Alexandre
Vialatte.
Il y eut Alexandre le Grand. Mais à notre époque, nous
avons eu un très grand Alexandre. Auvergnat celui-là. Un de nos écrivains du
dernier demi-siècle parmi les plus roboratifs, désopilants, délicieusement surréaliste.
Sous
son humour et ses vaticinations délicieuses, Alexandre Vialatte qui concluait
souvent ses chroniques dans La Montagne par « … Et c’est ainsi qu’Allah
est grand », était un observateur délicieux, avisé, profond, de la nature
humaine et de l’univers.
Ayant
vécu en Allemagne, il était un germaniste de haute volée à qui l’on doit les
traductions essentielles de Kafka. Il détesta le nazisme et tout autant le
communisme. Au meilleur sens du mot, il était un homme de droite. Il admirait
et citait l’autre grand écrivain auvergnat de l’époque, son cher Henri Pourrat.
Au
gré de ses livres, (la plupart édités chez Julliard ou chez Gallimard), on
découvre combien il appréciait le non moins grand Jacques Perret et, esprit
libre, ne se privait ni de tenir Bernard Faÿ pour un magnifique historien ni de
citer Alexis Carrel, ce scientifique positiviste et rationaliste qui
« finira pourtant par conclure au bon Dieu ».
Il
est rare que je passe plus d’une quinzaine sans ouvrir quelque livre de
Vialatte. Surtout si je suis un peu fatigué. Car je ne puis m’endormir sans
lire un peu. Vialatte, pour cela, c’est parfait : on peut se contenter de
lire en effet simplement une ou deux chroniques. Elles ne tiennent généralement
pas plus de cinq pages. Et il n’y en a aucune dans laquelle nous ne puissions
nous arrêter sur quelque superbe considération, quelquefois amusante,
quelquefois profonde et grave, sans en avoir l’air.
Sous
des formes littéraires très différentes, on ne peut que ressentir l’évidente
proximité aussi dans l’inspiration de haut vol et un humour délicatement
désopilant avec un Chesterton.
Hier
au soir, je suis resté un peu sur les lignes qu’on lira ci-après. Les premières
sur les dérives de l‘Église à son époque, (après 1960), sont tirées du chapitre
« Accession du Bon Dieu à la célébrité » dans le livre « Antiquité
du grand chosier » :
« …
Il y a très certainement des Églises de Judas, on est même venu aux crimes
lucifériens. Que deviennent les hosties qu’on emporte ? Qu’un enfant
oublie dans sa poche ? Pourquoi faire communier sur un air de chevaux de
bois, dire le Pater en charabia, ou trouver plus urgent de livrer du pétrole
que d’extrême-oncier une vieille dame ? » On aura vu toutes les
extravagances, du ridicule au diabolique : « Tout changeant,
l’Église doit changer », dit une opinion répandue. Elle est valable
pour la mode. Mais le propre du catholicisme, dans son noyau, est d’être un
roc.
Je
sais bien qu’à « Europlastic » on présente des « églises
gonflables » en cinq minutes par une machine à méditation. Mais le propre
d’un roc est de rester immobile au milieu des flots qui s’agitent. Un roc n’est
pas en caoutchouc. »
Et
ceci dans « Paris insolite » (on est à l’époque du largage de
l’Algérie et des légionnaires fusillés) :
« …
Le vent de l’insouciance et du week-end sur un Paris plein d’élégantes, de
sergents de ville, de cinémas, de gens heureux, de voitures pie, de cars de
police et de commissariats FLN. Il balaie au passage les médailles militaires
que les légionnaires ont jetées avant d’aller au Trou d’Enfer ; et les
robes que leurs avocats ont dû enlever au seuil de certains tribunaux. »
Enfin, dans « Leptocéphales et veaux
bretons », ces premières lignes : « Tout bien pesé, il
vaut mieux tuer l’homme. De toute façon, l’homme est à refaire. Il serait donc
bon de commencer par le tuer ».
En
trois lignes, toute la continuité de l’utopie révolutionnaire et de sa
constante génocidaire. Offrons-les à Vincent Peillon.
On
ne s’étonnera donc pas que l’auvergnat Vialatte, pas plus qu’Henri Pourrat
n’ait été pressenti pour siéger à l’Académie Française. Comme auvergnat,
on y a élu le pitoyable scribouillard de « Démocratie Française »,
galimatia politique bourré de répétitions et d’indigents lieux communs, Valéry
Giscard d’Estaing.