Les eurocrates se
suivent et sur l’essentiel se ressemblent. Ainsi, une fois de plus, une fois
encore, les médias ont amplement diffusé les photos de la présidente de la Commission
européenne, Ursula Von der Leyen, et du président du Conseil européen, Charles
Michel recevant ce lundi à Bruxelles, avec force courbettes, le dictateur turc,
Recep Tayyip Erdogan.
Ce dernier doit se
demander sans cesse jusqu’où il peut aller dans ses chantages avec cette Union
Européenne qui a pour lui toutes les complaisances.
On se souvient qu’en 2016, l’Union Européenne avait accepté le principe d’une aide globale à la
Turquie de six milliards d’euros de contrepartie d’une promesse d’Erdogan de ne
pas encore laisser passer vers l’Europe des millions de migrants.
Depuis, la Turquie a
consommé la plus grande partie de l’aide européenne. Et elle en redemande. Or
Erdogan a demandé aussi une aide de l’Europe pour le conflit qui l’oppose à la
Syrie appuyée par la Russie. Pour mieux connaître les arcanes de cette
situation, on lira dans Reconquête (février) le remarquable article d’analyses
géopolitique sur les relations russo-turques de notre ami Constantin Telegat.
Il fallait toute la
méconnaissance de bien des journalistes pour annoncer l’imminence d’une guerre
frontale russo-turque ! Poutine a
reçu Erdogan à Moscou et le grand affrontement n’a pas eu lieu. Et n’aura pas
lieu de si tôt. Il n’aura pas lieu de si tôt car ni Erdogan ni Poutine ne
veulent remettre en cause la construction du gazoduc d’importance stratégique
pour les deux états.
Ce gazoduc qui doit
acheminer le gaz russe en Europe, construit en Russie est en chantier sous la
mer noire, va ressortir en Turquie et traverser les Balkans vers l’Allemagne.
Poutine et Erdogan ont certes ample matière à conflit entre les deux pays
qu’ils dirigent mais ils sont faits aussi pour se comprendre.
Ils sont en effet les
chefs de deux puissances séculairement et inéluctablement ennemies. Mais en ne relâchant
jamais leur vigilance respective, méprisant également toute considération
morale en politique, ces deux hommes, ces deux fauves, ont tout pour se
comprendre. L’un et l’autre se veulent des reconstructeurs d’empire et
l’affirment haut et fort. Erdogan veut rebâtir l’empire islamo-ottoman. Il
n’aime rien tant que de célébrer fastueusement des reconstitutions de la prise
de Constantinople avec force représentations d’unités de janissaires en
costumes d’époque. Alors que Paul VI a cru bon jadis de rendre à la Turquie les
drapeaux turcs pris à Lépante, il ne viendrait jamais à l’idée d’Erdogan
d’émettre quelques repentance ottomane sur la séculaire et effroyable pratique
du devshirmé ( consistant à prélever
dans toutes les familles des populations chrétiennes en dhimmitude un jeune
garçon sur cinq. Pour être ensuite circoncis, islamisés et suivre la terrible
formation des écoles de janissaires).
Pas plus il ne
prononcera la moindre repentance pour le génocide, il y a un siècle, décidé par
les dirigeants Jeunes-Turcs, des Arméniens, Assyro-Chaldéens, Grecs et autres
chrétiens qui vivaient alors sur les territoires de l’actuelle Turquie.
Ce qui importe autant à
Erdogan que la conquête des zones frontières de la Syrie, c’est d’amplifier la
présence islamo-ottomane en Europe. Mais rien ne presse. Tantôt il laisse
passer, tantôt il exige et obtient de l’argent pour ne pas laisser passer.
A suivre