mardi 8 août 2023

Google, le Parti communiste chinois et l’Académie pontificale des Sciences : une même conception de l’homme ?

Par l’importance des courriers enthousiastes que nous avons reçus, nous savons que nombre de lecteurs de ce blog ont lu et aimé le remarquable roman de Giuliano Da Empoli « Le Mage du Kremlin » (ed. Gallimard) qui a remporté le grand prix du roman de l’Académie française. Dans la foulée, beaucoup encore ont découvert son passionnant dernier essai « Les ingénieurs du chaos » (ed. Gallimard).

Dans la rubrique du Figaro de ce lundi 7 août « À l’aube d’un monde nouveau », cet écrivain et politologue franco-italien, par ailleurs enseignant à Sciences-Po Paris, a répondu aux pertinentes questions d’Alexandre Devecchio. Nous avons particulièrement relevé la réponse à la question suivante : « Le Parti communiste chinois et la Silicon Valley travaillent à un avenir post-humain », avez-vous écrit  dans la revue Le Grand Continent. C’est une alliance inattendue. Qu’entendez-vous par là ? » Lisons : « Aujourd’hui on parle d’une nouvelle guerre froide, mais Google et le Parti communiste chinois ont exactement la même conception de l’homme : celle d’un individu dont le comportement et les aspirations peuvent être entièrement ramenées à une suite de chiffres et régis par des algorithmes de plus en plus sophistiqués. La finalité est différente – le profit pour Google et le contrôle politique pour le PCC – mais les outils et la vision de la société sont exactement les mêmes ».

À cette lecture, nous nous sommes alors rappelé les stupéfiants propos, il y a quelques années (janvier 2018) du chancelier de l’Académie pontificale des Sciences mis en place par le pape François, Mgr Sorondo. Ce dernier rentrait d’un voyage en Chine rouge et émettait alors de très surprenantes considérations, notamment rapportées très fidèlement par le site Vatican Insider du 2 février 2018. Mgr Sorondo assénait notamment : « La Chine est le pays qui met le mieux en œuvre la doctrine sociale de l’Église » (sic). Il affirmait : « C’est un pays où le bien « commun » est la valeur première ». Il martelait : « Tout est secondaire par rapport au bien commun ! » Il ne faisait pas allusion au rite de la messe que François n’aime pas mais il disait son enthousiasme pour cette « Chine extraordinaire ».

Il se lançait ensuite dans une longue présentation de toutes les qualités de la Chine, exposant successivement : « Il n’y a aucun bidonville (…) L’environnement est respecté (…) La Chine défend la dignité de l’homme (…) Les jeunes ne consomment pas de drogue » et autres assertions à faire rougir de satisfaction les jaunes dirigeants du Parti communiste chinois qui n’aiment rien tant qu’un envoyé du pape de Rome puisse exprimer combien il a trouvé leur pays à la fois écologiquement paradisiaque (pas de pollution, bien sûr, on le sait à Pékin et autres mégapoles) ; respectueux de la dignité humaine (pas de camp du Laogaï, on le sait encore, et aucune interdiction non plus de la liberté d’expression et d’association). Bref, Mgr Sorondo assénât tranquillement les plus hallucinants dénis de réalité…

Mgr Sorondo, quoique chancelier de l’Académie pontificale des Sciences, n’était pourtant pas allé jusqu’à l’incongruité de s’enquérir du nombre des avortements en Chine (sans doute confine-t-il à zéro), ni de ce qu’il en est du nombre des exécutions capitales (sans doute aucune…).

Tel le débilissime Édouard Herriot visitant jadis en cinq jours ce que le grand Staline, si poutinistement encensé aujourd’hui, avait bien voulu qu’on lui montre de l’URSS, et notamment quelques villages « Potemkine » flambant neuf construits pour l’occasion, Mgr Sorondo se conduisit en 2018 en laudateur inconditionnel de l’ordre communiste chinois.

Alors que la Grande Famine, expressément voulue par Staline, génocidait les paysanneries d’Ukraine (Holodomor) et du Kazakhstan, Herriot rentrait en France pour témoigner de la prospérité de l’URSS. Nul doute que Poutine va désormais l’exhumer pour les leçons d’histoire révisée de la Russie.

Mais, la vérité aujourd’hui, c’est bien que le Parti communiste chinois et Google et la « Silicon Valley » en général avec les Mark Zuckerberg, les Jeff Bezos, les Elon Musk ont en commun une même conception de l’homme, purement utilitariste, purement matérialiste. « Est-on dans un scénario à la Frankestein avec une créature qui échapperait à son créateur ? » demande Alexandre Devecchio à Da Empoli. Ce dernier, à propos des précités, répond : « Leur capacité à mettre la technologie au service d’une volonté de puissance sans limite, qui va jusqu’à vouloir privatiser l’univers et vaincre la mort, ne peut qu’impressionner les simples mortels que nous sommes. En revanche, dès qu’ils s’aventurent sur le terrain de la politique, ou même simplement de leurs relations avec les autres ou de leur philosophie de vie, on se sent gêné pour eux, tant leurs idées sont naïves et simplistes ».

Mais alors, si comme le soutient Mgr Sorondo, le régime du Parti communiste chinois est « ce qui met le mieux en œuvre la doctrine sociale de l’Église » ; et si, comme le met très justement en lumière Giuliano Da Empoli, ce parti et Google ont la même conception de l’homme, comment ne pas en tirer logiquement que cette doctrine sociale de l’Église selon Mgr Sorondo, si cher au pape François, est aussi celle de « Google » ?

Mais, ce serait aberrant penserez-vous. Impossible, direz-vous ! Voire ?

François, au Portugal, pour les JMJ, n’a pas prononcé à Fatima les discours prévus. N’avait-il pas plutôt préféré marteler d’emblée pour la soirée d’accueil du jeudi, comme un mantra, écrit Jean-Marie Guénois : « L’Église est ouverte à tous, à tous, todos, todos, todos ! »

Formidable ambiguïté en vérité ! Ouverte à tous ? Vraiment ? Sans aucune condition ? sans aucune distinction ? sans aucune précision ? Todos, todos, todos, fort bien ! Mais n’y a-t-il pas là aussi un peu comme un appel de style populo-castriste à une sorte de fusion totalitaire ? Ouverte à tous, sincèrement ? Même à ces pelés, à ces galeux, à ces gâteux de « catho tradis » ?

La vérité n’est-elle pas surtout qu’aucun régime totalitaire ne rassemble sans des exclusions, sans de continuelles purges ?

Todos, todos, todos ? Peut-être, mais pourquoi donc, cela nous rappelle-t-il par trop les phases finales des séances de manipulation par l’utilisation des techniques des lois de la dynamique des groupes ?