La nomination d’Edouard Philippe, maire LR du Havre, au
poste de Premier Ministre a suscité une série de commentaires pavloviens de la
part des journalistes : Emmanuel Macron a choisi un homme de droite pour diriger le gouvernement, disent-ils. Sans
rentrer dans les spéculations qui s’en suivent (Macron veut faire imploser Les
Républicains, etc.), il semble que la véritable question soulevée par ce choix
soit celle de la définition d’un homme de droite.
Edouard Philippe est en effet membre du parti dit de droite,
au même titre que Fillon, Wauquiez, Mariani, au même titre aussi que Jean-Pierre
Raffarin, Nathalie Kosciusko-Morizet et Alain Juppé, son mentor qu’il avait
secondé lors de la création de l’UMP en 2002. Or, la vie politique de M.
Philippe a commencé à gauche, dans cette tendance que l’on appela un temps la « deuxième
gauche », incarnée par Michel Rocard qui fut un premier ministre fort
malmené par Mitterrand. Rocard influença fortement ce jeune militant et « conditionna son intérêt pour la vie
politique ». De cette gauche à coloration « sociale-démocrate »
à la « droite » d’Alain Juppé, il s’écoula moins d’une décennie
durant laquelle Edouard Philippe acheva l’ENA dans la botte (après en avoir
préparé le concours d’entrée en compagnie de Jérôme Guedj, actuellement député
PS de l’Essonne, dans les bureaux du sénateur Jean-Luc Mélenchon…). Est-ce donc
que de jeune homme de gauche, Edouard
Philippe soit devenu un homme de droite ?
Ou est-ce alors que ce qualificatif que les médias radotent depuis hier ne sert
qu’à masquer, derrière de fallacieuses catégories, le renoncement de la « droite
de gouvernement » aux convictions de droite, sa soumission intellectuelle
à la gauche, et l’incroyable pouvoir de nuisance d’un centre électoralement
inexistant mais en train de réussir une captation politique de premier ordre
sur les ruines du PS et le futur éclatement de LR ?
On l’a dit et répété dans nos milieux, Macron est le fils
spirituel de François Hollande, mais il l’est tout autant d’Alain Juppé !
La présence d’Edouard Philippe à la tête du gouvernement n’en est qu’une
confirmation : c’est la fausse droite, vrai centre politique et intellectuellement
supplétive de la gauche, qui va s’allier au sein de La République en Marche
avec la gauche notable et le centre-gauche d’un Bayrou. Le Maire, Estrosi,
Raffarin, NKM, se bousculent déjà pour les futures places, et comme Juppé, ils
sont favorables à toutes les lois destructrices que la gauche a pensées et
mises en œuvre (le « mariage » homosexuel, bientôt la PMA élargie, la
facilitation démente de l’avortement et l’extension du délit d’entrave, le
laxisme judiciaire, etc.), ils sont immigrationnistes, ils n’ont que
complaisance vis-à-vis de l’islam, mépris des traditions, ils se précipitent au
service d’un président qui va encore plus assommer les classes moyennes d’impôts
(la CSG, réalisation rocardienne !), et j’en passe. Ils ne sont pas de droite. Pas plus qu’Edouard Philippe.
Certains commentateurs, comme Eric Zemmour ce matin, voient
dans le carnaval en cours une reconfiguration du spectre politique autour d’une
grande coalition centriste (à l’allemande, bien sûr !), sorte de parti unique
qui ne dit pas son nom, avec une opposition à droite et à gauche. Certes, mais
quelle droite et quels hommes pour s’opposer à ce désastreux ventre mou ?
Les restes du parti LR s’alliant à un Front National embourbé dans la ligne
Philippot, ce néo-chevénementisme ouvertement contesté au sein du parti depuis
le catastrophique deuxième tour ? Sur quelle base ? Car s’il s’agit
de continuer l’attitude idéologique qui a tué la vraie droite depuis des
décennies, c’est-à-dire donner la primauté à l’économique, eh bien la bonne
bourgeoisie votera pour les émules de Fillon (fiscalité, retraite et pouvoir d’achat)
et le FN rabâchera dans le vide son obsession anti-euro, et la France continuera
sa course à l’abîme. Négligés ou niés, l’identité, l’invasion migratoire, le
danger islamique, le désastre scolaire, la grandeur du pays, la souveraineté du
peuple, la sécurité, le respect de la vie et de la famille, la préparation aux périls futurs. Tant pis pour la France.
Mais la vie est pleine de surprises.
Pierre Henri