J’ai voulu ce « ouikinde »
un peu sortir de mes lectures ou relectures des livres et documents sur « Mai
68 » dont je veux en effet poursuivre l’observation du développement
actuel des métastases déconstructionnistes et nihilistes.
J’ai donc, pour changer
d’ère, ouvert le gros et grand livre de l’historien espagnol Serafin Fanjul
titré « Al-Andalus, l’invention d’un mythe » (ed. l’Artilleur) et
sous-titré « La réalité historique de l’Espagne des trois cultures ».
Je n’ai eu de cesse d’en terminer, ce matin, la lecture. Non pas, et
heureusement, que cet ouvrage innove totalement sur la réalité de la
désinformation sans cesse martelée par ceux que la grande islamologue
Marie-Thérèse Urvoy désigne du nom de « dialogueux ».
En effet, il y a eu
notamment avant le travail de Fanjul les livres sur la dhimmitude de l’historienne
juive Bat Ye’Or et celui de Sylvain Gouguenheim « Aristote au Mont Saint
Michel – les racines grecques de l’Europe chrétienne », tordant le
cou au canard sans cesse caquetant selon lequel c’est grâce aux musulmans via
Al-Andalus que l’Europe chrétienne aurait découvert ses racines grecques.
Or les traducteurs
arabes d’Aristote et autres auteurs de l‘antiquité étaient les érudits
chrétiens des monastères des Églises d’Orient, et notamment syriaques.
Mentionnons sur cela
aussi les écrits de Jacques Heers, directeur du Département d’études médiévales
de Paris-Sorbonne, hélas bien trop tôt disparu, notamment auteur de « L’Histoire
assassinée ». Il fut l’un des grands conférenciers invités par le Centre
Charlier et aussi celui d’une de nos émissions de la réplique sur
Radio-Courtoisie.
L’introduction à l’ouvrage
de Fanjul, enfin traduit en français par Arnaud Imatz, est déjà, à elle seule,
un très beau travail où l’essentiel est dit sur « l’image idyllique d’un al-Andalous riche, pacifique, tolérant, avancé
et surpeuplé, foyer de culture supérieur et raffiné, qui aurait succombé sous
les coups de boutoir des royaumes chrétiens du nord ».
« Cette image », assène Imatz, « est fausse, radicalement fausse ».
Fanjul, tout au long de
son œuvre, en fait une démonstration minutieuse. Ancien communiste, non
catholique mais refusant de soumettre l’histoire à l’idéologie, il a simplement
mené un formidable travail d’analyse des textes et de réflexion ethnologique et
sociologique, détruisant un à un tous les partis pris stériles et lieux communs
en tous genres sur ce que fut la réalité d’Al-Andalus, c’est-à-dire toute l’Espagne
sous domination musulmane, bien différente de ce qui sera l’actuelle Andalousie.
Scientifiquement,
irréfutablement, Fanjul en vient à la conclusion que grâce à la Reconquista l’Espagne
a trouvé la voie de la libération et de son identité.
Son œuvre n’est pas
toujours facile à saisir pour les lecteurs peu familiers de l’univers culturel
hispanique et de sa confrontation avec l’islam arabe.
C’est que Fanjul est à
la fois docteur en philologie sémitique, professeur de littérature arabe à l’université
autonome de Madrid, ancien directeur du Centre Culturel hispanique du Caire.
Ce membre de l’Académie
Royale d’histoire d’Espagne est ainsi aujourd’hui l’un des meilleurs
spécialistes internationaux de la littérature arabe et de son histoire. Nullement
arabophobe, il n’en démonte pas moins la fausseté du mythe des « trois cultures »,
rappelant au passage que l’idée du dialogue ente islam et christianisme est
aussi ancienne que… son absence de résultats.
Il ne nous est pas
possible ici de résumer le magistral travail de Fanjul. Seulement de mettre en appétit
de le lire. Ne serait-ce qu’en mentionnant qu’on y découvrira que, pas plus que
« la structure grammaticale de l’espagnol n’a été affectée par l’arabe, et
pas plus sa phonétique, pas plus le flamenco n’est d’origine arabe ».
Le monde arabe a été
culturellement riche et l’islam d’Al-Andalus en conserva quelques apports tout
comme il conserva des apports romains. Mais l’islam n’a jamais été une racine
constitutive de l’identité espagnole. Sinon en tant que facteur d’unification
par un massif rejet.