Le Figaro-Magazine de
cette semaine a pour titre de couverture « Les intellectuels et l’islam »
avec la photo en premier plan de Michel Onfray bordé à sa droite par Eric
Zemmour et Alain Finkelkraut et à sa gauche par Zineb El Rhazaoui, Mohamed
Sifaoui et Michel Houellebecq.
Plusieurs pages du
dossier sont consacrées aux parcours remplis d’embûches des journalistes d’origine
musulmane, la marocaine Zineb El Rhazaoui, le franco-algérien Mohamed Sifaoui,
l’algérien Kamel Daoud et aussi à Nadia Remadna, née à Créteil, orpheline de
mère à 2 ans, que son père algérien, musulman fanatique, arrachera à la France pour
des années de véritable enfermement dans un village des montagnes de Kabylie d’où
elle pourra un jour s’enfuir enfin à l’âge de 25 ans.
L’évocation de ces
courageuses personnes est bien menée. Mais leur auteur, Alexandre Devecchio, n’évite
pas, comme tant d’autres journalistes, le conformisme de l’expression « l’islam
politique » dans l’affligeant sous-entendu qu’il y aurait un « islam
non politique ». Ignorance ou prudence pour ne pas risquer l’imputation
infâmante d’islamophobie ?
Et de surcroît il a
utilisé cela dans une phrase qui suffit à invalider l’expression. Citons-la : « Ironiquement, tous ces affranchis de l’islam
politique avaient choisi la France pour échapper à la police des mœurs et de la
pensée ». En l’occurrence,
comme raconté, ils ont pour cela fui, les uns l’Algérie, les autres le Maroc,
pays d’islam où, comme dans tous les pays adhérents de l’Organisation de la
Coopération Islamique (OCI) au nombre de 57, il y a police des mœurs et de la
pensée, comme l’implique, depuis sa fondation à Médine par Mahomet, la
théocratie totalitaire qui est la définition même de l’islam.
De l’islam qui a balayé la
fondamentale et révolutionnaire distinction apportée par le Christ entre la
politique et la religion, ou en termes plus doctrinaux, entre le spirituel et
le temporel : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu
ce qui est à Dieu ! ». Alexandre Dececchio ne peut ignorer,
on l’espère, l’exhortation revenant si souvent dans le Coran et les Hadîths :
« Obéissez à Allah, obéissez à son
prophète ! ».
Comme si Mahomet n’avait
pas été simultanément un chef politique, un chef de guerre, un chef religieux !
Où Devecchio a-t-il vu
un islam non politique ? Des musulmans personnellement non intéressés par
la politique, on peut en rencontrer mais pour autant ne font-ils plus partie de
l’oumma ? Et l’oumma n’est-elle pas régie dans tous les aspects de la vie
par la charia ?
La vérité, c’est que si
l’islam n’est plus politique, eh bien, il n’y a plus d’islam !
Mais ce qui est
excusable chez un journaliste qui n’est pas nécessairement très formé sur l’islam
ne l’est plus dès lors qu’il s’agit de Michel Onfray, intellectuel et
philosophe et auteur d’un livre sur l’islam.
Non seulement lui aussi
évoque « l’islam politique », affirmant donc implicitement un « islam
apolitique », encore une fois, où et quand ? Avec les 4 premiers califes
(« successeurs ») de Mahomet, avec les suivants ? Dans l’empire
ottoman ? Aujourd’hui en Arabie Saoudite, en Iran, en Turquie ? Et
même sous les régimes dits « laïques », kémaliste ou baasiste, en
Turquie, en Irak, en Syrie, l’islam était-il apolitique ?
Que nenni ! Ce
serait ne rien connaître l’histoire et de la réalité de ces pays et de ces
régimes que de l’affirmer !
Onfray professe : « L’islamisme est l’islam qui s’appuie sur les
seules sourates dont j’ai dit qu’elles étaient incompatibles avec les valeurs
de la République ». L’embêtant,
d’abord, c’est qu’il ne cite pas lesquelles et qu’il semble allègrement
confondre sourates et versets tout en déformant le texte.
Ainsi cite-t-il comme
une sourate les mots suivants : « Exterminez les incrédules jusqu’au dernier » alors que le
texte exact est : « … Dieu
voulait manifester la vérité par ses paroles et exterminer les incrédules jusqu’au
dernier,… ».
Ce n’est évidemment pas
une sourate mais un extrait des versets 7 et 8 de la sourate VIII titrée Le
Butin.
Ensuite, même si, comme
nous, on a la plus grande répulsion pour l’islamisme, comment oser écrire qu’il
s’appuie sur les seules sourates incompatibles
avec les valeurs de la République ?
Il y a 114 sourates dans
le Coran. Ce serait intéressant qu’Onfray nous dise celles que l’islamisme
délaisse. Remarquons aussi qu’il n’évoque même pas les Hadîths, deuxième texte
sacré de l’islam dont le sahîh d’El-Bokhâri comporte 97 sourates dont on lit
toujours au moins quelques versets dans les cultes du vendredi.
Or, c’est à partir du
Coran et des Hadîths qu’a été élaborée la charia, la loi fondamentale de
la théocratie totalitaire islamique que les islamistes veulent simplement appliquer
entièrement et dans toute sa rigueur et même son horreur.
Et l’important n’est
donc pas de savoir si tel ou tel verset (qu’Onfray appelle des sourates !)
est compatible avec les valeurs de la République alors que bien évidemment la
question de la compatibilité porte sur la charia, indéniablement loi
religieuse, politique et code de mœurs régissant l’oumma dans tous les
aspects de la vie collective et les moindres détails de la vie individuelle.
Or Onfray n’évoque même
pas l’oumma, ni la charia, ces deux mots-clés de la réalité islamique !
Parler de l’islam sans
même les considérer un instant, ce n’est pas sérieux. Mais là où vraiment il se
dévalue, c’est en brandissant lui aussi, comme les musulmans maniant la taqiya,
le verset « Pas de contrainte en
religion ! ». Or tous ceux qui ne sont pas des prosélytes de l’islam
savent que le verset fut utilisé par Mahomet lors de ses débuts à La Mecque, pour
réclamer que nul ne s’oppose à ceux qui souhaiteraient se convertir à l’islam.
Jamais, même dans les
époques et les régimes islamiques les moins fanatiques ce verset n’a été
appliqué dans l’autre sens. Pas question de respecter une non-contrainte :
abandonner l’islam, c’est apostasier et la charia stipule la peine de mort pour
cela, toujours appliquée dans les deux pays phares de l’islam, l’Arabie
Saoudite sunnite et l’Iran Chiite et plusieurs autres pays. Ailleurs, si ce n’est
pas la mort « de jure » ce l’est très souvent « de facto »,
par la violence de l’oumma, et pour le moins, ce sont légalement de lourdes
peines que l’on inflige.
Et il en a été ainsi
jusqu’à nos jours, et toujours et partout à sens unique, par exemple en Égypte
où sans cesse des pressions et souvent des menaces pèsent sur les Coptes pour
qu’ils passent à l’islam. À ceux des chefs religieux chrétiens qui osent
protester, les imans et les oulémas répondent alors : « pas de contrainte en religion ! ».
Ce qui signifie « pas de contrainte
contre la conversion à Mahomet ! »
En fin d’entretien,
Onfray, pour terminer en beauté son exposé de science coranique, cite un verset
que voici : « Petit est le
nombre de ceux qui réfléchissent ». Et il donne la référence XL, 78. L’embêtant,
chacun peut le vérifier, c’est que le texte cité n’est pas dans ce verset qui
se conclut par : « Ceux
qui profèrent des mensonges sont alors perdus »… Dans la même sourate,
dans les précédents versets, toujours sur les menteurs, il est dit : « Ceux qui ont traité de mensonge le Livre et
les messages dont nous avons chargé nos prophètes sauront bientôt (v. 70) (la
vérité) :
Lorsque, carcan au cou,
Ils seront traînés
avec des chaînes (v.71)
Dans l’eau bouillante,
Et précipités ensuite dans le Feu (v. 72)
On leur dira :
« où sont donc ceux que vous avez associés à Dieu ? »
Ces versets sont parmi
les innombrables visant les « associateurs », c’est-à-dire les
chrétiens, coupables d’associer deux autres divinités à Dieu, le seul péché qu’Allah
a déclaré impardonnable (pour les autres, « Il fait ce qu’il veut », dit
le Coran).
Antoine Moussali, le
très grand islamologue libanais et érudit de la langue arabe, range de pareils
passages dans ce qu’il appelle des « occurrences de violence ». il en
a dénombré 700. On aimerait savoir si Onfray les place parmi ce qu’il appelle « les
sourates tolérantes » (sic !) dans sa confusion des sourates et des
versets.
Faut-il comprendre que tous
ces passages vouant aux gémonies ces
associateurs de chrétiens le laissent indifférent, puisqu’il est pour sa part
athée ? Néanmoins, ne perçoit-il pas qu’il y a dans ce Coran comme une délectation
dans la description sans cesse réitérée des supplices auxquels ils sont voués
pour l’éternité ?
Curieuse ambiance tout
de même dans ces « sourates tolérantes ».
Et comment cet intellectuel ne s’avise-t-il
pas de réfléchir à l’importance mimétique du modèle du prophète ? Comme si
Mahomet lui-même n’avait pas fait égorger, amputer, lapider, fouetter, torturer.
Ce que peuvent invoquer pour leur justification tous les jihâdistes des « États
islamiques » d’hier et d’aujourd’hui !
Mais à la lecture des propos
d’Onfray, tous ceux qui ont un tant soit peu de culture islamique n’éprouvent-ils
pas comme une gêne ? Et si ce personnage était dans cette catégorie des
intellectuels et des artistes qui, parce qu’ils ont, semble-t-il, un domaine de
compétence, ne craignent pas d’émettre sans vergogne des considérations et
jugements en des matières qu’ils ne connaissent pas ?
La vérité, c’est que sur
l’islam Michel Onfray est bien affligeant avec son orgueilleuse méconnaissance.