Voilà un millénaire que la question
turco-ottomane est devenue une des constances de la vie de l’Europe. D’une
certaine manière elle est même devenue constitutive de l’idée européenne. En
effet, c’est l’invasion et la domination des Turcs seldjoukides en 1070-1071 sur
la Terre Sainte qui entraîna les nécessités de la croisade dès lors que la
tradition séculaire des pèlerinages devenait de plus en plus périlleuse. Les
pèlerins étaient de plus en plus massacrés ou soumis à rançons. D’autant que
les Arabes jusque là tolérants adoptaient les pratiques abominables des Turcs.
Pendant près de deux siècles, les croisés
bâtirent et défendirent le Royaume latin de Jérusalem la principauté d’Antioche,
le comté de Tripoli et celui d’Edesse appuyés sur la Petite Arménie; sans
oublier le Royaume de Chypre.
Les princes et chevaliers croisés
épousèrent nombre de princesses arméniennes, tissant ainsi des liens
multiséculaires dont on trouve encore au Liban la continuité dans de grandes
familles chrétiennes.
A partir du XIIIème siècle, se développa
l’Empire ottoman (sur le nom d’Othman, fondateur de la dynastie ottomane) qui,
de par sa puissance guerrière s’étendit au fil du temps sur l’Asie Mineure et
les Balkans.
Et puis, ayant un temps reculé sous la
poussée mongole puis repris leurs conquêtes, les ottomans sous le règne du
sultan turc Méhmet II finirent par s’emparer, le 24 mai 1453, de Constantinople,
capitale de l’empire byzantin. Ce ne fut pas la chute de Constantinople mais la
mort. La puissance ottomane se développa sur toutes les terres et les mers de
Méditerranée du sud, de l’Afrique du Nord aux Balkans, freinée par la victoire
chrétienne de Lépante (octobre 1571, sous l’impulsion du Pape Saint Pie V) arrêtée
par leur défaite sous les murs de Vienne, le 12 septembre 1638, grâce au duc
Charles de Lorraine et au roi de Pologne, Jean III Sobieski.
Pendant des siècles de domination, la
Sublime Porte constitua un formidable système esclavagiste fondé sur la
pratique de la « course » (d’où « corsaire») avec les vassalités
barbaresques des Beys et des Deys.
Le mot de « bagne » vient du
mot espagnol baños (« les bains »)
dont ceux de Tunis servant longtemps de marché aux esclaves, hommes, femmes et
enants capturés sur les mers ou le long des côtes sans que, pendant des siècles,
les royaumes européens n’arrivent à mettre fin à ce système.
Ce ne fut que
grâce à la conquête de l’Algérie en 1830 qu’il fut enfin interrompu et que s’effectua
alors la décolonisation de l’Algérie du colonialisme turc.
Chose dont Mr
Macron n’a semble-t-il jamais entendu parler.
Rappelle t-on
aux enfants des écoles que durant la seule année 1636 (l’année du Cid !)
les corsaires barbaresques, malgrè les guets des tours génoises, avaient pu
rapter plusieurs centaines de corses ?
Si les ordres
religieux notamment des Trinitaires et des Mercédaires, s’employèrent pendant
des siècles à racheter des captifs (plus de cent mille pour ces seules
congrégations ) les Etats, et hélas le Royaume de France en premier chef s’en
soucièrent moins.
Songeons que,
hormis trois galères sous pavillon de l’ordre de Malte, la France n’était pas
en tant que telle à Lépante, et que Louis XIV se désintéressa de la bataille de
Vienne…
La vérité c’est
que la diplomatie ottomane fut souvent efficace.
Alors que le
sultan effroyablement cruel Abdül-Hamid II avait, en 1894 déjà, ordonnancé les
massacres de plus de trois cent mille Arméniens, les Jeunes Turcs qui s’emparèrent
de la réalité du pouvoir au début du XXème siècle, surent conquérir et séduire
quasiment toute notre classe politique (de Jaurès à Albert de Mun !), se
faisant qualifier de « progressistes » alors que simultanément en
1909 ils organisaient en sous-main, expérimentalement, les massacres à Adana,
en Cilicie de 90 000 Arméniens.
Et ce sera, six
ans après, à Istambul, le 24 avril 1915, le début du grand génocide des
Arméniens des années 1915-1916, perpétré, région après région, et que
parachèverai Mustafa Kemal en 1918 avec les massacres et ou les déportations
des grecs de Smyrne et des Assyro-chaldéens vivant encore alors sur les confins
actuels de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak.
Or s’il fut un
remarquable général, Mustafa Kemal fut plus encore un redoutable diplomate,
bénéficiant de ses liens maçonniques internationaux, auréolé de son image de
fondateur d’une Turquie moderne et laïque, sachant ainsi capter simultanément
les sympathies des Français, des Allemands, et des Soviétiques.
Beaucoup
croient ainsi que Kemal fut un éradicateur de l’islam en Turquie. C’est une
ineptie. Car s’il était personnellement non religieux, il n’affirmait pas moins
régulièrement que le seul socle culturel de la Turquie c’était l’islam. Et il s’employa
à parachever l’élimination de toute autre présence religieuse ou
ethno-religieuse dans le pays.
Lui aussi
aimait volontiers, comme Erdogan, se déguiser en janissaire…
Or l’islamiste
Erdogan a su admirablement reprendre, version islamiste, la continuité
séductrice de la diplomatie de Kemal vis-à-vis de l’Europe.
Pour cela, rien
de mieux que la complaisance complice d’une Angela Merkel, étrangère à toute
idée d’identité culturelle de son pays et pour laquelle n’importe quelle
population peut remplacer n’importe quelle population.
Erdogan a joué
un rôle majeur dans l’extension de la guerre civile en Syrie, favorisant en Turquie
les mouvements, équipements et approvisionnements de l’Etat islamique et autres
groupes terroristes avant de les laisser partir en Syrie.
De son côté, Bachar-al-Assad,
de même farine politique avait vidé certaines de ses prisons de nombres d’islamistes,
permettant à ces derniers de s’emparer de la ville chrétienne de Malloula, commettant
maints assassinats et destructions.
Après quoi, il
s’occupa de faire reconquérir les lieux par son armée, se parant ainsi d’une
aura de bienfaiteurs des chrétiens.
On le voit,
Poutine, le protecteur d’Assad, et Erdogan ont de quoi se parler lorsqu’ils se
rencontrent aimablement à Moscou ou ailleurs, histoire de ne pas laisser
déraper les conflits qu’ils entendent bien contrôler…
Mais les
millions de « migrants » qui stationnent en Turquie ne sont pas
prioritairement dans les préoccupations de Poutine. Sur cette affaire, il
appuie tout simplement Assad pour que les réfugiés syriens (qui ne sont pas les
seuls migrants stationnaires) ne puissent revenir en Syrie.
Erdogan pour sa
part va continuer à les gérer stratégiquement au mieux : en monneyant leur
maintien en Turquie et simultanément en organisant une incessante infiltration
en Europe.
Ainsi continuent les mouvements simultanés de
la tsunamigration et de l’islamigration.