Tout mon pays tarnais si marqué par l’empreinte extraordinaire de Pierre Fabre est dans le deuil. Et bien au-delà : non seulement les personnnels de tous les établissements de l’Entreprise mais aussi des multiples filiales de par le monde.
Le
pleurent aussi nombre de ces « enfants du Mékong » dont il a tant
aidé la belle association qui porte ce nom, fondée et longtemps dirigée par
« Tonton Péchard », ce légionnaire passé par les camps viets et qui
consacra héroïquement et saintement sa vie aux enfants orphelins ou sinistrés
de la tragédie indochinoise. Pierre Fabre n’était pas en effet qu’un immense
chef d’entreprise mais un grand Français, patriote de cœur et d’âme,
harmonisant dans toute son œuvre l’amour de l’enracinement dans sa terre et le
sens de l’universel.
Me
reviennent les merveilleux moments sur ces questions, chez lui ou chez son
frère Jean, avec Gustave Thibon. Il se faisait une joie de le faire ramener
avec son hélicoptère, chez lui, à Saint-Marcel-d’Ardèche, en compagnie
d’Elisabeth mon épouse.
Avec
Dom Gérard, que je connus quelques années avant de le connaître et qui est
monté au Ciel il y a déjà plus de cinq ans, Pierre Fabre est le deuxième homme
à avoir marqué autant ma vie. Dire que je lui dois beaucoup serait peu dire. De
lui j’ai appris beaucoup, professionnellement presque tout, mais aussi beaucoup
de ce que j’ai pu comprendre sur la conduite des hommes.
De
1968 à ce jour, son attentive amitié pour ma famille et moi, fut constante.
Même lorsqu’il se désola, sans m’en vouloir un instant, de me voir quitter
l’entreprise pour mes chemins militants. D’ailleurs, pour les œuvres de
Chrétienté-Solidarité jamais je ne fis en vain appel à lui. Il partageait tant
cet idéal de solidarité chrétienne ! Je pouvais ainsi toujours de
Beyrouth, de Tegucigalpa ou Slavonski-brod lui demander de l’aide pour les
enfants dans les malheurs de la guerre.
Auparavant,
pendant presque quinze ans, j’avais eu la grande chance de travailler selon les
postes qu’il me confia. Ce n’était pas toujours facile tant il était un
travailleur acharné et tant il voulait en tout, avec raison, la perfection.
C’était
là l’exigence première de son métier, de son idéal de pharmacien et de l’homme
de science au service de la santé et de la beauté. Cette volonté de perfection
s’exprimait aussi dans sa passion à donner à ses collaborateurs les plus beaux
cadres de travail qui soient, dans l’harmonie de l’architecture, de
l’agencement intérieur, de l’intégration aux paysages, de la splendeur des
espaces verts.
Passionné
d’histoire, infatigable lecteur aussi, ayant fait son miel de bien des
personnages qu’il admirait, Pierre Fabre n’était certes pas un idéologue, un
théoricien abstrait sur les questions économiques et sociales. Mais aux
commentateurs ignorants et aux politiciens médiocres confondant le social et le
socialisme, la gauche et la justice, il
est aisé de répliquer, pour la vérité de l’homme, de son œuvre et de ses
convictions, qu’il a été certainement un des plus grands réalisateurs des
principes de ce que l’on appelle la doctrine sociale de l’Église.
Il
évoquait souvent d’ailleurs, comme son frère Jean, ce qu’ils devaient de
culture politique dès leur jeunesse à l’abbé Chauvon de Castres, prêtre de
grande foi et de grand rayonnement, de forte conviction contre-révolutionnaire
qu’il évoqua souvent au long de sa vie. Je me souviens encore de la
passionnante rencontre que je leur organisai avec Louis Salleron, cet homme
trop oublié aujourd’hui, qui était un grand penseur catholique et notamment un grand
économiste, qui avait tant œuvré pour maintenir l’agriculture française pendant
la seconde guerre.
Avec
mon ami Henri Yrissou, député-maire de Gaillac, si cher aux trois frères Fabre,
(Roger, Jean et Pierre), Louis Salleron avait été un des conseillers les plus
proches d’Antoine Pinay, cet homme politique qui fut à bien des égards, en son
temps, un grand chef de gouvernement qu’ils admiraient.
Louis
Salleron, avec ses articles dans Itinéraires et son livre « Diffuser la
propriété », était une de ces intelligences claires qu’appréciait Pierre
Fabre. Sans doute médita-t-il les idées sur la diffusion de la propriété. Mais
surtout, comme nul autre, il a su les mettre en œuvre dans la magnifique
réalisation, scientifique, commerciale, industrielle, sociale de son
entreprise.
Autre
principe : des unités à taille humaine n’excédant jamais quelques
centaines de personnes. Pierre Fabre n’était pas de ceux qui empilent les
hommes pour des raisons de rationalité économique immédiate. Il savait combien
le respect de l’écologie humaine était une des clés de la réussite des
entreprises.
Je
voudrais reparler plus longuement de tout cela dans mon émission du 4 septembre
sur Radio-Courtoisie. Je ne puis en effet assurer ce mercredi
« l’enregistrement » obligatoire de celle du 7 août en raison des
travaux prévus au cours du mois. Je serai à Castres, aux obsèques. J’y
retrouverai tant et tant de visages amis, ceux des
« conditionneuses », des préparateurs et des dépanneurs-régleurs de
l’usine de Sonal où j’ai passé de
belles années comme chef du service du personnel, ceux des délégués syndicaux
avec lesquels je connus toujours une estime réciproque, ceux aussi de tous les
autres secteurs de l’entreprise sur lesquels j’exerçais mes missions
d’animation des relations humaines.
Je
retrouverai aussi les « grands » du Rugby du Castres Olympique et
notamment Gérard Cholley, le légendaire pilier du Quinze de France, cadre dans
l’entreprise. Le rugby était la grande passion sportive de Pierre Fabre.
J’évoquerai également cela sur Radio-Courtoisie.
Je
voudrais dire enfin qu’une des premières messes de l’université du Centre
Charlier, la semaine prochaine, à Lourdes, sera dite à son intention.
Parmi
ceux qui ont pu, comme Elisabeth et moi, le voir une dernière fois sur son lit
de mort, dans sa chambre de la maison de Lavaur, quelques-uns ont pu constater
combien il aimait s’entourer de représentations, peintures et statues de la
Vierge Marie et d’abord de celles de la Grotte de Lourdes.
Car,
au service de la science et des progrès de la médecine et du bien commun
social, Pierre Fabre était habité par la charité et porté par l’espérance.
PS :
L’émission du 7 août sera dirigée par Jeanne Smits, avec tout le talent qu’on
lui connaît.