J’avais malencontreusement égaré sous
une pile de documents un excellent texte de mon très cher ami marseillais Paul
Gard, qui fut un grand magistrat et un grand majoral du Félibrige.
Aujourd’hui admirablement
centenaire et toujours aussi pétillant dans l’art de la réplique il continue à
envoyer à ses amis des réflexions très pertinentes et souvent délicieusement
impertinentes aussi.
Il avait tenu à renforcer mon
argumentation de réticence par rapport à l’utilisation du concept de « phobie »,
fût-ce pour le retourner dialectiquement. Je comprends certes cela d’autant que
j’ai, avec l’AGRIF, retourné, mais à l’endroit tout de même, la dialectique du
racisme et de l’antiracisme.
Je suis néanmoins évidemment en
parfaite complicité avec ceux de mes amis qui, après l’apparition des campagnes
contre « l’homophobie » et « l’islamophobie », ont placé
courageusement leur combat sous la bannière de l’anti « christianophobie ».
Contrairement d’ailleurs à ce qu’ils
évoquent souvent, le créateur de ce
terme n’est pas l’excellent écrivain et journaliste du Figaro Magazine, Michel
de Jaeghere. Pour ma part, je vis en effet apparaître ce terme dans un grand
article sur une page entière de l’hebdomadaire royaliste « Aspects de la France »
daté du 15 juin 1978, de François Léger, très brillant écrivain : « Les
idées de M. de Benoist ».
Le seul sous-titre dans ce texte
était le suivant : « Christianophobie
galopante ». (1)
Je compris bien l’utilisation de
ce concept mais sans m’y rallier. Par exemple, dans mon travail « Le génocide
français » paru dans Itinéraires en novembre 1980, je préférais écrire
plus simplement sur la haine anti-chrétienne et quelques années plus tard,
créant l’AGRIF, je mis plutôt en avant la notion de racisme anti-chrétien.
On le sait aussi, c’est avec
consternation que je vis tomber l’excellente Manif pour tous dans le panneau de
l’utilisation du langage et des symboles de l’ennemi. L’égérie de cette Manif,
remarquable agitatrice mais tête de linotte, au pseudonyme de Frigide Barjot,
réussissait non seulement à faire défiler de charmantes jeunes filles avec
leurs têtes légères sous bonnet phrygiens mais évidemment dans une macronienne (2)
ignorance de ce que symbolisait d’horreur ce bonnet jacobin que portaient
notamment, sous la Révolution, les sanguinaires brandisseurs de têtes coupées
de la « section des piques ». Mais quoique aristocrate, même la
sympathique Ludovine de la Rochère, succédant à Frigide, ne savait pas cela et
semble l’avoir à nouveau oublié.
Frigide, elle, non contente de
faire bêler à son innombrable gentil troupeau « non à l’homophobie »,
y alla ensuite, bien plus indignement encore, de son couplet « non à l’islamophobie »
devant le congrès de l’UOIF, c’est-à-dire des Frères musulmans !
Je suis très heureux aujourd’hui
qu’avec une grande clarté de raisonnement et de style, Ingrid Riocreu,
professeur d’université, ait magistralement analysé cela dans son livre « La
langue des médias ». Elle y développe qu’en adoptant d’emblée le référentiel
idéologique de l’ennemi et en le rejoignant sur la condamnation de la dite « homophobie »,
le combat de la Manif pour tous était quasiment perdu d’avance.
Je n’ai cessé de dire et d’écrire
cela aussi sur le concept « d’islamophobie ». Rappelant, comme mon
ami Paul Gard, que « phobie » est un mot du vocabulaire médical dans
l’ordre de la psychiatrie et qu’il faut l’y laisser.
Car son premier détournement fut
le fait de la police de la pensée soviétique dans l’époque post-stalinienne qui
peuplait des hôpitaux dits psychiatriques d’opposants désignés comme malades
pour des idées et comportements taxés de « soviétophobie ».
Je me
réjouis, même si cela vient longtemps après nous, mais avec la force d’influence
du Figaro Magazine, que cet hebdomadaire ait consacré sous la signature de
Vincent Trémolet de Villers un grand dossier à l’essai d’un écrivain, Pascal
Bruckner, titré « Un racisme imaginaire ».
Ce dernier y dénonce l’accusation
d’islamophobie que nous avons été quelques-uns à qualifier depuis longtemps comme
étant à finalité sidérante et terrorisante, dans une parfaite continuité soviétoïde !
Sur le fond, Bruckner n’ajoute
donc pas grand-chose à nos écrits mais il est très heureux que les siens soient
si bien répercutés figaresquement. En revanche, je ne puis pas taire mon
indignation sur ceci : on évoque dans ce dossier le cas d’Anne Lauvergeon,
alors patronne d’Areva, qui en 2010 se targua sur France 2 de proscrire « à
compétence égale » le recrutement de « mâles blancs » et qui fut
relaxée du délit de provocation à la discrimination raciale. Or c’est l’AGRIF qui poursuivit cette
dernière, avec pour avocat Me François Wagner. Pourquoi occulter cela ? En quoi citer l’AGRIF,
seule organisation combattant depuis 1990 dans le cadre légal le détournement raciste
de l’antiracisme, serait-il inconvenant pour le Fig Mag ?
L’AGRIF, avec toutes ses
batailles, pas toujours perdues, tant s’en faut !
L’AGRIF, étudiée dans des volumes
entiers de la Gazette du Palais.
L’AGRIF, seule association
bataillant en justice contre le racisme islamo-gauchiste de madame Houria
Bouteldja ou les appels à la haine anti-chrétienne de Caroline Fourest.
On aimerait bien que M. Vincent
Trémolet de Villers, dont nous avons il y a peu encore cité ici le remarquable
entretien avec Fabrice Lucchini, nous dise le pourquoi de cette occultation. Et
de même pour deux ou trois autres grandes plumes de cet hebdo qui, pourtant, je
l’espère, ne sauraient avoir l’indécence de ne pas nous trouver assez religieusement
ou politiquement corrects selon leurs critères.
(1)
François
Léger disait tout ce qu’il appréciait dans le livre « Vu de droite »
d’Alain de Benoist, mais jugeait regrettable son anti-christianisme. Nous
pensons pouvoir dire aujourd’hui qu’Alain de Benoist a tout de même un peu nuancé
ses positions.
(2)
Niant qu’il
existe depuis des siècles une « culture française », magnifique ensemble nourricier de la culture universelle,
M. Macron mérite que soit également qualifiée par l’adjectif de « macronienne »
une abyssale ignorance !