C’est un usage fréquent dans les
conversations politiques du café du commerce que de citer ce hâdith du colonel
de Gaulle qui, passant dans la cour de la caserne et entendant ainsi hurler
l’adjudant de semaine à propos de malheureux nigauds, aurait répondu par ce
commentaire aussi amusé que désabusé.
Vaste programme en effet. Mais le
souhait de voir périr les cons est sans doute aussi vieux que l’homme qui,
comme nous le rappelait le grand Alexandre Vialatte, remonte à la plus haute
antiquité. Et nul doute que, bien avant le fondateur de la V° république,
beaucoup aient pu ironiser sur ce vœu d’une illusoire hécatombe des cons qui ne
meurent pas plus vite que les autres.
Il faut pourtant constater que le
facteur de la connerie humaine n’est pas suffisamment pris en compte dans les
œuvres historiques et politiques.
Les auteurs, semble-t-il, dans
une sorte de constante de bienséance académique, répugnent à analyser et mettre
en avant ce facteur essentiel des cheminements de l’histoire. Comme si tout ne
s’expliquait que par les idéologies, les logiques stratégiques, les ambitions
personnelles, les passions amoureuses ou les haines.
Alors que la connerie joue un
rôle immense. Il est vrai qu’elle est un concept subtil, à la définition
difficile et extensive. Elle ne se confond ni avec l’ignorance, ni avec la
bêtise.
Elle peut certes être le fait de
pauvres idiots mais tout autant de brillants diplômés.
La vérité même c’est que son
extension va de pair avec « l’instruction » comme on disait
autrefois. L’irremplaçable Molière a fort bien exprimé que le sot savant est
plus nuisible que le sot ignorant.
Mais la connerie, ce n’est pas
non plus tout à fait la sottise. Chaque con y apporte en fait ses propres
ingrédients, très souvent ceux de la vanité, du désir de paraître ou du
contentement admiratif de soi-même, la joie d’en « boucher un coin »
à ses interlocuteurs.
Lorsque je regarde à la
télévision ce grand dadais si diplômé de Jean-Pierre Jouyet, dont on comprend
qu’il soit si proche des deux François (Hollande et Fillon), je ne peux
m’empêcher d’ observer et de penser qu’il respire surtout la connerie, la
satisfaction de lui-même et bien sûr le plaisir de « faire la roue »
devant les journalistes qui l’y encouragent, ces journalistes auxquels la
plupart des politiciens veulent complaire puisque les médias constituent
désormais le premier pouvoir dans nos républiques.
Ce grand escogriffe de Jouyet,
avec les journalistes du Monde, a donc voulu « faire l’intéressant »
comme disait ma grand-mère. Et de leur montrer que, lui, il était capable de
manœuvrer entre Hollande et Fillon, à sa manière plus « fût-fût » que
ses deux patrons successifs.
Qu’à l’Elysée, on croit encore
pouvoir jouer sur les rivalités des concurrents à l’élection à la
présidentielle, il faudrait être idiot pour en douter. Et c’est dans cette
mission que le dindon Jouyet s’est affalé !Pris dans un de ses accès de
vantardise, il a glissé sans retenue sur la pente de sa mégalomaniaque
connerie. Il y laissera sans doute très vite son poste pour une autre sinécure
de moindre importance.
Mais sa connerie ne le tuera pas.
Les cons ne se font jamais Hara-Kiri !
Le Front National et de Gaulle.
Pour revenir à l’exclamation du
général, au Front National on peut pour le moment se réjouir de ce que dans le
marigot politicien, non sans raison désigné comme l’UMPS, non seulement il y a
abondance de cons mais leur disparition ne semble pas très programmée.
Mais ce n’est sans doute pas que
pour le « vaste programme » l’on s’y réfère de plus en plus au modèle
du général.
Au sujet de ce dernier, il y en a
pour tous les goûts. Ou presque. Les médias ont donné de l’audience à la
présence à Colombey les Deux Églises du vice-président Philippot, l’oracle du
parti pour commémorer l’anniversaire de sa mort avec une centaine de bons
jeunes gens. Étrange mort d’ailleurs dont seuls les rares intimes purent voir
la dépouille.
Selon la ficelle dialectique du
médiatiquement correct on a bien sûr opposé positivement ces jeunes gaullistes
philippotiens à « la vieille garde des nostalgiques de l’Algérie
Française ». Comme si l’on ne pouvait pas aussi légitimement parler des
nostalgiques du gaullisme !
Toujours est-il que Philippot se
campe fièrement dans une grandiloquence
gaulliste à la Malraux.
Marine, elle, n’est
qu’apparemment un peu gênée. Pour sa part, histoire de ne pas courroucer
l’électorat Algérie française de papa et de son compagnon perpignanais, Louis
Alliot, elle s’affirme « gaullienne », distinguo subtil recouvrant un
tri critique dans la référence gaulliste avec le refus d’admirer la politique
algérienne.
Enfin, pour les plus réticents
au modèle de l’illustre général, Bruno Gollnisch a émis quelques fortes
réserves.
Ainsi en matière de référence à
l’illustre général y en a-t-il au Front National à peu près pour tous les
goûts.
Mais c’est évidemment le propos
de Marine Le Pen qui fixe la ligne essentielle, celle d’une référence, d’une
continuité par rapport à la politique d’indépendance nationale censée avoir été
menée et réussie par le général de Gaulle.
Je ne réagirai aujourd’hui que
sur ce point. Je laisse de coté pour l’heure tout ce que je pense de positif du
de Gaulle de 1940 selon l’image de « l’épée et du bouclier » chère au
colonel Rémy, plus négativement du de Gaulle de 1945 et de l’abomination de
1962.
Car s’il est incontestable
qu’il ne fallait pas abandonner l’Algérie dans des conditions de repli aussi
déshonorantes, il va de soi que son indépendance ou son autonomie aurait pu
être déterminées de telle sorte que ne soient ni sacrifiées les populations
dans d’immenses crimes contre l’humanité, ni sacrifié ce qui assurait à la
France, notamment et d’abord par rapport aux États Unis, son indépendance
stratégique et énergétique.
Ce que, même Eric Zemmour, pourtant
très admirateur de de Gaulle a enfin reconnu, écrivant dans « Le suicide
français » : « De Gaulle choisit donc le progrès
économique et social contre la grandeur impériale et la profondeur
géostratégique ».
La vérité c’est que de Gaulle
ne fut nullement visionnaire dans sa volonté hargneuse et cynique d’abandon précipité de l’Algérie que rien
n’imposait et dont il n’aimait pas les populations et même, sans doute, les
détestait-il profondément.
La vérité c’est qu’il a alors
rapetissé la France, amputée de son espace géopolitique saharien et de ses
capacités de contrôles migratoires.
Voilà pourquoi la référence
nostalgique et même idolâtrique d’un Philippot et de ses partisans à de Gaulle,
et la concession sans doute essentiellement électoraliste que leur fait Marine
Le Pen ne sont pas à mettre à l’actif de l’actuelle réflexion politique du
Front National.