samedi 12 août 2023

Les libres propos d'Alain Sanders - Niger : il est urgent... de ne rien faire

Dans de récents « Libres propos » sur le Niger (après le coup d’État des 26 et 27 juillet derniers pour écarter Mohamed Bazoum), nous passions en revue des scénarios possibles. Pour ne retenir que le plus probable : le statu quo. Plusieurs jours après la fin de l'ultimatum de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) – genre « retenez-loi où je fais un malheur » – les putschistes n'ont pas été inquiétés.

Militairement incapable d'intervenir (sinon au prix de lourdes pertes des deux côtés), la Cédéao dit choisir de promouvoir le «  dialogue » (en Afrique, c'est la palabre...). La junte au pouvoir à Niamey n'est pas seule. Dans une sorte d'alliance « Putschistes de tous les pays de la région, unissez-vous ! », le Mali et le Burkina Faso ont prévenus qu'ils tiendraient toute intervention armée contre le Niger comme une déclaration de guerre à leur encontre : « Nous témoignons ainsi de notre solidarité avec le peuple frère du Niger ».

Militairement, le Burkina Faso et le Mali (qui vient de se faire étriller dans le Nord par les djihadistes de l’État islamique) ne représentent pas grand chose. Mais tout le monde – à commencer par les Occidentaux qui marchent sur des œufs – fait comme si...

Le Mali et le Burkina Faso contrôlent désormais moins de 50% (et encore...) de leurs territoires. Une peau de chagrin depuis que les forces françaises ont été expulsées (et une partie au Niger où 1500 de nos soldats attendent toujours de savoir à quelle sauce ils vont être mangés). Quant au Niger, il va devoir continuer à faire face – mais sans l'appoint français – à des groupes armés venant du Mali (notamment l'EIGS, l'Etat islamique du Grand Sahel) et aux foldingues de Boko-Haram implantés aux abords du lac Tchad, à la frontière nigériane et à l'extrémité nord du Cameroun. Rappelons que l'un des griefs retenus pour l'éviction de Mohamed Bazoum – un Arabe d'origine libyenne, très minoritaire dans un pays ethniquement dominé par les Haoussas – est d'avoir libéré, au nom d'une hypothétique « politique » du dialogue », de nombreux chefs djihado-terroristes.

Et la Russie dont on voit les drapeaux brandis lors des manifs de soutien « spontanées » aux putschistes ? Elle est là. Comme Raminagrobis. Présente, mais d'une discrétion de violette. Avec les Chinois, qui exploitent déjà le pétrole nigérien et conquièrent des marchés (dont celui de la reprise du chantier du chemin de fer Niamey-Cotonou initialement détenu par la France puis dénoncé). On notera que, pour l’heure les putschistes font preuve d'une certaine déférence prudente à l’égard de Washington en nommant à quelques postes-clefs des personnalités américano-compatibles (mais nous aurons l'occasion d'y revenir).

Dans de telles conditions notre pays, malgré les rodomontades de Macron (qui aura réussi à nous fâcher avec quasiment toute l'Afrique, mais à nous accrocher aux basques du sinistre dictateur tchadien), joue désormais les spectateurs. Une position faite pour durer. A moins d'aller à Canossa en cessant de vouloir vendre nos « modèles démocratiques » à une Afrique qui en a largement soupé...

Alain Sanders