En trois jours, le
gouvernement d’Edouard Philippe se sera délesté de quatre ministres et
secrétaires d’Etat : Richard Ferrand d’un côté, et le trio du Modem de
l’autre, Sylvie Goulard, européiste acharnée que l’on voit non sans plaisir
quitter le Ministère de la Défense, Marielle de Sarnez et François Bayrou. Dix
ans pour accéder au Capitole en parasitant la vie politique par son pouvoir de
nuisance, un mois pour dégringoler du haut de la Roche tarpéienne, lui, le
Garde des Sceaux pris dans une affaire (encore au stade de l’enquête
préliminaire) d’emplois fictifs au Parlement européen.
Cette situation d’arroseur
arrosé a de quoi faire sourire par sa rapidité et sa similitude avec ce qui est
arrivé quelques mois auparavant à François Fillon, que Bayrou, du haut de sa
morgue infatuée, vouait aux gémonies au nom d’une probité politique qu’il se
chargerait, foi de Béarnais, une fois au Ministère de la Justice, d’instaurer
pour de bon grâce à sa loi de « moralisation
de la vie politique ». Cachez cet emploi fictif que je ne saurais
voir ! Bayrou, à la vertu outragée, se fendit donc d’une conférence de
presse il y a quelques minutes pour justifier son départ du
gouvernement : il y expliqua qu’il voulait conserver sa liberté de parole
pour se défendre. Soit. Il ajouta, et c’est là tout le sel de son
argumentaire : « Nous ne
pouvons pas vivre dans une société de perpétuelle dénonciation. La France a
été, hélas, à d'autres époques le pays des lettres anonymes. Aujourd'hui,
l'acte le plus anodin et le plus normal sous ce miroir grossissant apparaît
suspect. A cette déferlante la démocratie ne survivra pas ».
Moraliser, oui, mais chez les autres ! Dénoncer Fillon ou Le Pen ?
Acte civique ! Ethique républicaine ! Enquêter sur Sarnez ou
Bayrou ? Heures les plus sombres ! Kommandantur ! Comment
suspecter un tel parangon d’honnêteté ? Comment tolérer que cette statue
du commandeur puisse à son tour subir les affres des coups bas d’un milieu
jamais tendre avec quiconque ? Quel scandale, et quelle rigolade !
Nous remarquerons aussi
qu’il en est un qui tire son épingle du jeu d’une telle épuration éthique
précipitée (pris de leur habituel réflexe débilo-pavlovien, les journalistes
répètent en boucle la trouvaille de l’un des leurs depuis hier : l’exfiltration des ministres ! Non,
tas d’andouilles, exfiltrer consiste à faire sortir un espion d’un lieu dans le
plus grand secret, et pas suggérer la démission d’un importun !) :
Macron, le Jupiter des start-up, très occupé à célébrer l’Iftar, doit pour la
peine s’empiffrer de dates et de lait caillé, célébrant l’évincement de Bayrou
avec le cynisme de circonstance, mi-loukoum mi-ciguë.
Pierre Henri