagner » ce que, le visage blême, il avait désigné sur les chaînes russes comme « un coup de poignard dans le dos ». Les jours du traître Prigojine étaient comptés.

Hier au soir, au moment même où le dictateur faisait son entrée dans l’opéra de Moscou, selon une parfaite synchronisation dans la tragédie, l’avion transportant Prigojine et son état-major vers Saint-Pétersbourg s’écrasait à 180 kilomètres de la capitale sur la terre de la petite mère Russie.

On peut imaginer, calé dans son fauteuil, l’ancien officier du KGB regardant sa montre en cet instant, impassible et satisfait, peut-être avec un imperceptible sourire de satisfaction.

Des commentateurs ignorants, s’appuyant sur un de ses propos, croient bon de rappeler que le maître du Kremlin avait jadis déclaré que la seule chose qu’il ne pardonnait pas était la trahison. Billevesée ! Poutine, comme Staline, fait éliminer ses concurrents, ses opposants, tel Boris Nemtsov. Il fait liquider, en parfaite tradition mafieuse, les personnes qui le dérangent trop, comme la grande journaliste Anna Politkovskaïa. Elle ne l’avait nullement trahi, elle dénonçait simplement les atrocités perpétrées en Tchétchénie.

Aujourd’hui, les héroïques opposants Alexeï Navalny et Kara-Murza croupissent dans des centres de détention à régime sévère, condamnés à des dizaines d’années d’enfermement par le plus inhumain des appareils judiciaires. Comme chez les chers alliés de la Chine rouge, de la Corée du Nord et de l’Iran islamiste. Rappelons ici la parole de Camille Desmoulins : « Ce sont les despotes maladroits qui usent des baïonnettes. L’art de la tyrannie est de faire la même chose avec des juges ».

Le despote Poutine ne se prive de rien, ni des baïonnettes, ni des fusils, ni de juges asservis. Ni bien sûr des empoisonneurs spécialistes du FSB, ni des moyens de descendre l’avion de son ancien ami Prigojine.

Ce dernier, on l’a dit, n’a pas été le seul à être du « piqué » final. Avec lui, il y avait notamment son ami Dimitri Outkine, le véritable fondateur de « Wagner ». Nom choisi par ce dernier en hommage au grand musicien mais aussi parce qu’admiré d’Adolf Hitler qu’admirait tant Outkine… Outkine, jadis si apprécié de Poutine, aimait se montrer torse nu, tatoué de symboles « SS » comme on peut le voir sur internet. Il y eut un temps où cela ne gênait pas Poutine de recruter des admirateurs du nazisme. Ce n’est que plus tard que l’idée très tchékiste lui est venue de motiver l’invasion de l’Ukraine par le prétexte d’une opération militaire spéciale à des fins de « dénazification » (sic !). Cela n’a, semble-t-il, pas gêné du tout les néo-nazis fervents admirateurs de Poutine.

On a noté aussi que, très vite après le crash de l’avion, les services de sécurité russes ont annoncé l’ouverture d’une enquête pour… violation des règles de sécurité ! Ça ne s’invente pas ! On est encore là dans la meilleure tradition soviéto-kagébiste.

Bien sûr, nous ne cessons de dénoncer depuis longtemps les aspects de la décadence occidentale. Mais les abominations du poutinisme néo-soviétique et ses crimes contre l’humanité et la civilisation ne sont pas moins odieux.

La tragique vérité, c’est que Poutine et son conglomérat de dictateurs alliés font courir sur le monde les pires dangers. Mais, avec cela il y a toutes les facettes d’un régime criminel avec son chef, façon Ivan le Terrible avec ses moines fous. Comme jadis Raspoutine. Il y a eu heureusement un Giulano da Empoli pour nous introduire, avec son ouvrage « Le mage du Kremlin », dans les arcanes de la poutinocratie. Mais, quand dans un régime le burlesque le dispute autant à l’odieux, dans le règne d’une quasi-perfection du mensonge, c’est un Shakespeare qu’il faudrait.

Nos gouvernants sont le plus souvent pitoyables, médiocres, moyennement démoniaques. Mais il y a dans Poutine une réelle dimension satanique. Et certains de ceux qui l’admirent et le suivent inconditionnellement nous paraissent quelquefois être comme possédés. Des possédés peut-être comme ceux de Dostoïevski.