« Politique
d’abord ! »
Dieu que cette maxime aura été
injustement reprochée à Charles Maurras ! Ce qui imposait et impose à tout
honnête connaisseur des idées politiques, maurassien ou non, royaliste ou non,
de rappeler que, par sa formule, Maurras n’entendait évidemment pas mettre la
politique au dessus de tout.
Lui-même d’ailleurs n’avait-il
pas, très jeune, commencé d’abord à œuvrer dans le domaine culturel en tant que
militant et poète du Félibrige, le grand mouvement de renaissance linguistique
et littéraire fondé avec quelques autres par le grand poète provençal Frédéric
Mistral ?
Mais très vite, à la fin du
XIXème, il en était arrivé à la conclusion que, sans restauration d’un ordre
politique protecteur, la renaissance culturelle était à plus ou moins long
terme inéluctablement vouée à l’échec et à la mort. Et ce, pas seulement pour
la Provence et le provençal, mais pour toute la culture française et toute
culture en général comme l’avaient par exemple conclu les patriotes irlandais,
grecs ou polonais en reconquête de souveraineté pour préserver leur identité.
Maurras, après avoir rejoint le
jeune mouvement d’Action Française qu’il devait faire très vite évoluer en un
mouvement pour la restauration de la monarchie, n’abandonna jamais sa
conviction fondamentale que l’ordre de la politique n’était pas au dessus de
celui de la culture mais qu’il en déterminait l’épanouissement en préservant
plus ou moins la nation et la société des invasions ou des subversions
barbares.
Et quoi que l’on puisse penser
par ailleurs de la politique et des positions de Maurras, comme il n’était pas
idéologiquement du tout partisan d’un régime totalitaire, lui, l’agnostique si
admirateur de Jeanne d’Arc ne contestait nullement aux catholiques leur
légitime conviction sur la « primauté du spirituel », exprimée dans
la devise de Jeanne d’Arc : « Dieu, premier servi ».
L’observation du rôle aujourd’hui
de la Russie dans le monde est un fascinant exemple de l’importance du
« politique d’abord ».
Les résultats de la politique de
Poutine, sur laquelle, n’étant pas russes, on doit évidemment porter un regard,
fut-il admiratif, distancié et critique, sont en effet tels qu’ils font
admirablement oublier, et c’est en cela leur réussite, une grande partie de la
réalité de la Russie.
Certes, l’immensité de son
territoire continue toujours, comme aux XIXème et XXème siècles, d’être
l’élément majeur porteur de l’idée de sa puissance.
Or, en bien des domaines encore,
et non des moindres, la Russie demeure un pays faible.
-
Faible d’abord démographiquement. Avec environ 50 fois la
superficie de l’Allemagne (25 fois celle de la France), sa population (147
millions) n’est même pas celle de ces deux pays(80+70).
-
Faible économiquement avec une économie n’atteignant pas le
douzième de celle de la Chine, de l’Europe ou des États-Unis.
Mais néanmoins, avec ses atouts
de la production russe d’hydrocarbures remarquablement utilisés
diplomatiquement vis à vis des pays de l’OPEP, et avec celles d’une puissance
militaire bien inférieure à celle des États-Unis, mais vigoureusement actionnée
en Syrie et comme force d’intimidation des Pays Baltes à l’Ukraine, Poutine a
fait politiquement de la Russie l’État qui aura le plus pesé ces derniers temps
sur les grands enjeux du monde.
Avec sa maitrise de grand joueur
d’échecs mais aussi de dames, il a partout diplomatiquement damé le pion à
Obama et aux dirigeants européens. Il n’a pas fait une politique
prioritairement au service de l’économie mais il a utilisé les ressources
énergétiques russes comme facteurs de puissance politique.
Cette observation et l’admiration
que l’on peut avoir pour son art de gouverner ne signifient bien sûr pas du
tout que l’on doive béatement considérer que tout ce à quoi s’emploie Poutine
soit nécessairement toujours bon pour la France et pour tous les peuples
européens.
Nous verrons probablement, assez
vite aussi, ce que sera le gouvernement de Donald Trump : sera-t-il
essentiellement dicté par des motivations économiques ou par la puissance
politique ? Servira-t-il une bonne « politique d’abord », non
seulement pour les États-Unis mais pour la réanimation de l’occident face au
communisme qui n’est pas assez mort et face au totalitarisme islamique qui est
trop vivant ?
Plus que jamais, chez nous,
devraient être conciliées la devise de Jeanne d’Arc et la maxime chère à
Maurras : « Dieu premier servi » et « politique
d’abord ».
Pour cela, il nous faudrait un
chef de l’État digne de ce nom.