lundi 19 février 2018

Al-Andalous, l’invention d’un mythe.



J’ai voulu ce « ouikinde » un peu sortir de mes lectures ou relectures des livres et documents sur « Mai 68 » dont je veux en effet poursuivre l’observation du développement actuel des métastases déconstructionnistes et nihilistes.

J’ai donc, pour changer d’ère, ouvert le gros et grand livre de l’historien espagnol Serafin Fanjul titré « Al-Andalus, l’invention d’un mythe » (ed. l’Artilleur) et sous-titré « La réalité historique de l’Espagne des trois cultures ». Je n’ai eu de cesse d’en terminer, ce matin, la lecture. Non pas, et heureusement, que cet ouvrage innove totalement sur la réalité de la désinformation sans cesse martelée par ceux que la grande islamologue Marie-Thérèse Urvoy désigne du nom de « dialogueux ».

En effet, il y a eu notamment avant le travail de Fanjul les livres sur la dhimmitude de l’historienne juive Bat Ye’Or et celui de Sylvain Gouguenheim « Aristote au Mont Saint Michel – les racines grecques de l’Europe chrétienne », tordant le cou au canard sans cesse caquetant selon lequel c’est grâce aux musulmans via Al-Andalus que l’Europe chrétienne aurait découvert ses racines grecques. 

Or les traducteurs arabes d’Aristote et autres auteurs de l‘antiquité étaient les érudits chrétiens des monastères des Églises d’Orient, et notamment syriaques.

Mentionnons sur cela aussi les écrits de Jacques Heers, directeur du Département d’études médiévales de Paris-Sorbonne, hélas bien trop tôt disparu, notamment auteur de « L’Histoire assassinée ». Il fut l’un des grands conférenciers invités par le Centre Charlier et aussi celui d’une de nos émissions de la réplique sur Radio-Courtoisie.

L’introduction à l’ouvrage de Fanjul, enfin traduit en français par Arnaud Imatz, est déjà, à elle seule, un très beau travail où l’essentiel est dit sur « l’image idyllique d’un al-Andalous riche, pacifique, tolérant, avancé et surpeuplé, foyer de culture supérieur et raffiné, qui aurait succombé sous les coups de boutoir des royaumes chrétiens du nord ».  

« Cette image », assène Imatz, « est fausse, radicalement fausse ».

Fanjul, tout au long de son œuvre, en fait une démonstration minutieuse. Ancien communiste, non catholique mais refusant de soumettre l’histoire à l’idéologie, il a simplement mené un formidable travail d’analyse des textes et de réflexion ethnologique et sociologique, détruisant un à un tous les partis pris stériles et lieux communs en tous genres sur ce que fut la réalité d’Al-Andalus, c’est-à-dire toute l’Espagne sous domination musulmane, bien différente de ce qui sera l’actuelle Andalousie.

Scientifiquement, irréfutablement, Fanjul en vient à la conclusion que grâce à la Reconquista l’Espagne a trouvé la voie de la libération et de son identité.

Son œuvre n’est pas toujours facile à saisir pour les lecteurs peu familiers de l’univers culturel hispanique et de sa confrontation avec l’islam arabe. 

C’est que Fanjul est à la fois docteur en philologie sémitique, professeur de littérature arabe à l’université autonome de Madrid, ancien directeur du Centre Culturel hispanique du Caire.
Ce membre de l’Académie Royale d’histoire d’Espagne est ainsi aujourd’hui l’un des meilleurs spécialistes internationaux de la littérature arabe et de son histoire. Nullement arabophobe, il n’en démonte pas moins la fausseté du mythe des « trois cultures », rappelant au passage que l’idée du dialogue ente islam et christianisme est aussi ancienne que… son absence de résultats.

Il ne nous est pas possible ici de résumer le magistral travail de Fanjul. Seulement de mettre en appétit de le lire. Ne serait-ce qu’en mentionnant qu’on y découvrira que, pas plus que « la structure grammaticale de l’espagnol n’a été affectée par l’arabe, et pas plus sa phonétique, pas plus le flamenco n’est d’origine arabe ». 

Le monde arabe a été culturellement riche et l’islam d’Al-Andalus en conserva quelques apports tout comme il conserva des apports romains. Mais l’islam n’a jamais été une racine constitutive de l’identité espagnole. Sinon en tant que facteur d’unification par un massif rejet.