mercredi 6 avril 2022

Crimes de guerre poutiniens en Ukraine

C’est avec un vif intérêt que j’ai lu ce jour à la rubrique « blog » du Salon Beige non seulement l’excellent article de notre ami Michel Léon, grand journaliste catholique, en réplique à celui de Michel Janva du 05 avril mais aussi la non moins excellente introduction que notre ami Guillaume de Thieulloy, directeur du Salon Beige, lui a consacré.

Il nous renforce dans notre conviction que, chaque jour un peu plus, le monde paye le fait que ne se soit pas déroulé au long d’une année au moins, le « grand procès international des crimes contre l’humanité du communisme » (sauf notre journée « modèle » du 9 novembre 1997 consacré au cas de Georges Boudarel traitre-tortionnaire du camp 113. Chrétienté Solidarité n’avait pas les moyens des Etats pour faire mieux !

C’est ainsi hélas que les virus mutants du communisme soviétique ont pu de plus en plus se développer en Russie par l’organisation de l’amnésie mémorielle sous la dictature de plus en plus liberticide de Poutine.

On trouvera ci-après l’introduction de Guillaume de Thieulloy et l’article de Michel Léon.

Introduction de Guillaume de Thieulloy :

Un ami journaliste, Michel Léon, me fait passer cet article en réponse à celui de Michel Janva d’hier. J’en profite pour rappeler que le Salon beige n’a pas de “doctrine officielle” sur tout (nous ne sommes pas la Pravda, pas même la Pravda des “cathos réacs”!) et que des points de vue aussi nettement contradictoires sont parfois nécessaires pour essayer de comprendre une situation – notamment une situation aussi embrouillée que celle de la guerre actuelle en Ukraine. Il ne s’agit évidemment pas de renvoyer dos à dos les protagonistes. Il est évident que la responsabilité prochaine de l’invasion incombe à Vladimir Poutine et aux forces russes. Mais il est évident aussi que les révolutions de couleur ou la création de toutes pièces du Kosovo albanais ont pu aggraver le fossé d’incompréhension entre l’Est et l’Ouest. Il est clair aussi que le KGB n’est pas n’importe quelle “école de formation” pour hauts fonctionnaires comme on l’entend parfois chez les officiels russes qui comparent la formation de Vladimir Poutine à l’ENA. J’ai certes beaucoup de choses à reprocher à l’ENA, mais enfin elle n’est pas une école de mensonge et de crime. J’ignore jusqu’à quel point le chef de l’Etat russe et son entourage ont été imprégnés de cette formation, mais il ne me semble pas vraiment déraisonnable – pour dire le moins – de se défier de cette abominable “école”. Et il ne me semble pas non plus du tout anodin de célébrer annuellement la mémoire de Dzerjinski, fondateur de la Tcheka, comme le font les anciens du KGB. De même qu’il n’est anodin de conserver “la charogne de Lénine” (comme disait Soljénitsyne) dans son mausolée de la place rouge. Bref, je pense qu’un énorme travail de décommunisation s’impose – et, hélas, pas seulement en Russie; je serais même d’avis de commencer par la France où pas moins de 4 candidats communistes se présentent à la présidentielle sans que quiconque trouve à y redire. Quand j’entends parler de “dénazification” de l’Ukraine – même si je ne doute pas que certains régiments et politiciens ukrainiens soient réellement nostalgiques du IIIe Reich -, je ne peux m’empêcher de penser à la propagande “anti-fasciste” du communisme international (pour un communiste, et aujourd’hui encore pour l’immense majorité de la gauche française, est “fasciste” toute personne qui ne plie pas le genou devant la propagande “du” Parti). En sens inverse, je ne peux pas non plus oublier que la majorité parlementaire de Vladimir Poutine a courageusement résisté au totalitarisme LGBT (et que la première personne touchée par les sanctions “occidentales” et interdite de séjour sur le territoire de l’Union européenne fut, non pas un oligarque, mais la présidente de la commission Famille de la Douma qui avait eu le “tort” de refuser la propagande LGBT dans les écoles). Dernier point: il est clair que la presse “mainstream” est un admirable vecteur de propagande et qu’il y a lieu de s’en méfier également. Mais, hélas, il ne s’agit pas d’une boussole qui indique le sud, comme le Rantanplan de Lucky Luke: ce serait trop simple si elle se trompait ou mentait systématiquement, il suffirait d’en prendre le contre-pied! Notre travail de réinformation n’est évidemment pas (si j’ose parodier le grand Joseph de Maistre!) un travail de désinformation en sens contraire, mais le contraire de la désinformation. Et donc plus nous aurons d’éléments pour permettre à chacun de se faire une opinion éclairée, mieux ce sera. Ayons seulement à coeur, les uns et les autres (et je n’ignore pas combien c’est difficile pendant les crises), de chercher la vérité et de faire crédit à ceux qui ne pensent pas comme nous qu’eux aussi la cherchent.

Guillaume de Thieulloy

 

 

Article de Michel Léon :

Nous lisons des analyses d’organes se revendiquant de la droite patriotique, conservatrice ou nationale, qui contestent la responsabilité russe dans les massacres de Boutcha, Irpin et Hostomel, au nord de Kiev. Sur le site « lesalonbeige.fr », un papier daté du 4 avril signé de Michel Janva renverse carrément les responsabilités. Il énumère un calendrier sur quatre jours et en conclut que les cadavres sont apparus après le départ des troupes russes : « 2 avril, on commence à voir des images de corps dans les rues de Boutcha ».

Les Russes ont quitté la zone le 30 mars. Au regard de la quantité de mines qu’ils y ont aimablement laissées, il va de soi que les combattants ukrainiens que M. Janva qualifie aimablement de « troupes d’Azov et autres Ukrainiens » (le régiment Azov étant aux yeux de l’ambassade de Russie à Paris, sur ordre du Kremlin, une unité « nazie ») n’ont pu avancer que précautionneusement.

Que l’ampleur du massacre et des exactions ne soient apparue et remontée dans les médias que deux jours après le départ des Russes ne surprendra personne. Le territoire est vaste, les agglomérations peu denses, les survivants terrés dans leurs maisons ou ce qu’il en reste, les routes parsemées de mines…

  1. Janva va même jusqu’à sous-entendre que ce seraient les Ukrainiens qui auraient commis le crime en ayant supposément liquidé les « collaborateurs » et « traîtres ». Et, pour faire bonne mesure, il cite in extenso le communiqué du ministère de la « Défense » de la Fédération de Russie qui qualifie de « provocation » l’affirmation selon laquelle les quelques 410 morts recensés dans ce secteur seraient le fait des troupes russes. Notons que M. Janva ne prend pas la peine de citer un seul mot venu du gouvernement de l’Ukraine.

Il cite un extrait d’une dépêche de Reuters qui précise, après reportage sur le terrain, que l’agence « n’a pas pu immédiatement vérifier les allégations » des responsables ukrainiens. Précaution classiques des agenciers, qui obéissent à des règles de recoupement que l’immédiateté ne permet pas, avant clarification ultérieure.

Rien dans l’article de M. Janva sur les photos satellites prises avant le départ des troupes russes et publiées par des médias américains. Ces images montrent des corps parsemant les routes du secteur de Boutcha. Pas un mot non plus sur le témoignage d’un journaliste indépendant affirmant que par ces températures négatives du nord de l’Ukraine, l’odeur pestilentielle de décomposition des corps trahi l’ancienneté du crime.

Mais puisque des médias « du système » le disent, ce serait faux, n’est-ce pas ? Les médias du système russe, bien plus à la botte du pouvoir, eux sont crédibles. Pas un mot non plus sur les témoignages recueillis par la journaliste Margaux Benn,  envoyée spéciale du Figaro à Kiev dans l’édition de ce mardi 5 avril. M. Janva aurait pu compléter son article, internet le permet.

Mme Benn relaie entre autres le témoignage de Kateryna Haliant, psychologue clinicienne, sur les femmes et (très) jeunes filles violées voire grièvement blessées, parfois devant leurs propres enfants, après que les soldats russes eurent assassiné les membres de la famille de sexe masculin.  « Les victimes que l’on connaît ont dû surmonter deux obstacle, raconte Kateryna : ressortir vivantes de leur calvaire, et venir le raconter. Or beaucoup d’entre elles sont mortes ».

Dans son adoration pour la virilité supposée du potentat russe, la droite poutiniste opère le même renversement causal que les tenants de l’islamo-gauchisme. Le terroriste – car en Ukraine il s’agit du terrorisme de l’Etat russe – est la victime, et la victime – l’Ukraine envahie et ravagée par le fanatisme stalino-tsariste – la coupable. De même, pour une certaine gauche le terroriste mahométan est une victime du colonialisme et l’Européen égorgé un impardonnable colonialiste.

L’obsession de l’attaque sous faux drapeau vire à la paranoïa. Comme l’est la paranoïa kremlinesque sur la supposée nature foncièrement « nazie »  non seulement du gouvernement mais du peuple ukrainien.  Nous renverrons simplement M. Janva à l’éditorial publié le 3 avril à 8 : 00 par une dépêche RIA Novosti, agence gouvernementale russe. Le papier est signé Timofei Sergeytsev et il est intitulé « Ce que la Russie doit faire de l’Ukraine ».

Extraits : « A côté de l’élite, une partie importante de la masse du peuple, composée de nazis passifs, est complice du nazisme. Elle a soutenu  les autorités nazies et les comprennent ». « L’hypothèse selon laquelle le peuple est bon et le gouvernement a tort ne fonctionne pas ».

Sergeytsev poursuit : « La juste punition  de cette partie de la population  peut être considérée comme une étape dans les répressions inévitables  d’une guerre juste contre le système nazi ». Et une dernière pour la route : « L’élite Banderienne doit être  liquidée, sa rééducation est impossible. La lie sociale qui la soutient de manière active ou passive  doit subir les duretés de la guerre  et digérer cette expérience  comme une leçon et une expiation historique ».

Compris ?

Michel LEON