Le « pédagogisme »
est, rappelons-le, cette idéologie qui, dans ses diverses tendances et par ses
multiples tenants, fait de l’école un lieu où l’on fait tout, sauf ce à quoi
sert l’école, c’est-à-dire apprendre aux élèves les connaissances
indispensables. On laisse l’apprenant
construire ses propres savoirs et compétences dans l’interdisciplinarité, on forme un citoyen apte au vivre-ensemble, doté d’un esprit critique mais certainement pas de
culture, marqueur du capital des classes
privilégiées et de leurs héritiers,
comme disait le sociologue-pourrisseur
Bourdieu. Enseigner ? Réactionnaire ! Inculquer ? Fasciste !
Le tristement célèbre Philippe Meirieu, grand gourou de ce délire officiel,
co-signe un « appel à résister à
tous les reculs et tous les replis », dans Libération du 15 avril,
avec une poignée de professeurs en sciences de l’éducation, de syndicalistes, d’écrivains
inconnus, et le vice-président de la Ligue de l’Enseignement.
Cet appel, opportunément publié à quelques jours des
élections présidentielles, accumule, dans un jargon qui n’impressionne plus que
les crédules, les inepties les plus dangereuses intellectuellement qui
empoisonnent depuis plusieurs décennies l’enseignement en France : il s’agit
bien sûr de « résister » à
l’ « autoritarisme et l’ultralibéralisme »
(c’est franchement antinomique, mais passons…) qui séduisent « l’extrême-droite et une partie de la droite
et du centre », à la « pédagogie
à l’ancienne aux échos profondément identitaires » ! Nous y
voilà ! L’école d’extrême-droite qui vient ira donc « détectant et dérivant au plus tôt les
enfants "inadaptés" » : il faut comprendre ici que
dériver, qu’on utilise pour les fonctions mathématiques et pour les bateaux,
veut dire réorienter ou renvoyer. Et ça, c’est le Mal ! Il faut garder
tout le monde jusqu’au bout (de quoi ?), prolonger la folie énoncée par un Chevènement amenant « 80% d’une classe d’âge au bac »,
puis autant en licence, et pourqui pas en doctorat ? Il faut garder ceux
qui ne sont pas faits pour les savoirs scolaires, ceux qui mettent le bazar ou
font profession de dormir au fond, « il nous faut une pédagogie de l’émancipation, une pédagogie qui apprenne
à chacun et à chacune à "penser par soi-même" », il faut apprendre à vivre-ensemble « et surtout à faire ensemble ».
Pour la grammaire, on repassera, puisque l’Ecole doit être avant tout
une sorte de « fabrique de citoyens »,
conformément aux vieilles doctrines révolutionnaires dont le caricatural
ministre Vincent Peillon se fit récemment le sectateur le plus acharné. C’est
le lieu de la « transmission des
valeurs contribuant à tisser le lien social », « une institution où tous doivent apprendre
ensemble, fraternellement, pour que, de la confrontation sereine des
différences, émerge un projet commun à l’horizon du possible » :
un projet commun à l’horizon du possible, c’est beau, ce mélange de slogan
publicitaire et de discours de Macron, c’est bien entendu risible et
désespérément creux.
Les signataires s’opposent évidemment aux mesures de bon sens proposées
par le Front National, comme l’apprentissage à 14 ans, « sanctionner les parents déficients »,
et surtout, horresco referrens, la
restauration d’une « autorité
aveugle au détriment de toutes les formes de coopération et de construction
collective des règles qui permettent l’adhésion de chacun et de chacune à un
projet commun ». Si l’on comprend bien, le chef d’établissement doit
se concerter avec les élèves pour savoir s’il faut interdire le bavardage en
classe, les insultes, les coups, les crachats : pourquoi pas les faire
voter, pendant qu’on y est, et parvenir aux principes utopistes d’une absence
totale de contraintes, des règles et de sanctions dans l’éducation scolaire ?
Là se rejoignent les déconstructions-démolitions de Michel Foucault (Surveiller et Punir) et les fadaises à
baba-cool des pédagogies Rudolf Steiner, chouette synthèse qui produit à la
chaîne des inadaptés et des hommes mûrs pour les dictatures, les vraies.
Il faut aller voter pour faire barrage au FN, c’est la conclusion
logique de ces destructeurs de l’Ecole, « là où nous, professeurs, éducateurs nous efforçons au contraire de
montrer dans nos classes, auprès de ceux qui seront les Français de demain,
d’où qu’ils viennent, l’importance de l’égalité, de la bienveillance, de
l’acceptation de soi et donc de l’autre ». Une brillante réussite, faite d’un effroyable taux d’échec scolaire et
de déliquance dans les innombrables banlieues ethniques de nos villes où les
écoles sont devenus des zones de non-droit comme les autres, faite aussi d’un
affaissement catastrophique du niveau culturel moyen que l’auteur de ces
lignes, professeur d’histoire-géographie durant quelques années, a pu
constater, comme des milliers d’autres avant lui, avec sidération.
Les piteuses gesticulations de cette bande de pourrisseurs ont pour seul
intérêt de remettre en avant la question scolaire, au carrefour des phénomènes
que nous combattons, décadence culturelle, nihilisme anti-identitaire,
déconstruction, submersion migratoire, ravage de l’individualisme (que l’on
observe chez les nouvelles générations de parents). L’école reste l’un des
enjeux majeurs pour toute politique d’enrayement du pire et de redressement, ne
l’oublions jamais.
Pierre Henri