jeudi 23 mars 2017

Libé à la pointe du progrès : « il faut tuer Dieu et la patrie ».


Libération ne déçoit jamais : la rédaction de l’éditorial de ce jour est confiée à un écrivain américain du nom de David Vann, qui promène au Salon du Livre un sourire yankee de vendeur de voitures sabotées et un regard rassurant comme une invitation à dîner au 93, rue Lauriston. Le titre, tout en pondération : Il est temps de tuer Dieu et la patrie.



En résumant ainsi le substrat de ses réflexions, David Vann rend un hommage appuyé à celui qui fut son maître, l’inévitable Monsieur Homais, qui pontifiait déjà dans le village de la mère Bovary. Cousinant avec le scientifique Richard Dawkins, autre acharné de l’athéisme écumant, dans la grande consanguinité de la bêtise à front de taureau, Vann se fait l’Homais américain. Homais Simpson, bouffi d’une certitude égotique bonne à gonfler les outres avec du rien, assène ses vérités définitives sur « les masses populistes qui votent pour des autoritaristes à peine déguisés et des aspirants dictateurs, […] largement influencées par la religion » et sur son « combat contre Dieu ». On apprend ainsi que « les menaces qui pèsent sur la France et sur l’Amérique, qu’elles soient internes ou viennent de l’extérieur, ont Dieu pour origine », que « les religions elles-mêmes n’apportent aucune liberté, mais plutôt l’asservissement et la perspective d’une guerre inéluctable », que Vann veut s’atteler à « la tâche quasi impossible de démontrer aux dizaines de millions d’électeurs religieux nationalistes des pays occidentaux que leurs croyances sont tout simplement infondées ».



L’infatuation de telles formules, perversions d’un grotesque romantisme prométhéen bon à faire chavirer les étudiantes de Berkeley après leur dixième joint, a de quoi faire rire. Elles sont pourtant le jus centrifugé et grandiloquent d’une pensée bobo qui descend des propos de fin de banquet maçonnique, déclamés avec l’inébranlable assurance de Lyssenko.



Joignant allègrement l’indécence à la débilité, Vann rappelle, l’index levé comme un instituteur scientiste, que « chacun devrait convaincre ses voisins qu’un gouvernement très à droite est plus dangereux que les terroristes, que la France ne devrait pas poursuivre des rêves de grandeur et que Dieu est mort ». Le lendemain de l’assassinat de trois Londoniens par l’islamiste Khalid Masood. A point nommé donc. Comprenez-le, ce pauvre Vann, accablé par l’échec de tous ses efforts « pour créer un monde ouvert, démocratique et pluraliste fondé sur les faits avérés, la raison et la loi séculière » ! Les faits avérés, la raison et la loi séculière… du mauvais Voltaire, l’argument imparable des béats du grand vide spirituel.



Ni religion, ni politique, ni enracinement, ni incarnation ! « Mais il y a les experts pour cela, les savants, mon cher ! », rétorquent ceux que l’écrivain Renaud Camus appelle les « amis du désastre », ceux dont la certitude, c’est-à-dire l’orgueil médiocre, est devenue seule religion. Les croyants électeurs de droite « sont plutôt plus vieux, blancs, ruraux, pas riches, pas très bien éduqués et tout à fait religieux », alors « nous [Nda : Vann et l’Amicale du Progrès Positif de Trifouillis Sur Hudson] devons trouver des moyens de tuer leur Dieu et de tuer leur amour pour leur patrie ». Tuer ce qui fait l’homme, en somme. Une fois l’homme effacé, David Vann restera. C’est-à-dire rien.



Pierre Henri