lundi 19 janvier 2015

Sur un entretien avec Rémi Brague


J’ai savouré samedi dans la page « débats » du Figaro le superbe entretien avec le plus talentueux de nos philosophes et historiens des religions, Rémi Brague. On y met en exergue sa phrase : « En France, on a le droit de tout dire, sauf ce qui fâche ».

Chaque passage en est pertinent, limpide, non sans être assorti des traits qui font mouche d’une souriante ironie salvatrice.

Extrayons-en ceci : 
« Les caricatures de Charlie, et les autres, ne sont rien à côté de ce qu’a dû subir, en vrai, le Crucifié. Leurs tentatives pour blasphémer sont donc moins du scandaleux que du réchauffé. Il est en tout cas intéressant que l’on se moque dans ce cas, non des tortionnaires, mais de leur victime ».

À la question « peut-on dire que « l’esprit Charlie » est héritier de Voltaire », il répond : « "Esprit" me semble un bien grand mot pour qualifier ce genre de ricanement et cette manie systématique, un peu obsessionnelle de représenter, dans les dessins, des gens qui s’enculent... Voltaire savait au moins être léger quand il voulait être drôle. Ceci dit Voltaire est pour moi, l’un des plus enragés antisémites qui fut ».

Et encore : 
« Bon nombre de gens font de la profanation leur fonds de commerce. Je ne les envie pas, car leur tache devient de plus en plus difficile. Sans parler du "politiquement correct" déjà, mentionné, ils ont à affronter une baisse tendancielle du taux du profit, car il ne reste plus beaucoup de choses à profaner, faute de sacré encore capable de servir de cible ».

Et voici enfin comme la feuille de route du nouveau journal officiel et très subventionné de la république : 
« Bien des symboles n’ayant pas ou plus de divisions blindés pour les défendre, on pourra donc cracher dessus sans danger. Mais alors, « on triomphe sans gloire ». Quand on persiste à s’en prendre à eux, il faudra constamment renchérir sur le blasphème précédent, aller de plus en plus loin, par exemple dans le scatologique ».