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Le contraste est
saisissant entre le doux mais ferme et réaliste cardinal africain et le
tempétueux François fulminant à l’adresse des Européens ses soi-disant
exigences évangéliques.
Dans son livre, « Le
soir approche et déjà le jour baisse », à l’évidence le cardinal nous
livre ses réflexions sur le crépuscule de l’Europe. Il nous parle de « l’effondrement
de l’Occident », du déséquilibre en Europe, « d’une rare dangerosité
sur les plans démographiques, culturels et religieux ».
François semble n’avoir
cure de cela. À Rabat, il n’a parlé que dans la ligne du pacte de Marrakech de
l’ONU. Dans la plus totale méconnaissance de ce que les flux migratoires (ce
que j’ai appelé la tsunamigration) privent d’abord l’Afrique des classes moyennes
dont elle a vitalement besoin, et ne font qu'accentuer les déséquilibres dangereux évoqués par le cardinal.
Dans son remarquable
éditorial dans le Figaro de ce jour, Vincent Trémolet de Villers constate que « ce même pape qui demandait hier que l’on
ouvre les portes de la cité à ceux qui souffrent lance aujourd’hui un appel à
la destruction de ces portes et aussi des murs ».
Et peu lui importe,
développe-t-il, que les chrétiens soient de moins en moins nombreux s’ils
constituent « une oasis de miséricorde ».
Ce ne sont plus en effet
des mots dans le même registre que ceux de Jean-Paul II appelant naguère (en
1982) à Compostelle à une « nouvelle évangélisation de l’Europe », et
qui lançait aussi dans son livre testament « Mémoire et identité » :
« Tenez à l’identité culturelle de
vos nations comme à la prunelle de vos yeux ! ».
On est dans une radicale
discontinuité ! Comment François, dans une fiévreuse rhétorique romantique,
peut-il imaginer qu’une oasis, fût-elle de miséricorde, puisse accueillir des
myriades continentales de migrants qui ne déferleront pas toujours sans ce qu’il
y a de plus facile à transporter, à savoir leurs conflits ?
Le cardinal Sarah
dénonce « l’entreprise
multiculturelle européenne exploitant un idéal de charité universelle mal
compris ». Il écrit encore que l’Europe « face au danger de l’islamisme radical, devrait savoir énoncer fermement
à quelles conditions on peut partager sa vie et sa civilisation. Mais elle a
honte de son identité chrétienne. C’est ainsi qu’elle finit par attirer le
mépris ».
Hélas, François n’exprime
pas pareille sagesse. Vincent Trémolet a justement conclu son éditorial par la
phrase que nous citons si souvent du grand Chesterton : « Le monde est plein d’idées chrétiennes
devenues folles ». Il ne manquait plus que le pape de notre temps pour
en déverser à foison.
· Élections de ce dimanche
À Ankara, camouflet pour Erdogan, mais…
L’AKP, le parti d’Erdogan,
le dictateur-sultan ottoman-islamiste, a ce dimanche remporté presque partout
les élections municipales en Turquie. Il fallait s’y attendre. Les partis non
islamistes étant très surveillés et leurs cadres souvent emprisonnés, ils ne
disposaient pas globalement du centième des moyens de propagande de masse du
parti au pouvoir.
Nonobstant cela, pour ce
qui est des grandes villes où la population, pour de multiples raisons
ethniques, politiques, économiques et sociales, religieuses, culturelles, et du
fait des réseaux sociaux, n’est pas entièrement assujettie à Erdogan, on
pouvait s’attendre à de bons résultats pour les oppositions, surtout si elles
étaient unies.
C’est ainsi que le parti
d’Erdogan n’a, semble-t-il, conservé que de justesse la majorité des électeurs
à Istanbul, capitale historique, mais l’a perdue à Ankara, capitale politique. C’est
un gros camouflet pour ce dernier, une atteinte à la mise en place finale de sa
domination islamo-totalitaire.
Cela s’explique par le
fait de la résistance identitaire kurde, mais aussi par la persistance d’une
opposition kemaliste, laïque, certes à la mode turque – pas question d’une
contestation de l’identité musulmane du pays – hostile à l’idée du grand retour
ottoman et de la soumission totale à la charia qu’Erdogan rétablit peu à peu.