J’entends ce matin à la
radio l’annonce de la décision d’officialisation désormais de la reconnaissance
du génocide arménien à la date du 24 avril, jour où la tragédie commença à
Istanbul par l’arrestation de 600 notables arméniens que l’on ne revit jamais.
On ne peut qu’approuver
cela.
Et d’autant plus que,
pendant des années nous avons œuvré pour la reconnaissance par les nations de
cette immense abomination. Notamment un 24 avril à Marseille dans une grande
manifestation suivie d’une montée d’évocation et de prières vers Notre-Dame de
la Garde, ce dont nombre de Français d’origine arménienne nous surent gré.
Enfin, au Parlement
Européen, nous avons jadis maintes fois demandé également cette reconnaissance ;
au grand dam de Simone Veil, qui s’en tenait alors encore à la position selon
laquelle il n’y avait qu’un génocide dans l’histoire : l’extermination des
Juifs par les nazis.
Position qui a
heureusement évolué, la plupart des institutions juives et l’État d’Israël
ayant enfin officialisé leur reconnaissance du « génocide arménien ».
D’autant plus que le néologisme « génocide » et sa signification,
nous le redirons plus avant, ont été le fait d’un grand magistrat juif
polonais, Rafaël Lemkin, les ayant élaborés à partir de son étude des massacres
et abominations infligés aux Arméniens.
Quelques précisions maintenant :
l’intitulé « génocide arménien » n’est pas pleinement satisfaisant. J’emploie
souvent pour ma part celui de « génocide des Arméniens et autres chrétiens
de Turquie ».
Furent en effet non
seulement exterminés presque tous les Arméniens mais aussi tous les Assyro-Chaldéens
et autres chrétiens catholiques ou orthodoxes, habitant alors sur le territoire
de l’actuelle Turquie où ils constituaient plus du tiers de la population
globale, plus de la moitié dans certaines régions.
Enfin, le génocide fut
parachevé en 1918 sous la houlette de Mustafa Kemal dit Atatürk, avec l‘éradication
des Grecs du Pont, et notamment les massacres, principalement par pendaisons
massives, de ceux de Smyrne, et avec les tueries des Arméniens et autres
chrétiens de Cilicie, ces derniers un temps protégés par les troupes françaises (Mandat
sur le Levant) mais celles-ci, recevant l’ordre de partir, trahies par la
complicité, sur fond de connivence maçonnique, du franc-maçon Mustafa Kemal et
des dirigeants français de même appartenance (notamment Briand). Le livre « La
passion de la Cilicie » de Paul de
Rémusat du Véou constitue sur ce point un poignant témoignage. Alors capitaine
dans notre « légion d’Orient », ce dernier, qui sera plus tard un
grand résistant puis enfin un homme indigné par l’abandon des catholiques du
Tonkin et encore des harkis d’Algérie, fut de ces officiers de l’honneur français
révoltés par cet ordre d’abandonner le territoire de la Cilicie aux hordes des
égorgeurs-violeurs de Kémal.
Un certain nombre d’Arméniens
réfugiés en Cilicie, dont les unités de résistants, qui avaient combattu héroïquement
aux côtés de nos troupes, purent néanmoins, grâce à des soldats comme lui, être
évacués en Syrie. D’autres, embarquant à Alexandrette, furent sauvés par des
navires de notre Marine nationale, nonobstant la décision gouvernementale d’abandon.
Ce fut là le grand honneur de bien de nos officiers de marine.
On retrouve aujourd’hui
à Beyrouth, dans le quartier dit de « la petite Arménie » que les
militants de Chrétienté-Solidarité connaissent bien, une véritable ville
arménienne d’environ cent mille habitants (quartier Bourj Hammoud) peuplée des petits-enfants des rescapés du « génocide ».
On doit donc la création
même de ce mot (alors néologisme), et sa définition, au grand magistrat juif
polonais Rafaël Lemkin. Ce dernier avait en effet travaillé sur les pièces du
procès à Berlin de Soghomon Tehlirian, jeune rescapé arménien d’un massacre
turc, étant venu exécuter en Allemagne le plus important des responsables du
génocide, le grand vizir Mehmet Talaat, par ailleurs franc-maçon comme tous les
dirigeants jeunes-turcs, grand-maître de la Grande Loge de Turquie (le Grand
Orient ottoman).
Lemkin, qui travailla
ensuite sur « l’holodomor » (extermination par la faim), le génocide
des ukrainiens par les communistes soviétiques (cinq millions de morts) et enfin sur celui
des Juifs par les nazis, définit ainsi le génocide : «Tout plan méthodiquement coordonné pour détruire la vie et la culture d’un
peuple et menacer son unité biologique et spirituelle ».
Chaque mot compte !
Cela vaut bien sûr,
notamment, pour le génocide cambodgien mais aussi pour ceux du Biafra (trop
oublié) et du Rwanda. Et cela s’applique à la politique jacobine d’extermination
des Vendéens.
Observons encore que la
définition correspond parfaitement à ce que j’ai désigné, dès 1980, dans
Itinéraires, comme le « génocide français » (spirituel, culturel,
démographique enfin par la conjonction de l’immigration de masse et des avortements
à hauteur de 200 000 par an).
Il est intéressant d’observer
que selon leurs cultures et tempéraments, et leurs implantations, les peuples
ayant subi des génocides n’ont pas tous réagi ensuite de la même manière.
Les Juifs ont pu assez
rapidement, après la guerre, développer la mémoire de ce qui a été par la suite
retenu sous le vocable de « Shoah ». Largement exterminés en effet en
Europe orientale et du nord, l’importance de leurs communautés en Afrique du
nord française repliées ensuite en métropole, et surtout leur présence
nombreuse en Amérique, et leur développement dans le jeune État d’Israël,
expliquent la dynamique de leur conscience mémorielle, outre le fait que, « peuple
de la Bible », ils sont aussi, comme nous les chrétiens, celui d’une
longue mémoire.
En revanche, le peuple
arménien presque uniquement préservé dans sa population de la république
soviétique d’Arménie, avant qu’elle ne devienne indépendante, puis dans ses
petits ensembles de réfugiés au Liban et en France, n’a pas, durant longtemps, pu
sécréter une dynamique mémorielle équivalente à celle du peuple juif.
L’arménien Charles
Aznavour, hélas si immigrationniste pour la France, a certes quelquefois évoqué
le martyre de son peuple mais il n’a pas suscité sur le génocide l’équivalent d’un
film comme « Shoah » de Lanzmann.
Venons-en maintenant au
génocide cambodgien : plus d’un million et demi de morts ! Soit la
moitié de la population, chiffre équivalent à celui du génocide arménien, et d’une
proportion peut-être supérieure encore à celle de l’extermination des juifs.
Néanmoins, la
mémorisation du génocide perpétré par les Khmers rouges de 1975 à 1979, non sans
la complicité de la désinformation des journalistes du Monde, Jean Lacouture et
Patrice de Beer, n’a été jusqu’ici que dérisoire.
Et pourtant, le génocide
cambodgien fut marqué par la même utilisation massive des tortures les plus
atroces, semblables à celles, souvent indicibles, subies par les Arméniens et
autres Assyro-Chaldéens du fait des Turcs (et surtout des Kurdes…).
Étrangement pour nous, les
Cambodgiens, pour la plupart, n’aiment pas ou ne veulent pas évoquer ce passé. Culture bouddhiste ? Avec des exceptions
bien sûr, telle que notre admirable amie, madame Billon Ung Boun-Hor, l’épouse
de l’ancien président de l’assemblée nationale du Cambodge, grand ami de la France.
Réfugié dans notre ambassade lors de l’invasion de Pnom Penh par les Khmers
rouges, il fut livré de force à ces derniers par deux gendarmes français de l’ambassade.
Sur ordre de notre
gouvernement.
Giscard d’Estaing étant
président de la République et Jacques Chirac premier ministre.
Toute honte bue.