jeudi 12 mars 2020

Erdogan: la « tsunamigration-islamigration », arme de la puissance néo-ottomane ( suite du mardi 10 mars)



Voilà un millénaire que la question turco-ottomane est devenue une des constances de la vie de l’Europe. D’une certaine manière elle est même devenue constitutive de l’idée européenne. En effet, c’est l’invasion et la domination des Turcs seldjoukides en 1070-1071 sur la Terre Sainte qui entraîna les nécessités de la croisade dès lors que la tradition séculaire des pèlerinages devenait de plus en plus périlleuse. Les pèlerins étaient de plus en plus massacrés ou soumis à rançons. D’autant que les Arabes jusque là tolérants adoptaient les pratiques abominables des Turcs.

Pendant près de deux siècles, les croisés bâtirent et défendirent le Royaume latin de Jérusalem la principauté d’Antioche, le comté de Tripoli et celui d’Edesse appuyés sur la Petite Arménie; sans oublier le Royaume de Chypre.

Les princes et chevaliers croisés épousèrent nombre de princesses arméniennes, tissant ainsi des liens multiséculaires dont on trouve encore au Liban la continuité dans de grandes familles chrétiennes.

A partir du XIIIème siècle, se développa l’Empire ottoman (sur le nom d’Othman, fondateur de la dynastie ottomane) qui, de par sa puissance guerrière s’étendit au fil du temps sur l’Asie Mineure et les Balkans.

Et puis, ayant un temps reculé sous la poussée mongole puis repris leurs conquêtes, les ottomans sous le règne du sultan turc Méhmet II finirent par s’emparer, le 24 mai 1453, de Constantinople, capitale de l’empire byzantin. Ce ne fut pas la chute de Constantinople mais la mort. La puissance ottomane se développa sur toutes les terres et les mers de Méditerranée du sud, de l’Afrique du Nord aux Balkans, freinée par la victoire chrétienne de Lépante (octobre 1571, sous l’impulsion du Pape Saint Pie V) arrêtée par leur défaite sous les murs de Vienne, le 12 septembre 1638, grâce au duc Charles de Lorraine et au roi de Pologne, Jean III Sobieski.

Pendant des siècles de domination, la Sublime Porte constitua un formidable système esclavagiste fondé sur la pratique de la « course » (d’où « corsaire») avec les vassalités barbaresques des Beys et des Deys.

Le mot de « bagne » vient du mot espagnol baños (« les bains ») dont ceux de Tunis servant longtemps de marché aux esclaves, hommes, femmes et enants capturés sur les mers ou le long des côtes sans que, pendant des siècles, les royaumes européens n’arrivent à mettre fin à ce système.

Ce ne fut que grâce à la conquête de l’Algérie en 1830 qu’il fut enfin interrompu et que s’effectua alors la décolonisation de l’Algérie du colonialisme turc.
Chose dont Mr Macron n’a semble-t-il jamais entendu parler.
Rappelle t-on aux enfants des écoles que durant la seule année 1636 (l’année du Cid !) les corsaires barbaresques, malgrè les guets des tours génoises, avaient pu rapter plusieurs centaines de corses ?

Si les ordres religieux notamment des Trinitaires et des Mercédaires, s’employèrent pendant des siècles à racheter des captifs (plus de cent mille pour ces seules congrégations ) les Etats, et hélas le Royaume de France en premier chef s’en soucièrent moins.

Songeons que, hormis trois galères sous pavillon de l’ordre de Malte, la France n’était pas en tant que telle à Lépante, et que Louis XIV se désintéressa de la bataille de Vienne…
La vérité c’est que la diplomatie ottomane fut souvent efficace.

Alors que le sultan effroyablement cruel Abdül-Hamid II avait, en 1894 déjà, ordonnancé les massacres de plus de trois cent mille Arméniens, les Jeunes Turcs qui s’emparèrent de la réalité du pouvoir au début du XXème siècle, surent conquérir et séduire quasiment toute notre classe politique (de Jaurès à Albert de Mun !), se faisant qualifier de « progressistes » alors que simultanément en 1909 ils organisaient en sous-main, expérimentalement, les massacres à Adana, en Cilicie de 90 000 Arméniens.

Et ce sera, six ans après, à Istambul, le 24 avril 1915, le début du grand génocide des Arméniens des années 1915-1916, perpétré, région après région, et que parachèverai Mustafa Kemal en 1918 avec les massacres et ou les déportations des grecs de Smyrne et des Assyro-chaldéens vivant encore alors sur les confins actuels de la Turquie, de la Syrie et de l’Irak.
Or s’il fut un remarquable général, Mustafa Kemal fut plus encore un redoutable diplomate, bénéficiant de ses liens maçonniques internationaux, auréolé de son image de fondateur d’une Turquie moderne et laïque, sachant ainsi capter simultanément les sympathies des Français, des Allemands, et des Soviétiques.

Beaucoup croient ainsi que Kemal fut un éradicateur de l’islam en Turquie. C’est une ineptie. Car s’il était personnellement non religieux, il n’affirmait pas moins régulièrement que le seul socle culturel de la Turquie c’était l’islam. Et il s’employa à parachever l’élimination de toute autre présence religieuse ou ethno-religieuse dans le pays.
Lui aussi aimait volontiers, comme Erdogan, se déguiser en janissaire…

Or l’islamiste Erdogan a su admirablement reprendre, version islamiste, la continuité séductrice de la diplomatie de Kemal vis-à-vis de l’Europe.
Pour cela, rien de mieux que la complaisance complice d’une Angela Merkel, étrangère à toute idée d’identité culturelle de son pays et pour laquelle n’importe quelle population peut remplacer n’importe quelle population.

Erdogan a joué un rôle majeur dans l’extension de la guerre civile en Syrie, favorisant en Turquie les mouvements, équipements et approvisionnements de l’Etat islamique et autres groupes terroristes avant de les laisser partir en Syrie.

De son côté, Bachar-al-Assad, de même farine politique avait vidé certaines de ses prisons de nombres d’islamistes, permettant à ces derniers de s’emparer de la ville chrétienne de Malloula, commettant maints assassinats et destructions.

Après quoi, il s’occupa de faire reconquérir les lieux par son armée, se parant ainsi d’une aura de bienfaiteurs des chrétiens.

On le voit, Poutine, le protecteur d’Assad, et Erdogan ont de quoi se parler lorsqu’ils se rencontrent aimablement à Moscou ou ailleurs, histoire de ne pas laisser déraper les conflits qu’ils entendent bien contrôler…

Mais les millions de « migrants » qui stationnent en Turquie ne sont pas prioritairement dans les préoccupations de Poutine. Sur cette affaire, il appuie tout simplement Assad pour que les réfugiés syriens (qui ne sont pas les seuls migrants stationnaires) ne puissent revenir en Syrie.

Erdogan pour sa part va continuer à les gérer stratégiquement au mieux : en monneyant leur maintien en Turquie et simultanément en organisant une incessante infiltration en Europe.

 Ainsi continuent les mouvements simultanés de la tsunamigration et de l’islamigration.