Interrogé
par un grand hebdomadaire de fin de semaine, Alain Juppé s’exprime sur l’islam.
Il
déclare : « Il ne faut pas céder à la tentation de l’amalgame
entre un islam de France respectueux des valeurs républicaines et un fanatisme
islamiste d’un autre âge. Je vois bien que cette tentation est forte chez
certains ».
Plus
loin, il déplore : « Le conseil français du culte musulman, qui
est une bonne initiative de Nicolas Sarkozy, ne marche pas bien ». Il poursuit : « Il
faut le réformer pour qu’il joue mieux son rôle, par exemple dans la formation
des imams ».
Comme son
mentor et modèle de jadis, notamment en pratique démagogique, Jacques Chirac,
Juppé, certes pas nul en tous les domaines, a le don de formuler des lieux
communs, souvent avec la suffisance qui le caractérise.
Sur la
question de l’islam, la superficialité de ses jugements a toujours été
consternante. On se souvient de la manière enthousiaste dont il rapporta sa
rencontre au Caire, place Tahrir, lors du prétendu « printemps
arabe », avec des responsables des Frères musulmans.
S’imaginant
sans doute a priori qu’ils étaient des sauvages, il déclara combien il avait
été surpris de les trouver courtois et tolérants! Comme si un fanatisme
idéologique de fond excluait, surtout chez des dirigeants, une politesse de
forme !
Ses
propos du jour sont dans la même ligne de déni de réalité. Bien sûr, tout le
monde s’accorde, et nous aussi, sur l’erreur et l’injustice que l’on
commettrait en « amalgamant » tous les musulmans, c’est à dire en les
faisant tous partisans ou complices du jihâdisme et du terrorisme.
Mais pour
autant, comment ne pas voir que dans ce qu’il appelle « l’islam de
France » les Frères musulmans et autres organisations islamistes
internationales sont de fait les plus organisés et de plus en plus nombreux ?
Chez nous elles n’invitent certes pas au jihâd ni au terrorisme comme elles le
font par exemple en Egypte.
Leur
travail consiste simplement à éduquer, structurer, encadrer l’oumma en France. Car il n’y a
pas d’oumma de France !
L’oumma,
« la communauté des croyants », est la valeur fondamentale de
l’islam, supérieure à toutes les autres. Elle n’est pas seulement le principe
d’unité de croyance, d’appartenance religieuse. C’est la réalité matricielle,
globalisante, totalitaire. Le musulman n’existe que par elle et à travers elle,
sans les distinctions apportées par le christianisme entre le spirituel et le
temporel et surtout la valeur et l’autonomie de la personne humaine.
Il y a
bien sûr en France, comme ailleurs dans le monde musulman, quelques
intellectuels désireux de sortir l’islam de son carcan liberticide de toute
libre analyse. Mais ce ne sont pas forcément ceux qui, habiles dans l’art de la
taqiya , se plient volontiers au discours des « valeurs de la
République ». Quelles valeurs d’ailleurs exactement ? Tellement elles
ont été évolutives au delà des abstractions !
Pour
ceux-là, sans précipitations et sans fanatisme, sous le couvert de ces valeurs
de la République, l’important n’est-il pas d’implanter toujours plus le
« Dar el islam » ?
Les
valeurs de la République ? Mais oui : celles d’une république
islamique !
Enfin,
Juppé ne pèse pas du tout l’immense erreur commise hier par son rival
d’aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, avec la création du Conseil Français du Culte
Musulman.
Le
cardinal Lustiger, sur cela, manifesta alors avec raison son opposition à
« faire ainsi de l’islam une religion d’État » en la dotant de
surcroît d’un clergé qui n’avait jamais existé dans la tradition sunnite.
Quand on
a un minimum de connaissance de la réalité de l’islam et de ses organisations,
on pèse combien est illusoire et même absurde le désir de Juppé que ce conseil
puisse « mieux jouer son rôle dans la formation des imams ». car s’il
y a, redisons-le, une commune conscience d’appartenance à l’oumma, les
rivalités des écoles juridiques d’interprétation de la charia, des confréries,
des solidarités tribales et des stratégies d’implantation des organisations
financées par différents États sont âpres.
Il est
prévisible que l’élaboration de cette formation sera l’occasion de nouvelles
querelles au sein du conseil que préside le recteur Boubakeur qui ne tient le
peu d’influence qu’il a que par l’appui des gouvernements.