vendredi 1 mai 2020

La crise du coronavirus est aussi une conséquence de la métropolisation mondialiste


Loin de nous l’intention de nous prononcer sur l’origine du coronavirus spécifique covid-19, sur sa dangerosité et sur la légitimité de la panique générale qu’il provoque, avec arrêt total d’économies déjà en voie de récession malgré des années d’injections monétaires démesurées. En revanche on ne peut que souligner la crise du modèle métropolitain et de ses terrifiantes « villes-monde » surpeuplées, révélée par cet épisode qui en est une des conséquences.

Grosses cylindrées se ruant sur les autoroutes du Sud au départ des beaux quartiers parisiens jusque tard dans la nuit à partir du dimanche 15 mars ; trains pris d’assaut pour fuir l’Ile-de-France donnant des sueurs au sous-ministre des Transports Djebbari… Dès l’annonce du confinement des populations,  200.000 Parisiens ont fui leur ville et, au plus fort de la crise, on estimait que plus d’un million de Franciliens avaient quitté leur région. On est moins douloureusement confiné dans un bourg du Lubéron, du bassin d’Arcachon, de Provence, des Cévennes - voire de n’importe quel chef-lieu de canton auprès de cousins, pour les moins riches - que dans la métropole francilienne dont le centre affiche l’une des densités de population les plus élevées au monde.

Paris et la Seine-Saint-Denis : 40% des décès à l’hôpital dus au coronavirus mi-avril pour 5,7% de la population

En France, sur les 5.500 décès à l’hôpital dus au virus chinois recensés mi-avril, 1.310 étaient survenus à Paris (2,2 millions d’habitants) et 752 en Seine-Saint-Denis (1,6 millions d’habitants officiellement recensés). Ces deux seuls départements, qui totalisent 5,7% de la population française totale, affichaient 40% des décès à l’hôpital en France.

Or la surconcentration humaine dans la métropole francilienne est effarante. Paris et sa petite « couronne » (quatre départements) comptent 6,8 millions d’habitants, soit 10,47% de la population métropolitaine, entassés sur 762,4 km2, soit 0,138% du territoire métropolitain… moins du sixième de la surface du département de la Lozère (5.167 km2 et 77.000 habitants) !

Premier quartier d'affaires en Europe avec 3,450 millions de mètres carrés de bureaux (45 millions au total pour la seule région parisienne), le quartier de la Défense occupe 180.000 salariés... sur 160 hectares seulement, soit moins du dixième de la surface de la commune de Grenoble (158.000 habitants). 450.000 personnes transitent chaque jour par son pôle de transports publics, qui va être considérablement agrandi avec le RER E et le Grand Paris express.

On notera que le virus impliqué dans cette grande démonstration de contrôle total des populations est parti d’une gigantesque métropole chinoise, Wuhan, dont le « centre-ville » compte près de 9 millions d’habitants autour du confluent du Yangzi et de la rivière Han, parsemé de lacs et réputé pour son infestation par les moustiques et sa pollution. Wuhan est un gigantesque port fluvial et un centre majeur de l’industrie automobile mondiale. Son climat est relativement froid l’hiver (minimales moyennes de 1°C en janvier avec des pointes à -18°C) et très chaud et humide l’été.

La France a tout misé sur la métropolisation, particulièrement pour l’Ile-de-France

La question métropolitaine est donc très présente dans cette crise sanitaire. Or la France semble avoir tout misé sur la métropolisation de son territoire, relativement exigu pourtant par rapport à celui de la Chine puisque sa surface est 17 fois moindre.

Cette métropolisation est favorisée par le centralisme idéologique, véritable dogme frisant la paranoïa qui règne en France depuis près de deux siècles et demi, allié à l’utopie globaliste qui prône un réseau de gigantesques métropoles comme infrastructure de la gouvernance mondiale. Elle accentue encore plus l’hypertrophie de la ville-capitale : Paris et sa région se voient gratifier de toujours plus gigantesques investissements avec, dans les transports publics, les travaux du Grand Paris Express (38 milliards d’euros !), de la ligne E du RER vers l’ouest tandis qu’on continue de fermer des lignes dans les « provinces » jugées « rances ».

Ces dernières, victimes de la division internationale du travail ayant entraîné leur désindustrialisation massive, se voient ainsi privées d’un outil de transport puissamment intégrateur, accentuant un peu plus leur marginalisation et obérant leurs capacités de rebond. Un seul exemple. L’année dernière a ainsi vu définitivement fermer la ligne Moulins-Montluçon dans un département de l’Allier sinistré. Son service voyageurs, qui desservait la ville historique de Souvigny, avait été supprimé dès 1972. Les actuels bus de substitution offrent un temps de parcours et une fréquence identiques à ceux offerts par les trains en… 1956. Montluçon a perdu 38,9% de sa population en 40 ans, revenant à ses niveaux des années 1920. Moulins a perdu 24,6% de sa population sur la même période, revenant à ses niveaux des années 1870 !

L’hyper-métropolisation s’accompagne d’un assèchement proportionnel des budgets des services publics régionaux, continuant après des décennies de déflation à détruire notre magnifique patrimoine de bureaux de postes, d’hôpitaux de proximité, de tribunaux d’instance, de maternités, de perceptions.

Même le maire de Neuilly dénonce désertification des territoires et saturation des espaces métropolitains

Or cette métropolisation à outrance entraîne non seulement une fragilité sanitaire liée à la promiscuité que l’épisode actuel illustre de façon criante, mais aussi une menace sur la singularité et la fécondité des cultures. C’est la thèse d’un ouvrage paru en 2018, intitulé « Travailler là où nous voulons vivre – vers une géographie du progrès » (François Bourin éd.). Son auteur est Jean-Christophe Fromantin, maire de Neuilly-sur-Seine (au cœur de la métropole francilienne…) et président d’ExpoFrance 2025 (qui prépare l’exposition d’Osaka). Il explique dans un récent entretien publié par Valeurs Actuelles (15 mars 2020) : « On entend le même refrain depuis vingt ans : L'avenir est dans les métropoles. Chaque époque a sa doxa. Dans le même temps, on constate les problèmes engendrés par la métropolisation à outrance : désertification des territoires, saturation de l'espace dans les métropoles, avec les conséquences sociales, économiques et environnementales que cela implique. Non, la métropolisation ne représente pas un progrès économique, elle conduit à la standardisation des modes de vie, à la compétition permanente et donc à la financiarisation de l'économie. En amenuisant la diversité de l'offre, il devient impossible de se démarquer. La qualité des échanges s'appauvrit, la curiosité disparaît. De ce fait, on aboutit forcément à l'affaiblissement de l'offre économique et culturelle. »

La crise actuelle, qui impose le travail à distance quand il est possible, pourrait révéler mieux encore l’impasse où conduit la métropolisation. Un récent rapport du Conseil d’analyse économique déplore que « la concentration dans les métropoles contribue (…) à accentuer les inégalités spatiales et à générer des externalités négatives sur le bien-être dans certains territoires ».  Un euphémisme quand on observe sur le terrain le sabotage quasi systématique des réseaux postaux, ferroviaires, judiciaires, sanitaires par l’Etat central, tout-puissant en France.

Au contraire, selon Fromantin, l'aménagement du territoire doit se développer selon six principes : « Sanctuariser le maillage des villes moyennes ; connecter les villes moyennes aux métropoles ; relier les métropoles entre elles ; organiser les connexions logistiques de chaque territoire avec le monde ; déployer les technologies sur l'ensemble du territoire ; faciliter à l'échelle des villes moyennes l'accès aux principaux services publics. »

Notre conclusion : le prochain plan de relance massive, qui paraît inévitable après l’effondrement économique déclenché par le virus chinois, sera régional et territorial ou ne sera pas.

Michel Léon