Mémoire d’un grand ministre de l’Intérieur : Jules Moch…
Il ne manquait plus que
cela à ce gouvernement d’amateurs : voilà que le Conseil d’État, qui doit
être obligatoirement saisi avant toute présentation d’un projet de loi devant
le Parlement, a formulé ce vendredi les plus sévères objections sur celui de la
réforme des retraites.
Il déplore les « projections
financières lacunaires » du gouvernement et un recours aux ordonnances qui
fait perdre la visibilité d’ensemble.
Bref, la réforme s’enfonce
dans le cafouillage et le fuligineux. Pour l’instant, le seul effet de ce
projet de loi dont on ne saurait prévoir sur quoi il débouchera aura été de
revitaliser l’archaïque syndicalisme révolutionnaire, notamment de la CGT et de
SUD, sans oublier les anarchistes de la CNT. Et ceci avec l’élément nouveau d’une
active convergence unitaire de Force Ouvrière pourtant pendant de longues
années, depuis sa création, adversaire déterminée de la CGT.
Somme toute, dans l’espace
syndical, la constitution d’une sorte de Front Populaire impossible à réaliser
aujourd’hui avec les partis politiques.
Rappelons ici que la
CGT, créée en 1895, avait fait l’objet en 1921 dans son congrès de Lille d’une
tentative de conquête des communistes qui avaient précédemment pris le contrôle
du parti socialiste lors du congrès de Tours en 1920. Ayant échoué dans leur
opération syndicale, les communistes, pratiquant alors le « fractionnisme
révolutionnaire » exigé par Lénine, quittèrent la CGT pour lancer la CGTU
(Confédération Générale du Travail Unitaire).
En 1936 le Front
Populaire, regroupant alors à nouveau les socialistes et les communistes (et
radicaux socialistes), la CGT fut réunifiée. Pour peu de temps.
Car les divisions politiques
entraînèrent également la fracture syndicale.
Le parti communiste « français »
obéissant aveuglément aux ordres de Staline, l’allié d’Hitler de 1939 à 1941,
devint le parti de la collaboration la plus active avec l’occupant nazi,
applaudissant notamment à l’invasion conjointe de la Pologne et à son partage
entre les deux régimes prédateurs.
Jusqu’au déclenchement
de la guerre entre les deux monstres totalitaires le 22 juin 1941.
Le parti communiste, qui
était clandestin depuis sa dissolution en 1939 par le gouvernement de gauche de
Daladier pour son activité doublement collaborationniste, pro-soviétique et
pro-nazie, rentra alors dans la résistance à l’occupant. Avec la force de son
appareil clandestin et de son efficacité dans le noyautage, notamment de nombre
de syndicats en sommeil d’une CGT interdite.
À la libération, des
anciens dirigeants non communistes de la CGT, Léon Jouhaux le premier, revenu
de déportation, constatèrent que les camarades staliniens s’étaient emparés de l‘essentiel
de l’organisation syndicale.
Ce, d’autant plus
facilement que plusieurs de leurs plus éminents camarades syndiqués de l’avant-guerre
avaient soutenu la « Charte du travail » du régime de Vichy. Et notamment
René Belin qui était devenu ministre du travail.
Au sein de la CGT renaissante,
la situation des non communistes, socialistes ou réformistes, devenait
impossible, marginalisés et de plus en plus menacés dans bien des entreprises
par les nervis du parti.
Ils organisèrent alors
courageusement autour des quelques syndicats ayant échappé à l’emprise
bolchevique une résistance appelée « Force Ouvrière » et d’où
procèderait une nouvelle scission de la CGT désormais et durablement aux mains
des communistes, ce sera la CGT-FO (Confédération Générale du travail – Force ouvrière)
communément appelée « Force Ouvrière » et dont le congrès constitutif
se tint en avril 1948.
Cependant, la CGT, désormais
principal instrument communiste d’encadrement et de mobilisation du monde
ouvrier lançait en 1947 d’énormes grèves insurrectionnelles. On pouvait
craindre qu’elles ne soient que le prélude à une prise du pouvoir par le parti
communiste alors très puissant. Comme cela s’était déjà produit et allait encore
se dérouler dans les pays de l’Europe de l’Est, de la Mer noire à la Baltique, abandonnés
par les alliés à la mainmise de Staline.
Le général de Gaulle
avait démissionné le 26 janvier 1946 de la présidence du gouvernement provisoire
issu de la Libération.
Ce, en raison du jeu des
partis et particulièrement du parti communiste bien qu’il ait pris cinq
ministres dans son gouvernement dont le traître Thorez.
Le premier président de
la IV° République, Vincent Auriol, avait été élu en 1947. Il avait appelé comme
chef du gouvernement le socialiste Paul Ramadier. Ce dernier en écarta les
communistes. Après lui, les chefs du gouvernement se succédèrent alors
fréquemment en raison du déséquilibre institutionnel de la IV° République.
Mais, du 24 novembre
1947 au 7 février 1950, sous cinq gouvernements, demeura au ministère de l’Intérieur,
heureusement pour la France, un homme exceptionnel, le socialiste anticommuniste
Jules Moch qui apporta un soutien discret mais efficace à Force Ouvrière.
Cette organisation
syndicale n’aurait jamais défilé alors avec la CGT comme elle le fait aujourd’hui…
Disons ici que,
évidemment, comme socialiste et franc-maçon laïcard Jules Moch n’avait pas sur
bien des plans les idées politiques et sociales qui sont les nôtres. Mais le
principal danger pour le monde libre était alors la formidable avancée,
partout, du communisme à la conquête du monde.
Jules Moch, Français
juif, grand patriote héroïque, combattant des deux guerres, en fut en France le
plus redoutable et efficace adversaire.
Officier polytechnicien
initialement versé dans l’artillerie, il avait été incorporé dès le début de la
guerre dans le Génie, participant en première ligne à la guerre des mines. Décoré
de la croix de guerre et de quatre citations successives, il sera gravement
gazé. À l’issue de la guerre, il servira dans le Génie maritime.
Quittant l’armée en
1920, il rentre dans l’industrie privée. Cela l’amène à des missions dans les
pays baltes sous le joug soviétique et à Moscou. Il retirera de cette
expérience une définitive et totale détestation du communisme.
À partir de 1928, il
entre en politique, adhérent à la SFIO, vite député puis ministre. Dès la déclaration
de guerre, quoique alors député, il s’engage dans la Marine avec le grade de
commandant et prend part à la campagne de Norvège. Après l’armistice, il rentre
dans la résistance puis en 1943, passant par l’Espagne d’où la police du
général Franco ne renvoie pas en France les résistants français en cavale, il
rejoint le général de Gaulle à Londres pour reprendre du service dans les
Forces Navales Françaises Libres.
Il participe en août
1944 au débarquement en Provence.
À cette époque, le
patron du parti communiste, le « traître Thorez », qui a déserté en
octobre 1939 dès le début de la guerre, coule des jours paisibles dans la
datcha près de Moscou que Staline lui a attribuée.
Le patriote Jules Moch,
lui, admirable combattant dans les deux grandes guerres, avait perdu son fils
André, lieutenant dans l’armée qui, après l’armistice, avait rejoint la
résistance et avait été tué par les Allemands à Grenoble en 1942.
Le plus fort de l’activité
communiste dans la totale inféodation de la CGT au parti se déroula en 1948
avec les grèves insurrectionnelles, notamment dans les mines et les transports.
Pour briser ce qui
pouvait déboucher sur une tentative de prise révolutionnaire du pouvoir, Jules
Moch ne lésina pas sur les moyens, faisant même alors appel à l’armée.
Et c’est cet homme,
résistant antinazi, juif, socialiste, franc-maçon, père d’un fils tué par les
Allemands, dans un grand discours prononcé à l’Assemblée Nationale le 16
novembre 1948 sur « le communisme et la France », qui prononça pourtant
ces mots mûrement pensés : « Le
bolchevisme moderne est la plus gigantesque entreprise de dépravation de l’homme
qui ait jamais existé ».
Du Soljenitsyne avant l’œuvre de
ce dernier !
L’histoire bien sûr ne
se répète pas à l’identique. Staline n’est plus, ni le pacte de Varsovie, et
aujourd’hui la liberté des peuples s’exprime plutôt en Pologne et en Hongrie
que dans le « meilleur des mondes » de l’Europe occidentale.
Mais l’extrême-gauche
demeure puissante en France, avec la revitalisation du syndicalisme
révolutionnaire progressant simultanément avec la révolution « sociétale »sans
cesse continuée. Beau travail en vérité, résultant à la fois de l’amateurisme
du gouvernement et de la perversion idéologique du « progressisme »
macronien.
Car cette
extrême-gauche, dans sa diversité, archéo-communiste, archéo-trotskyste ou
mélenchonienne, s’épanouit dans les organisations d’un syndicalisme politiquement
et révolutionnairement détourné comme aux meilleurs temps de la CGT de l’après-guerre ;
avec le renfort de SUD et des
anarchistes rouges et noirs de la CNT, et des noyaux trotskystes dans Force
Ouvrière.
Mais surtout, elle est
dynamisée, c’est visible, c’est audible, par la montée en puissance de l’islamo-gauchisme,
dont nombre d’adeptes occupent de plus en plus d’importantes responsabilités syndicales.
Les formes de la prochaine
tempête révolutionnaire ne ressembleront pas totalement à celles de 1948, ni à
celles de Mai 68.
Mais, pour y faire face,
ce ne sera pas d’un calamiteux ministre de l’Intérieur, façon Castaner, dont la
France aura besoin. Ni que demeure au pouvoir parce qu’il a déjà échoué et n’a
que trop duré, le très nuisible Macron.
Il y faudra un homme d’État
et que la France mérite alors un ministre de l’Intérieur de la trempe de Jules
Moch.