mardi 18 mai 2021

A Jérusalem il y a exactement dix ans, quelques réflexions rétrospectives du haut de la terrasse du couvent des Maronites : ce qu’il en est aujourd’hui

 

Je viens de rouvrir mon petit livre-reportage, « Ce que j’ai vu en Terre Sainte » publié en 2011 peu après notre retour (nous étions cinq) de quelques journées de découverte, moitié pèlerinage, moitié d’intérêt civilisationnel et géopolitique.

J’écrivais ces phrases : « Dans le tourbillon des sentiments, des perceptions, des réflexions qui se mêlent en moi, me vient bien sûr l’interrogation sur l’incroyable disproportion entre la minuscule réalité quantitative et l’immense valeur religieuse, idéologique et politique accordée à ce confetti de territoire. Car, plus que jamais, plus encore en ce XXème siècle qu’au Ier ou au Xème, il constitue un enjeu déterminant pour la paix du monde. Mais l’amorce qui peut déclencher une apocalyptique continuité d’explosions est-elle plus grande qu’un confetti ? Or, tous les ingrédients de la chimie humaine d’une première explosion semblent ici en place, dans le calme apparent pour le moment, mais que l’on sait si précaire, de la coexistence des trois religions. Alors, pour nous rassurer un peu, répétons la parole de Bainville : « Le pire n’est jamais sûr ».

Mais voilà qu’aujourd’hui, avec déjà deux cents morts et des milliers de blessés, majoritairement du côté palestinien mais aussi chez les Israéliens, la situation a déjà une fois encore évolué en pire en ce pays d’Israël-Palestine.

Ce sera bien nécessairement un des sujets majeurs de notre émission ce mercredi sur Radio Courtoisie, probablement en deuxième partie (de 19h30 à 21h).

Mais d’ores et déjà, voici quelques réflexions que je voudrais y développer.

·       D’abord en effet, le fascinant contraste qu’il y a entre le confetti de territoire qu’est la vieille ville de Jérusalem (moins d’un km2 !) et la résonance quasi planétaire que peut prendre l’enjeu disputé qu’elle constitue aujourd’hui comme hier.

·       Au delà, l’ensemble Israël-Gaza-Cisjordanie n’est aussi, territorialement et démographiquement, qu’une parcelle dérisoire des terres habitées.

Seulement voilà, ce sont les terres les plus chargées d’histoire qui soient, de significations religieuses, de rivalités civilisationnelles séculaires mais aussi, depuis peu, en proie à des tensions pour l’exploitation des gisements énergétiques marins aux confins des eaux territoriales d’Israël, du Liban et de Chypre.

·       L’embrasement actuel est parti, comme lors de précédentes « intifadas », de heurts sur l’esplanade des mosquées cette fois motivés par les possibilités offertes par la loi israélienne à des familles juives de récupérer à Jérusalem-Est des terrains qui leur appartenaient avant 1948 (date de la création de l’Etat d’Israël) mais qui n’étaient pas alors dans les frontières du nouvel Etat.

·       Ce qui est nouveau, c’est que de durs affrontements, marqués par des lynchages des deux côtés, ont eu lieu, à l’intérieur des frontières d’Israël, entre juifs israéliens et arabes israéliens (21% de la population).

Les murs qui ceinturent l’Etat hébreu, construits pour empêcher les pénétrations terroristes, ne mettent donc pas à l’abri de ces violences.

·       Depuis plusieurs années, deux principales composantes islamo-jihadistes ont pour objectif affiché l’anéantissement d’Israël :

-        Au sud, le Hamas, sunnite, tient le territoire de Gaza, encerclé mais non fermé par Israël dont dépendent en effet tous les approvisionnements. On comprend aisément pourquoi car l’Etat hébreu ne veut surtout pas occuper et administrer cette enclave surpeuplée et bouillon de culture terroriste.

-        Au Nord, le Hezbollah « libanais » (parti d’Allah), chiite, dirigé par l’Iran mais, simultanément, parti largement au pouvoir au Liban et plus qu’une milice, une véritable armée qui fut pour Israël, en 2007, très difficile à vaincre.

·       Le danger pour Israël aurait été celui d’une agression simultanée du Hamas et du Hezbollah. Or ce dernier est de plus en plus « fixé » en Syrie où il a d’ailleurs été très efficace dans la défense du régime mais au prix de lourdes pertes. Pour l’heure, Israël va en finir, au moins pour quelque temps, avec le Hamas.

Mais la trêve probable qui va s’ensuivre ne sera sans doute pas la paix.  

·       On ne peut certes que se désoler devant le nombre considérable des morts et des blessés à Gaza dont des dizaines d’enfants.

Mais la responsabilité directe de cette tragédie incombe au Hamas. Comment oublierait-on d’ailleurs l’accablante continuité terroriste qui depuis des dizaines d’années a marqué la cause palestinienne frappant d’ailleurs rarement l’armée israélienne mais aussi les civils israéliens et toutes les autres victimes par centaines de ses attentats dans différents pays ?

Comment oublier encore qu’accueillis généreusement au Liban les Palestiniens sécrétaient très vite parmi eux les milices terroristes de l’O.L.P de Yasser Arafat ayant pour objectif de s’emparer du pays, perpétrant les massacres de Damour et du Chouf ?

·       On ne saurait oublier que l’armée israélienne vint alors à la rescousse de la résistance chrétienne libanaise menée par le grand Bachir Gemayel face aux palestiniens et face à la Syrie.

·       Hélas, nous avons été très peinés et ne l’avons pas caché, sur ce blog ou sur Radio Courtoisie, d’apprendre que le gouvernement israélien avait vendu à l’Azerbaïdjan islamiste les drones utilisés par son armée pour bombarder massivement les Arméniens du Haut Karabakh et entraîner ainsi d’atroces massacres de nos frères chrétiens de ce pays. Nos amis juifs nous ont alors témoigné de leur partage d’indignation.

·       La démographie détermine en grande partie l’avenir d’Israël et des populations palestiniennes.

En voici les chiffres essentiels :

-Population totale d’Israël : 9,3 millions d’habitants

 dont 7 millions de Juifs, soit 74%

1,9 million d’arabes, soit 21% parmi lesquels environ deux cent mille chrétiens.

-Population palestinienne en Cisjordanie : 3,1 millions

Parmi lesquels plusieurs dizaines de milliers de colons juifs comptabilisés dans la population israélienne.

-Population palestinienne de Gaza : 2 millions (à 99,9% musulmane)

 

Un constat fondamental :

L’ensemble de la population palestinienne sous contrôle israélien est de 7 millions, soit autant que la population juive.

Il faut mentionner encore qu’il y a environ 3 millions de Palestiniens en Jordanie et entre 174000 et 400 000 au Liban selon les recensements de l’Etat ou de l’ONU.

Enfin avant la guerre en Syrie, le nombre de palestiniens réfugiés était de l’ordre de six cent mille.

 

Conclusion

-L’Etat d’Israël a d’évidence, depuis longtemps, abandonné le projet soutenu internationalement de deux Etats séparés : un état juif et un état arabe.

C’est le projet qu’appuyait aussi, quand elle était au gouvernement, la gauche israélienne (avec Rabbin assassiné).

-Les israéliens vont-ils alors explicitement préférer la solution d’un seul Etat gouvernant donc une population moitié juive moitié arabe ? Selon quels contours administratifs, selon quels projets de coexistence, selon quels pouvoirs respectifs ?

Sans doute pas selon le modèle sud-africain de jadis, l’apartheid.

Mais alors, comment ces deux peuples imbriqués et qui ne s’aiment pas vont-ils élaborer un avenir commun dans la paix ?