Dans de récents « Libres propos » sur le Niger (après le coup d’État des 26 et 27 juillet derniers pour écarter Mohamed Bazoum), nous passions en revue des scénarios possibles. Pour ne retenir que le plus probable : le statu quo. Plusieurs jours après la fin de l'ultimatum de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) – genre « retenez-loi où je fais un malheur » – les putschistes n'ont pas été inquiétés.
Militairement incapable
d'intervenir (sinon au prix de lourdes pertes des deux côtés), la Cédéao dit
choisir de promouvoir le « dialogue » (en Afrique, c'est la
palabre...). La junte au pouvoir à Niamey n'est pas seule. Dans une sorte d'alliance
« Putschistes de tous les pays de la région, unissez-vous ! »,
le Mali et le Burkina Faso ont prévenus qu'ils tiendraient toute intervention
armée contre le Niger comme une déclaration de guerre à leur encontre :
« Nous témoignons ainsi de notre solidarité avec le peuple frère du
Niger ».
Militairement, le Burkina Faso et
le Mali (qui vient de se faire étriller dans le Nord par les djihadistes de
l’État islamique) ne représentent pas grand chose. Mais tout le monde – à
commencer par les Occidentaux qui marchent sur des œufs – fait comme si...
Le Mali et le Burkina Faso
contrôlent désormais moins de 50% (et encore...) de leurs territoires. Une peau
de chagrin depuis que les forces françaises ont été expulsées (et une partie au
Niger où 1500 de nos soldats attendent toujours de savoir à quelle sauce ils
vont être mangés). Quant au Niger, il va devoir continuer à faire face – mais
sans l'appoint français – à des groupes armés venant du Mali (notamment l'EIGS,
l'Etat islamique du Grand Sahel) et aux foldingues de Boko-Haram implantés aux
abords du lac Tchad, à la frontière nigériane et à l'extrémité nord du
Cameroun. Rappelons que l'un des griefs retenus pour l'éviction de Mohamed
Bazoum – un Arabe d'origine libyenne, très minoritaire dans un pays ethniquement
dominé par les Haoussas – est d'avoir libéré, au nom d'une hypothétique
« politique » du dialogue », de nombreux chefs
djihado-terroristes.
Et la Russie dont on voit les
drapeaux brandis lors des manifs de soutien « spontanées » aux
putschistes ? Elle est là. Comme Raminagrobis. Présente, mais d'une
discrétion de violette. Avec les Chinois, qui exploitent déjà le pétrole
nigérien et conquièrent des marchés (dont celui de la reprise du chantier du
chemin de fer Niamey-Cotonou initialement détenu par la France puis dénoncé).
On notera que, pour l’heure les putschistes font preuve d'une certaine
déférence prudente à l’égard de Washington en nommant à quelques postes-clefs
des personnalités américano-compatibles (mais nous aurons l'occasion d'y
revenir).
Dans de telles conditions notre
pays, malgré les rodomontades de Macron (qui aura réussi à nous fâcher avec
quasiment toute l'Afrique, mais à nous accrocher aux basques du sinistre
dictateur tchadien), joue désormais les spectateurs. Une position faite pour
durer. A moins d'aller à Canossa en cessant de vouloir vendre nos
« modèles démocratiques » à une Afrique qui en a largement soupé...
Alain Sanders