Erdogan ne s’est peut-être pas
encore noyé mais, du moins, a bu, hier, une sacrée tasse dans le Bosphore.
Son parti islamiste
pan-ottoman, l’AKP, a en effet ce dimanche bien plus perdu l’élection
municipale à Istanbul que lors du précédent scrutin, annulé. Cette fois, la
liste de l’opposant Ekrem Imamoglu (Parti Républicain du peuple – CHP) obtenant
54 % des suffrages a ainsi devancé de 750 000 voix celle de l’ancien
premier ministre d’Erdogan, Binali Yildirim. Bien mieux que le précédent
différentiel de 14 000 voix !
La bataille municipale était d’importance
stratégique pour les deux partis et Erdogan, longtemps maire d’Istanbul (ville
de quinze millions d’habitants !), ne l’avait pas dissimulé. Cette défaite
s’ajoute à celle de la perte d’Ankara, la capitale du pays et de plusieurs
villes lors du scrutin général.
En fait, c’est désormais une
vaste portion du pays compte tenu de l’importance des populations kurdes et des
populations alévies (branche de l’islam à la confluence du sunnisme et du
chiisme) qui, malgré le resserrement dictatorial, s’affirme hors du carcan
erdoganien.
Deux photos lors de leurs votes
symbolisent bien cette heureuse rupture :
-
Celle d’Erdogan, et de son épouse sous tchador,
l’un et l’autre l’air grave, sans doute sans illusions sur les résultats.
-
Celle d’Imamoglu, l’air joyeux accompagné de son
épouse très souriante avec sa blonde et libre chevelure.
Certes, la Turquie est de
population quasi intégralement musulmane après le génocide des Arméniens et
autres chrétiens des années 1915-1918. Mais, d’une part, Erdogan n’a pas pu
éliminer toutes les couches fidèles au kémalisme (dit laïque) ; de l’autre,
s’est développé un émouvant phénomène mémoriel chez nombre de Turcs, femmes ou
hommes, celui de la découverte plus ou moins récente qu’ils sont des descendants
d’aïeules chrétiennes enlevées et islamisées de force par des hommes polygames
voire possesseurs de harems.
Ainsi, m’a-t-on dit, surgirait
chez plusieurs une aspiration à découvrir la religion de leurs aïeules chrétiennes,
arméniennes, grecques, assyro-chaldéennes ou autres…
Somme toute, un christianisme
renaissant par une sorte de début de culte des ancêtres…