lundi 25 août 2014

Aymeric Chauprade, Israël et l’islamisme sunnite : points d’accord, réflexions et réserves.

Aymeric Chauprade, député français au Parlement Européen du Front National, vient de publier un texte intéressant sur ce que devrait être, selon lui, la politique étrangère de la France. 

Sur certains points, il rencontre notre approbation ; sur d’autres, nos réserves. 


Chauprade a raison d’écrire : 

« À moins donc qu’il ne soit gouverné par un antisémitisme obsessionnel, un patriote français ne peut chercher à former contre Israël, et avec l’extrême gauche pro-palestinienne, la racaille des banlieue et les islamistes, une alliance à la fois contre-nature et sans issue politique ». 

Depuis longtemps, nous n’avons cessé d’affirmer cette position motivant en profondeur nos observations et réflexions sur le monde juif, le judaïsme et Israël par la publication en 2007 de notre « Histoire des Juifs d’Abraham à nos jours » et en 2011 de « Ce que j’ai vu en Terre Sainte ». 

Dès les années 1980, simultanément à nos combats contre les idéologues immigrationnistes du soi-disant « anti-racisme » et notamment les intellocrates juifs d’extrême-gauche, nous avons, autant que nécessaire, et nous attirant bien des injures et calomnies, exprimé notre affliction et totale opposition devant les écrits et agissements de toute une nébuleuse obsessionnellement antisémite.

Celle-ci ne se ramène d’ailleurs pas à certaines mouvances d’extrême-droite et d’extrême-gauche traditionnelles puisque ces dernières sont de plus en plus liées à de puissantes mouvances islamiques plus ou moins radicales. Au-delà même du phénomène social immémorial et universel du « bouc émissaire » analysé par le philosophe René Girard, le phénomène dénoncé aujourd’hui par Chauprade aussi procède d’une sorte de fascination idolâtrique inversée pour le peuple juif. 

Le peuple juif dans sa grande diversité y est comme coagulé, collectivement individualisé dans l’abstraction appelée : « le juif ». Et voilà cette entité devenue en effet comme le bouc qui, selon la Bible, était chargé de tous les péchés d’Israël et que le « grand-prêtre » devait sacrifier le jour de « l’Expiation ». Ce bouc émissaire était un animal bien commode pour les juifs puisqu’il les débarrassait de leurs péchés. Mais mieux encore pour les antisémites obsessionnels, le « juif » est à l’origine de tous les péchés, de tous les maux de l’humanité. Causalité cachée, sinon évidente, de tous les conflits, de tous les complots. Et même du naufrage du Titanic dû au juif Iceberg ! 

L’antisémitisme obsessionnel relève non seulement de l’irrationnel voire du magique mais il est bien sûr totalement anti-chrétien, le Christ, en quelque sorte dernier « bouc émissaire » d’Israël s’étant offert en sacrifice pour les péchés de tous les hommes. 

Déjà, en son temps, Saint Bernard, qui est un des grands docteurs de l’Église, avait dû, avec la dernière énergie, combattre puis se résoudre à faire éliminer le moine Rodolphe, antijuif halluciné, instigateur de pogroms sur les arrières de la deuxième Croisade. 

Cette observation historico-psychologique de l’antisémitisme « obsessionnel », d’ailleurs développé depuis les Lumières et le temps des idéologies, comme l’a fort bien montré l’historien Arthur Hertzberg (président du congrès juif américain) n’implique évidemment pas une sorte de sacralisation à rebours du peuple juif, un a priori de complaisance systématique. En particulier pour la politique de l’État d’Israël. Le peuple juif est en effet, depuis des millénaires, non seulement très diversifié mais religieusement et idéologiquement divisé. Et plus encore dans le monde moderne où dans les dérives athées de son millénarisme religieux se sont développées chez beaucoup des siens les grandes monstruosités du marxisme-léninisme, staliniennes, trotskystes ou maoistes. Comme les ont remarquablement décrites et analysées à notre époque nombre d’historiens et de penseurs juifs, citons au moins ici Annie Kriegel, Yuri Slezkine et Simon Sebag Montetfiore. Et saluons encore une fois ici leurs appels à la repentance du peuple juif pour les immenses crimes du bolchévisme dont tant de juifs ont été les acteurs…

Se séparant de ce grand phénomène révolutionnaire juif, et rapidement très opposé, a surgi à la charnière des XIX° et XX° siècles le nationalisme juif, le sionisme dont le personnage le plus emblématique a été le charismatique Théodor Herzl. 

Dans les années 1920, 1930, au sein du sionisme ont surgi des courants et des groupes très mimétiques du fascisme dans les idées et les formes d’action violente : avec des théoriciens et des activistes tels que Zeev Jabotinski, Shaoul Akimeïr, le futur premier ministre Menahem Begin et autres chefs du Betar, de l’Irgoun et du Stern, organisations de lutte armée et même terroriste pour la création de l‘État d’Israël. 

Aujourd’hui, à côté du sionisme initialement majoritairement ashkénaze et laïque, s’est développé un sionisme religieux, plutôt Sépharade, hélas avec des groupes extrémistes racistes et violents à la fois anti-arabes et anti-chrétiens, ce qui n’est pas du tout partagé par la majorité des patriotes Israéliens. Mais nous attendons bien sûr du gouvernement israélien plus de vigueur dans la poursuite des délits racistes et anti-chrétiens et pour la protection des droits et libertés des chrétiens. 

Nous comptons pour cela sur l’influence efficace de nos amis juifs et israéliens qui comprennent que nous soyons aussi sensibles au sort des chrétiens en Israël que le sont les Israéliens au sort des juifs en France, qui hélas peuvent en effet être massacrés par des assassins islamistes tel Mohamed Merah si admiré par toute une fraction de population non négligeable.

Cela rappelé, une politique étrangère de la France dans l’amitié avec Israël, telle que justement prônée par Chauprade, ne peut se satisfaire du conflit sans fin entre les Israéliens et les Palestiniens, sans claire solution de paix visible, appuyée par des actes. Cette solution n’est pas compatible avec une continuelle décrédibilisation des dirigeants Palestiniens les plus modérés auxquels on ne laisse administrer que de dérisoires confettis de territoires sans cesse plus réduits. 

La voie de la paix ne passe certes pas par le soutien des amis d’Israël et de la France en particulier aux islamistes terroristes du Hamas, branche palestinienne des Frères musulmans. Mais elle ne passe pas non plus par une politique d’enfermement de la population de Gaza par lequel on fabrique sans cesse en masse les désespérés renouvelant autant que de besoin les rangs de ce Hamas.

Aymeric Chauprade n’a pas tout à fait tort de désigner comme « ennemi prioritaire » de la France ce qu’il appelle « le fondamentalisme islamique sunnite ». La collection entière de Reconquête et de Chrétienté-Solidarité depuis 1982 et nos ouvrages sur l’islam prouvent amplement que nous n’avons pas cessé, sans aucune haine pour les musulmans, de dénoncer la menace sans cesse grandissante de l’idéologie de la théocratie totalitaire islamique, réveillée après un certain assoupissement sous les colonisations européennes. 

Mais, nous pensons que si, conjoncturellement, l’ennemi islamiste prioritaire est en effet ce fondamentalisme sunnite, il convient de ne pas perdre de vue que l’islamisme chiite est de même nature. 

Ainsi, selon une stricte application de la charia, on condamne de même, à Téhéran et à Khartoum, au supplice du fouet puis à la pendaison les personnes ayant abandonné l’islam pour la foi dans le Christ. Notre ami le pasteur Saïd Oujibou tient à disposition d’Aymeric Chauprade les identités et les photos des suppliciés en Iran. 

Enfin, il ne faudrait pas négliger que le monde islamique, tant chiite que sunnite, arabe, perse ou kurde, druze ou alaouite, est capable d’étonnants retournements de stratégies et d’alliances. Qui pourrait affirmer que l’on ne verra pas demain, à nouveau ligués contre Israël et plus globalement contre l’Occident, le Hezbollah chiite et le Hamas sunnite ?

Résister aux appétits américains sur la France et l’Europe en général et vouloir, selon notre slogan ancien « Sortir de cette Europe-là », c’est une chose. Elle n’implique pas qu’il faille rejoindre l’axe stratégique russe avec la Chine communiste et l’Iran islamiste. Nous préférons certes esthétiquement la politique de Poutine et sa défense de certaines valeurs identitaires ou universelles à bien des aspects des politiques de culture de mort américaines et eurocratiques. Mais le peuple français a déjà payé cher il y a un siècle ses illusions russophiles. Les erreurs et aberrations des États-Unis et de l’Union Européenne vis-à-vis de la Russie sont certes affligeantes. Mais il demeure encore trop d’idées et de pratiques soviétiques chez Poutine pour que l’on ne soit pas très circonspect sur une stratégie d’option préférentielle pour la Russie qu’Aymeric Chauprade, on le sait, souhaiterait.. 

Dernier point enfin : il va de soi pour nous que, si la menace prioritaire à combattre, à l’extérieur comme à l’intérieur, est bien celle de l’islam totalitaire et jihadiste, il y a simultanément, selon une égale nécessité, un autre ennemi à combattre : le nihilisme de la culture de mort (IVG-LGBT-euthanasie-désintégration de la famille) dans nos institutions et nos lois. Créant le vide social sur lequel s’engouffre et s’établit l’islamisme.

On doit mesurer ici qu’à l’opposé de la véritable laïcité, qui est recherche d’équilibre des domaines de la religion et de la politique pour répondre à toutes les aspirations humaines, le laïcisme accomplit la désintégration du lien social naturel que renforce une commune référence religieuse. 

Mais justement, ou bien celle-ci est la religion de l’Évangile dans laquelle Dieu prescrit de rendre à César ce qui appartient à César, ou bien elle est celle de l’imbroglio totalitaire de l’islam où il n’est ni séparation des domaines ni liberté des personnes. Mais un « ordre » politico-social-moral et religieux où chacun prend part à la surveillance de tous. 

Ne pas voir que l’islam là où il règne avec sa charia est un grand modèle totalitaire, c’est un déni de réalité. Il est heureux qu’au Front National le temps des illusions semble sur ce point s’estomper grâce à des hommes comme Chauprade. Il serait temps aussi que n’y domine plus la vieille conception révolutionnaire et étatique et laïciste de la laïcité. Prendre le pouvoir politique, c’est en effet un bel objectif mais l’important c’est la réanimation de la société, par la réhabilitation et la protection de la famille qui souffre par trop des décompositions et recompositions. La réflexion, l’expérience et le regard sur la réalité prouvent que face à l’islamisme, ce laïcisme, cause de l’atomisation sociale, ne fait pas le poids. 

C’est toute la société qu’il faut reconstruire, pierre à pierre, le ciment chrétien y est indispensable.