Il y a exactement deux mois, après sa décision d’arrêter l’avancée de la colonne de ses blindés vers Moscou, j’écrivais et disais sur Radio-Courtoisie : « Le pronostic vital d’Evgueni Prigojine est engagé ».
Il fallait, en
effet, être totalement ignorant de la psychologie russe en général et de celle
de Poutine en particulier pour imaginer un seul instant que ce dernier aurait
pu pardonner au chef de « Wagner » ce que, le visage blême, il avait
désigné sur les chaînes russes comme « un coup de poignard dans le dos ».
Les jours du traître Prigojine étaient comptés.
Hier au soir, au
moment même où le dictateur faisait son entrée dans l’opéra de Moscou, selon
une parfaite synchronisation dans la tragédie, l’avion transportant Prigojine
et son état-major vers Saint-Pétersbourg s’écrasait à 180 kilomètres de la
capitale sur la terre de la petite mère Russie.
On peut imaginer,
calé dans son fauteuil, l’ancien officier du KGB regardant sa montre en cet
instant, impassible et satisfait, peut-être avec un imperceptible sourire de satisfaction.
Des commentateurs
ignorants, s’appuyant sur un de ses propos, croient bon de rappeler que le
maître du Kremlin avait jadis déclaré que la seule chose qu’il ne pardonnait
pas était la trahison. Billevesée ! Poutine, comme Staline, fait éliminer
ses concurrents, ses opposants, tel Boris Nemtsov. Il fait liquider, en
parfaite tradition mafieuse, les personnes qui le dérangent trop, comme la
grande journaliste Anna Politkovskaïa. Elle ne l’avait nullement trahi,
elle dénonçait simplement les atrocités perpétrées en Tchétchénie.
Aujourd’hui, les héroïques
opposants Alexeï Navalny et Kara-Murza croupissent dans des
centres de détention à régime sévère, condamnés à des dizaines d’années d’enfermement
par le plus inhumain des appareils judiciaires. Comme chez les chers alliés de
la Chine rouge, de la Corée du Nord et de l’Iran islamiste. Rappelons ici la
parole de Camille Desmoulins : « Ce sont les despotes maladroits
qui usent des baïonnettes. L’art de la tyrannie est de faire la même chose avec
des juges ».
Le despote Poutine
ne se prive de rien, ni des baïonnettes, ni des fusils, ni de juges asservis.
Ni bien sûr des empoisonneurs spécialistes du FSB, ni des moyens de descendre l’avion
de son ancien ami Prigojine.
Ce dernier, on l’a
dit, n’a pas été le seul à être du « piqué » final. Avec lui, il y
avait notamment son ami Dimitri Outkine, le véritable fondateur de « Wagner ».
Nom choisi par ce dernier en hommage au grand musicien mais aussi parce qu’admiré
d’Adolf Hitler qu’admirait tant Outkine… Outkine, jadis si apprécié de Poutine,
aimait se montrer torse nu, tatoué de symboles « SS » comme on peut
le voir sur internet. Il y eut un temps où cela ne gênait pas Poutine de
recruter des admirateurs du nazisme. Ce n’est que plus tard que l’idée très
tchékiste lui est venue de motiver l’invasion de l’Ukraine par le prétexte d’une
opération militaire spéciale à des fins de « dénazification » (sic !).
Cela n’a, semble-t-il, pas gêné du tout les néo-nazis fervents admirateurs de
Poutine.
On a noté aussi
que, très vite après le crash de l’avion, les services de sécurité russes ont
annoncé l’ouverture d’une enquête pour… violation des règles de sécurité !
Ça ne s’invente pas ! On est encore là dans la meilleure tradition
soviéto-kagébiste.
Bien sûr, nous ne
cessons de dénoncer depuis longtemps les aspects de la décadence occidentale.
Mais les abominations du poutinisme néo-soviétique et ses crimes contre l’humanité
et la civilisation ne sont pas moins odieux.
La tragique
vérité, c’est que Poutine et son conglomérat de dictateurs alliés font courir
sur le monde les pires dangers. Mais, avec cela il y a toutes les facettes d’un
régime criminel avec son chef, façon Ivan le Terrible avec ses moines fous.
Comme jadis Raspoutine. Il y a eu heureusement un Giulano da Empoli pour nous
introduire, avec son ouvrage « Le mage du Kremlin », dans les
arcanes de la poutinocratie. Mais, quand dans un régime le burlesque le dispute
autant à l’odieux, dans le règne d’une quasi-perfection du mensonge, c’est un
Shakespeare qu’il faudrait.
Nos gouvernants
sont le plus souvent pitoyables, médiocres, moyennement démoniaques. Mais il y
a dans Poutine une réelle dimension satanique. Et certains de ceux qui l’admirent
et le suivent inconditionnellement nous paraissent quelquefois être comme
possédés. Des possédés peut-être comme ceux de Dostoïevski.