jeudi 9 janvier 2020

Qassem Soleimani était un « protecteur des chrétiens » (sic !)


Je lis cela avec un mélange d’effondrement et de commisération sur un site d’extrême-droite catholique, « antisioniste » et quelque peu islamophile.

On le sait, je ne suis pas plus un admirateur du président Trump que du président Poutine. Je préfère, en quelque sorte esthétiquement, la personnalité du second, moins flambard, à celle du premier mais je pèse aussi tout ce que la politique du second peut recéler d’inquiétant dans son alliance avec la Chine et l’Iran et aussi avec la Turquie. 

Avec ce dernier pays, j’ai d’ailleurs écrit dans le dernier numéro de Reconquête combien je doutais (et espérais) que cette alliance puisse durer, tellement elle me paraissait aller à l’encontre des constantes historiques des relations séculairement bien plus conflictuelles qu’amicaux de ces deux puissances, l’une islamique, l’autre chrétienne orthodoxe.

On a pu vérifier presque aussitôt que je n’ai peut-être pas eu tort tant les rapports se sont crispés entre les deux « alliés » d’un moment à propos de la guerre en Lybie. 

L’autocrate Erdogan, dont toute la politique expansionniste vise à ressusciter l’empire ottoman, entend en effet se mêler de cette affaire-là, ayant déjà fait débarquer quelques troupes pour soutenir le gouvernement dit d’union nationale de Fayez el-Sarraj, gouvernement généralement présenté comme reconnu par la communauté internationale, mais auquel s’oppose militairement le général Haftar qui contrôle la majeure partie du territoire du pays et non sans appuis internationaux.

Bref, on n’est pas prêt dans ce pays d’en finir avec les conséquences de la désastreuse élimination – sans solution de remplacement – du dictateur Khadafi décidée irresponsablement par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé (alors ministre des Affaires étrangères) sous l’influence de Bernard-Henri Lévy.

Alors que Khadafi ne représentait plus aucun danger, ayant suscité l’hostilité de tous les islamismes après la publication de son « livre vert » présenté comme… supérieur au Coran ! Crime de lèse-prophète s’il en est.

Mais cela rappelé, c’est l’Iran qui est principalement revenu dans l’actualité internationale avec l’élimination du véritable numéro 2 du régime, le général Qassem Soleiman, le redouté patron de toutes les unités et milices iraniennes hors des frontières du pays, et notamment au Liban du Hezbollah, qui exerce sa domination théocratique islamiste sur une grande partie de ce petit pays et surtout sur le gouvernement du général Aoun.

Or le redouté Qassem Soleimani était d’abord un tueur, responsable du grand nombre d’actes terroristes perpétrés par le Hezbollah en collaboration avec les services secrets syriens et d’abord au Liban.

Je n’ai pas été sans remarquer que sur nombre de nos medias on parlait de « l’assassinat » (sic !) de Qassem Soleimani et non « d’élimination ». 

Le choix du mot « assassinat » n’est pas anodin. Il est même très révélateur de la présence croissante de l’islamisme dans nos medias. 

Alors, Trump a-t-il bien fait d’ordonner cette exécution et de s’en vanter ?

Je trouvais cela regrettable car ayant pour effet de ressouder au moins partiellement, par réflexe nationaliste, un grand nombre d’Iraniens autour de la dictature des ayatollahs qui devenait de plus en plus honnie, et pas seulement en Iran mais également en Irak et au Liban.

Au moment où j’écris, il n’est pas évident que la décision de Trump ait finalement des effets si catastrophiques. 

Les dirigeants iraniens ne comprennent sans doute que la force et n’ont pu, en fait de réponse à l’élimination de Soleimani, qu’organiser des frappes sans effet.

Et il n’est pas dit que les foules chiites, versatiles, demeurent longtemps dans leur retournement en faveur du régime.


Carlos Ghosn : je reviendrai plus longuement dans Reconquête sur ce que j’ai jubilatoirement exprimé ici après son extraordinaire évasion. Un coup fabuleux nous apportant une part de rêve sur cette séquence réelle à la hauteur du Comte de Monte-Cristo  de notre cher Alexandre Dumas.

La conférence de presse d’hier de Carlos Ghosn a été époustouflante. Un extraordinaire long moment de réplique avec une maestria remarquable de la part d’un homme ayant vécu quatorze mois durant dans les affres que l’on peut imaginer, d’abord de garde à vue, 108 jours durant, sans avocat pendant les interrogatoires dans une prison où, hors les rares visites consulaires que l’on sait, il ne pouvait parler à personne comprenant notre langue.

Incroyable « justice » japonaise ayant permis son arrestation au motif d’une non-déclaration de revenus… pas encore perçus ! Incroyable justice japonaise fonctionnant sur un postulat de culpabilité, dans le plus absolu déni des principes de l’enquête contradictoire, un des plus grands acquis du droit humain fondé sur la recherche de la vérité.

La conférence de presse de Carlos Ghosn méritera d’être étudiée dans les écoles d’avocats et de magistrats, dans les séminaires de chefs d’entreprises. Toujours est-il qu’il a été, qui peut le nier, un des plus grands chefs d’entreprise français de notre histoire industrielle issu de la culture libano-française, de notre collège Stanislas, de notre école polytechnique et de notre école des mines.

Des défauts, bien sûr, des excès peut-être, mais quel zigotto peut oser affirmer que Carlos Ghosn aurait pu pendant quelque quarante années, de chez Michelin à Renault, mener des politiques aventureuses. Sans contrôle ? Sans rendre des comptes ? Sans surveillance des actionnaires et de l’État ? Entouré donc de médiocres ? Comme s’il n’avait pas établi la plus belle réussite de coopération qui puisse être entre de très grandes entreprises de mentalité de culture et de tradition aussi différentes que celles de la France et du Japon ? Il faut être sérieux : l’État français n’a guère eu de gouvernants à sa hauteur. 

L’État français ne l’a pas soutenu comme il l’aurait dû face à son ignominieux traitement.

Quant au Japon, pays à bien des égards admirables, je ne pensais pas qu’il était encore autant dominé dans son industrie par un mauvais nationalisme revanchard et dans son système judiciaire par des pratiques d’un autre âge.