Que
nous vèn di Catalan… »
Ce sont les deux premiers vers du premier couplet du chant de la Coupe que l’on peut lire dans notre recueil « Chants de France et de chrétienté ».
Ce
chant, devenu l’hymne du Félibrige et de la Provence, c’est l’ode composée par
le grand Fréderic Mistral en réception de la magnifique coupe en argent, avec
ses deux figurines représentant la Catalogne et la Provence supportant la
vasque, offerte aux félibres par un des chefs du mouvement catalaniste, Victor
Balaguer.
Ce
dernier remerciait ainsi Mistral et les félibres pour leur hospitalité
fraternelle pendant une période d’exil passée en Provence.
Par
la suite, s’établit la tradition de chanter solennellement la Coupo dans toutes
les assemblées de défense et d’illustration de l’identité provençale, dans
toutes les fêtes de la ferveur régionaliste. La Coupo devint l’hymne du
Félibrige et de toute la Provence.
Après
la naissance de l’Action Française, il ne fut pas non plus de grande réunion
royaliste en Provence, mais aussi très souvent en Catalogne ou en Languedoc, où l’hymne ne fut chanté par
une assistance debout et recueillie. C’est que le royaliste Maurras, grand
écrivain français, était aussi un fervent poète du Félibrige dans une
admiration réciproque avec son fondateur principal Frédéric Mistral.
En
France, la doctrine monarchiste incluait les idéaux régionalistes contre la
centralisation jacobine, égalitariste, liberticide et niveleuse. Et ce n’est
qu’avec la récupération gauchiste au milieu du XXe siècle que le régionalisme a
pu être subverti en autonomisme fractionnel, voire en indépendantisme comme en
Corse, ou en néo-jacobinisme occitaniste en Languedoc.
L’Espagne
n’a pas connu les mêmes cheminements vers l’unité nationale que la France,
unifiée depuis Charles VII grâce à Jeanne d’Arc par la continuité capétienne
puis, hélas, par le centralisme jacobin éradicateur de cette diversité.
Après
le mariage de Castille et Aragon par celui de Ferdinand et d’Isabelle, l’unité
de la péninsule ibérique, à l’exception du Portugal, intraitable sur sa
souveraineté, fut réalisée. Mais son histoire fut aussitôt marquée par le règne
à vocation universelle du flamand Charles Quint, certes roi d’Espagne mais
simultanément empereur du Saint-Empire.
La
monarchie espagnole, fédérative, n’eut pas ainsi le caractère politique
résolument national de celle de la France quel qu’ait pu être constamment
l’entrelacs familial européen de notre dynastie capétienne avec ses reines
d’origine étrangère, de Blanche de Castille mère de Saint Louis à
Marie-Antoinette d’Autriche, la reine martyrisée, en passant par celles venues
de l’Italie, d’Autriche ou de Pologne.
Longtemps,
dans la continuité des anciens royaumes constitués ou reconstitués après la
Reconquista (Léon, Castille, Asturie, Navarre, Aragon, Valence, Grenade…) et
fédérés par les deux couronnes (Castille et Aragon), on parla « des Espagnes »
et non de « l’Espagne ». Ainsi Ferdinand VII se proclamait-il
« Roi des Espagnes et des Indes ».
Longtemps,
le principe unificateur de l’ensemble hispanique ne résida-t-il pas d’ailleurs
plus dans l’Inquisition catholique - qui n’est pas ici objet de notre réflexion
– que dans une Monarchie centrale n’aboutissant jamais à une unité
incontestée ?
Si
le Portugal, sous une monarchie débilitée et avec la féroce dictature du
marquis de Pombal, franc-maçon, anticlérical féroce et en réalité
anticatholique, anticipa la Révolution Française, les Espagnes, ne supportant
pas la monarchie de Joseph imposée par son frère Napoléon Ier en mai 1808 avec
sa constitution de Bayonne ne furent pas globalement emportées par le courant
révolutionnaire, les « afrancesados » demeurant un clan de
bourgeoisie madrilène très minoritaire.
Le
conflit des appétits européens pour la couronne d’Espagne avait au début du 18e
siècle entrainé la Guerre de Succession et l’arrivée sur le trône des Bourbons
d’Espagne.
Mais
la grande déchirure fut au XIXe siècle celle de la guerre carliste de 1833
rebondissant ensuite en deux autres guerres.
La
cause immédiate en est la décision prise en 1830 par le roi Ferdinand VII de
transmettre la couronne à sa fille aînée Isabelle, rompant ainsi avec la loi
salique décidée par Philippe V en 1713. Le frère cadet du roi, Charles de
Bourbon, n’accepte pas cela et, à la mort de Ferdinand VII en 1833, se proclame
« roi des Espagnes » sous le nom de Charles V, ce qui déclenche la
guerre.
Il
est alors soutenu par toute une partie des peuples d’Espagne dès lors appelés « carlistas ».
En fait, la querelle n’est pas que d’ordre successoral mais porte surtout sur
les valeurs religieuses, politiques et sociales défendues par les deux camps
qui vont s’affronter au long de trois guerres civiles.
Pour
faire bref, les partisans d’Isabelle II sont des libéraux, centralistes et
anticléricaux.
Les
carlistes, eux, ordonnent leur doctrine autour des valeurs proclamées dans leur
hymne (Oriamendi) « Dios, Patria, Rey ». Ils incluent dans leur
ferveur patriotique la défense sourcilleuse des « fueros » (en
français « fors ») c'est-à-dire les chartes fondamentales, de respect
des privilèges et libertés des provinces et communes ; institutions
remontant pour beaucoup aux avancées de la Reconquista . Elles sont
particulièrement vivaces et défendues au Pays basque et notamment dans sa
province de Navarre, mais aussi en Catalogne.
La
première guerre, de 1833 à 1840, est marquée d’abord par les brillantes
victoires du soulèvement carliste sous la conduite du général basque
Zumalacàrregui. Les troupes carlistes sont formées de « requêtés »,
volontaires paysans portant la « boina » (le béret rouge traditionnel
en Navarre et autres provinces basques d’Espagne).
Ces
chouans des Pyrénées renforcés spirituellement par leur clergé sont de
redoutables combattants qui ne seront finalement vaincus qu’en raison de l’envoi
de troupes anglaises et françaises en renfort décisif à l’armée isabeline.
Deux
autres soulèvements, deux autres guerres civiles (de 1846 à 1849 et de 1872 à
1876) marqueront l’épopée carliste au XIX° siècle jusqu’à la conquête d’Estella,
la capitale de la Navarre carliste par les troupes d’Alphonse XII, le fils d’Isabelle.
Au
XX° siècle, le carlisme jamais totalement réduit, se remobilisera puissamment
devant la politique anticatholique de la Seconde République espagnole, alors
que se multiplieront les actes terroristes des communistes et des anarchistes
acheminant l’Espagne vers la guerre civile que déclenchera l’assassinat du jeune
chef monarchiste Calvo Sotelo.
Mais
en 1936, dans le parti nationaliste basque (PNV) pourtant originellement si
traditionaliste, les uns prônent des solutions autonomistes, et d’autres
veulent de l’indépendance. Et ils ne craignaient même pas de faire confiance
pour cela en une alliance avec les communistes !
Cependant,
en Navarre, la mobilisation massive, et décisive, des Requêtés catholiques sous
l’autorité du général Mola apporte un appui décisif à l’insurrection du général
Franco. Mais le reste du pays basque et de la Catalogne, se rallie
majoritairement aux forces du gouvernement socialo-communiste.
Le
régime du général Franco, voulant au-dessus de tout l’unité de l‘Espagne, ne
voulut hélas d’aucun retour aux « fueros ». Les mouvements
régionalistes furent alors pénétrés par des courants indépendantistes noyautés
par l’extrême-gauche et trouvant de plus en plus un appui dans le clergé
catholique.
Au
pays basque, se développa le terrorisme de l’ETA entraînant une totale
opposition du gouvernement franquiste à une politique de décentralisation ;
alors que par ailleurs la culture était abandonnée à la gauche…
La
Catalogne, qui était sortie de la guerre, hébétée et débilitée par les
massacres et atrocités entre les factions du camp républicain (tchékistes
staliniens contre POUM trotskyste et anarchiste) retrouva alors au fil des
années un grand dynamisme économique grâce à la paix et à la prospérité
apportées par Franco.
Et
des millions de touristes, français et autres, plus massivement encore que dans
que dans le reste de l’Espagne se précipitaient vers les plages de la Costa
Brava. En Catalogne, de plus en plus riche par rapport au reste de l’Espagne, s’affirma,
à la différence du pays basque de plus en plus appauvri par le terrorisme, un
indépendantisme de riches bien plus fondé en réalité sur un égoïsme fiscal que
sur des revendications d’autonomie administrative culturelle et linguistique
depuis longtemps satisfaites par le régime monarcho-démocratique.
La
situation a évolué aussi vers une pitoyable rivalité entre Madrid et Barcelone
alors qu’en fait de défense de son identité nationale, les gouvernants de la
Catalogne, où pullulent désormais les
mosquées, n’ont cessé d’affirmer le plus véhément cosmopolitisme.
Face
à cet indépendantisme catalan, le gouvernement libéral-eurocratique de Mariano
Rajoy n’a pas jusqu’ici brillé, ni par une politique de réplique intelligente
ni par sa subtilité, et encore moins devant le défi du référendum certes
illégal de ce 1° octobre.
Mais
n’aurait-il pas pu conjurer et anticiper cela par une autre forme de
consultation légale coupant l’herbe sous le pied des indépendantistes, alors
que ces derniers n’étaient d’évidence pas majoritaires et ne le sont toujours
pas ?
Car
la vraie question qui se pose à la Catalogne, c’est de savoir si elle restera à
la fois catalane et espagnole, ou si, au train où déferle l’immigration, elle
deviendra une république islamique de Catalogne.
Après
le référendum catalaniste et la réaction policière du gouvernement espagnol, la
moins mauvaise solution pour éviter que se développe un dramatique conflit nous
paraissait résider dans une solution sur le modèle belge : celle d’une
répartition des pouvoirs entre d’une part la monarchie et d’autre part la
coexistence de deux entités nationales avec leurs gouvernements respectifs.
Mais
est-ce encore possible ?