Les enfants ne sont
hélas pas responsables des bêtises des parents. La situation de l’agriculture
française est en effet dramatique, pour les agriculteurs d’abord mais à terme
pour tout le peuple français.
En effet, c’est la
capacité même d’auto-approvisionnement de notre pays sur l’essentiel des
produits de consommation courante qui sera menacée après la mort encore de
dizaines de milliers d’exploitations ruinées par les concurrences de produits souvent
de qualité inférieure ou chimiquement traités et à bas coût déversées sans les
freins douaniers nécessaires par les Américains et autres Néo-Zélandais.
Or, dans la course folle
à la productivité et à l’alignement sur les prix de l’étranger, avant même la
création de l’Union Européenne, la politique de Bruxelles voulue par nos
gouvernements et par le Parlement européen a été destructrice. Et ce, avec la
collaboration active et intéressée des dirigeants des syndicats officiels
(FNSEA) tels jadis Michel Debatisse que
j’entends encore débiter ses inepties à Strasbourg dans les années 1984-1990.
Je pense presque tous
les jours à cela quand je marche autour de chez moi dans la plaine vauréenne
sinistrée, défigurée, où les agriculteurs ont abattu toutes les haies protectrices
des sols et de la faune. Cela pour
gagner quelques aller-retour de tracteur dans les labourages et les successifs
déversements massifs d’engrais qui, à certains moments, blanchissent l’immense
champ long de plusieurs kilomètres comme un grand aéroport.
Et c’est ainsi que l’on
peut ici récolter trois ou quatre fois l’an sur des sols qui ne sont plus que
des surfaces obligatoirement porteuses des productions de Monsanto. Y avait-il,
me dira-t-on, d’autres possibilités ?
Assurément, oui !
Tout simplement celles
de la prudence, de la juste mesure, de préservation de l’élémentaire respect
écologique de notre terre. Or la productivité encouragée à outrance a eu
ensuite pour contre-partie la politique des quotas obligatoires. Spirale
infernale : toujours plus de productivité mais limitation de la production
et donc diminution du nombre des exploitations.
La politique agricole
commune (PAC) a été une affaire de dupes dans laquelle on a trompé nos paysans,
parmi lesquels, seule dans le dernier quart du siècle précédent, une minorité
lucide, notamment celle de la Fédération Française de l’Agriculture (FFA) de
notre ami Alexis Arette voyait plus loin que le bout du moteur de leurs
tracteurs. Mais il fallait bien accepter les ukases des Allemands et des Britanniques
et maintenant des Américains au lieu de défendre les intérêts vitaux d’une agriculture
de qualité avec une politique raisonnable des prix.
Et que l’on ne vienne
pas sur ce point nous resservir l’ineptie que j’ai si souvent entendue qu’il
fallait bien des sacrifices agricoles, pour pouvoir… vendre nos airbus !
Comme si la vente des
avions européens avait jamais dépendu des prix de nos céréales et de nos
viandes.
On ne saurait non plus nier
sur la question la responsabilité de ce que l’on appelle « la grande
distribution » qui est d’ailleurs, avec sa concentration autour de trois
grandes centrales d’achat, une distribution bien plus socialiste que libérale
dans l’achèvement d’un processus où la concurrence effrénée a tué la
concurrence.
L’erreur dans toute
cette affaire, c’est que les dirigeants de la politique et de l’économie ont
voulu raisonner sur notre agriculture comme si la terre de France était
structurellement comparable au « middle-west » américain.
Comme le disait très
justement notre cher Georges Bernanos : « Jusqu’à preuve du
contraire, l’intellectuel moderne est le plus grand imbécile que la terre ait jamais
porté ». En l’occurrence, l’intellectuel imbécile, ce fut et ça demeure le
technocrate.