Bernard Antony, président de
Chrétienté-Solidarité, communique :
Les cheminements de l’histoire,
si souvent humainement imprévisibles, auront été marqués ce vendredi 12 février
2016 par la rencontre dans l’aéroport de Cuba du chef de l’Église catholique,
le pape François, avec le patriarche Kirill, le chef d’un des neuf patriarcats
byzantins orthodoxes, le plus important aujourd’hui sous bien des aspects,
celui de Moscou.
La rencontre a été d’autant
plus marquante qu’avec ce patriarcat byzantin de Moscou, à la différence de certains
autres, et notamment de celui de Constantinople, elle a été la première après
le millénaire de rupture consécutif au grand schisme de 1054 du patriarche de
Constantinople Michel 1° Cérulaire.
La Déclaration commune
en trente points qui s’en est suivie aussitôt, simultanément publiée en italien
et russe, et traduite en bien des langues, est un texte d’une très grande
clarté et lisibilité, à la différence de certains autres du pape François nécessitant
un effort de clarification. On en retiendra pour le moins les traits essentiels
que voici :
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Un
texte placé dans le rappel du partage de « la
tradition spirituelle du premier millénaire du christianisme » dans l’invocation
de « la Très Sainte Mère de Dieu, la
Vierge Marie, des saints et des innombrables martyrs ayant manifesté
leur fidélité au Christ ».
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Dès
le 8° point, François et Kirill expriment : « Notre regard se porte avant tout vers les nombreux pays où des chrétiens
subissent la persécution ».
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Ils
évoquent « les nombreux pays du
Proche-Orient et d’Afrique du Nord où nos frères et sœurs en Christ sont
exterminés par familles, villes et villages entiers ».
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Très
clairement, au point 9, ils appellent « la communauté internationale à des actions urgentes pour empêcher que
se poursuive l’éviction des chrétiens du Proche-Orient ».
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On
retrouve là, mille ans après, avec les formes actuelles, les accents des appels
pour faire cesser les effroyables abominations en Terre Sainte des Turcs
Seldjoukides et les perversions massacreuses du calife al-Hâkim, modèles des
terroristes de l’État islamique aujourd’hui. Les « actions urgentes »
contre les barbares à l’appel du pape et des patriarches s’appelaient alors « croisades ».
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François
et Kirill dénoncent aussi vigoureusement (point 15) « la restriction de la liberté religieuse dans tant de pays, du droit de
témoigner de leurs convictions et de vivre conformément à elles ». Ils
déplorent « la limitation actuelle
des droits des chrétiens, voire leur discrimination, lorsque certaines forces
politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme souvent agressif s’efforcent
de les pousser aux marges de la vie publique ». Comment ne pas voir
que cette préoccupation s’applique explicitement à bien des pays d’occident et
particulièrement à la France ?
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François
et Kirill poursuivent très fermement en effet : « Nous mettons en garde contre une intégration
européenne qui ne serait pas respectueuse des identités religieuses ». Tout
en demeurant ouverts à la contribution des autres religions à notre
civilisation, nous sommes convaincus que l’Europe doit rester fidèle à ses
racines chrétiennes. Et sans ambiguïté encore : « Nous appelons les chrétiens européens d’Orient
et d’Occident à s’unir pour témoigner ensemble du Christ et de l’Évangile pour
que l’Europe conserve son âme formée par deux mille ans de tradition chrétienne ».
Nous retrouvons là les accents de Saint Jean-Paul II qui, le 10 avril 1985, à
Rome m’encourageait : « Oui, opposez-vous avec vigueur à la
décadence de l’Europe ! ».
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La
Déclaration continue ensuite notamment (points 19 et 20) avec les propos d’une
réitération impérative de la commune doctrine chrétienne sur la famille « fondée sur le mariage, acte d’amour
libre et fidèle d’un homme et d’une
femme ». On y lit : « Nous
regrettons que d’autres formes de cohabitation soient désormais mises sur le
même plan que cette union, tandis que la conception de la paternité et de la
maternité comme vocation particulière de l’homme et de la femme dans le
mariage, sanctifiée par la tradition biblique, est chassée de la conscience
publique ». On ne peut avoir plus claire condamnation de la loi
Taubira et autres législations semblables.
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Enfin,
le point 21 rappelle l’exigence du respect du droit inaliénable à la vie. « Des millions d’enfants sont privés
de la possibilité même de paraître au monde. La voix du sang des enfants non
nés crie vers Dieu. (cf. Gn 4, 10). Ces lignes se poursuivent avec la
totale condamnation de « la manipulation
de la vie humaine, atteinte aux fondements de l’existence de l’homme, créé à l’image
de Dieu ». Sur tous les
points essentiels de la doctrine sociale, la Déclaration est donc très
encourageante pour les chrétiens fidèles, aussi bien orthodoxes que
catholiques.
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Ces
derniers pourraient en revanche considérer que le pape a fait une inutile
concession historique au patriarche qui se manifeste dans les lignes exprimant
le regret de la méthode de « « l’uniatisme » du passé. On le
sait, ce fut là un des points d’achoppement entre Moscou et Rome alors que les
uniates ukrainiens gréco-catholiques ont payé très lourdement leur fidélité à
la papauté.
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Mais
le texte lève toute ambiguïté sur le présent en réaffirmant leur « droit d’exister et d’entreprendre tout ce
qui est nécessaire pour répondre aux besoins spirituels de leurs fidèles,
recherchant la paix avec leurs voisins. »
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On
y lit : « Orthodoxes et
gréco-catholiques ont besoin de se réconcilier » et plus loin, le
clair appel à ne pas soutenir un développement ultérieur du conflit ukrainien.
C’est là bien sûr le
dossier dans lequel le Vatican et le patriarcat de Moscou devront exemplairement
s’employer à œuvrer pour la paix.
La Déclaration est d’une
portée immense. Elle constitue comme une réanimation de la réalité et d’une
conception moderne de la chrétienté. Les militants et amis de
Chrétienté-Solidarité, catholiques et orthodoxes, l’accueillent avec une grande
et confiante ferveur.