mercredi 19 juin 2013

Un des buts de notre université d’été à Lourdes.


Notre université d’été à Lourdes sur les hauteurs des sanctuaires aujourd’hui inondés aura pour finalité d’essayer de comprendre ensemble les grandes pulsions qui agitent notre monde. Et de dire ce que nous croyons pouvoir faire en tant que Français et chrétiens devant sa réalité.

Esquissons ici ce que sera le fil de nos échanges.

D’abord nous partirons de l’observation du phénomène des grandes manifestations nationales de foules protestataires qui, de l’Ukraine au Brésil, en passant par les illusoires printemps « arabes », et le non moins illusoire printemps turc, les mouvements d’indignés et la Manif pour tous, a nourri l’actualité de ces cinq dernières années.

Les politologues (toujours distingués !) s’interrogent sur les similitudes, les différences de ces pulsions, s’avisant avec une incroyable lenteur de jugement qu’elles ne débouchent guère sur de grands changements.

Ce qu’ils ne voient pas non plus, ou qu’ils ne veulent pas voir, et encore moins avouer, c’est la réalité des deux grands mouvements affectant la vie du monde. En quoi, nous, nous sommes peut-être meilleurs qu’eux dans l’analyse, non pas par mérite personnel, mais par notre constante volonté de ne pas partir des idées, ou pire encore, des idéologies pour interpréter le monde, de nous attacher d’abord à considérer autant que nous le pouvons la réalité des choses. Ce qui n’exclut nullement, ensuite, mais ensuite seulement, de juger à l’aune de la foi et des valeurs morales auxquelles nous adhérons. 

Ma première considération est que toujours et partout, à différents intervalles, se produisent de plus ou moins amples mouvements d’expression d’insatisfaction de fractions des peuples devant des lois révoltantes, des injustices ou les scléroses des ordres établis.

Il peut ensuite se faire ou non que ces mouvements soient interprétés, canalisés, ou détournés par des mouvements idéologiques plus ou moins structurés. C’est, somme toute, l’histoire des aboutissements des révoltes et de leur transformation en révolutions.

Aujourd’hui, les différentes révoltes, bleues, orange ou roses ne semblent déboucher sur rien. À mon avis, d’abord pour la raison principale et très heureuse qu’elles ne sont pour le moment ni rouges ni noires. En effet, malgré l’amnésie médiatique soigneusement entretenue de l’immense abomination communiste, les peuples en conservent plus ou moins le souvenir et la répulsion.

Les drapeaux rouges et l’internationale ne font plus mouvoir les masses. Ils ne sont plus brandis ou hurlés que par les vieux rhinocéros mélenchoniens, les archaïques apparatchiks syndicalistes ou les jeunes fanatiques nostalgiques d’un antifascisme d’un autre temps. Ni Marx, ni Lénine, ni Mao, ni Hô ne sont désormais les mythes des sursauts populaires. On ne les invoque plus, ces vieilles idoles dégoulinantes de sang, que dans les pays où elles sont les momies siliconées ou idéologiques d’un totalitarisme qui ne fait tout de même plus rêver.

Mais, face à l’échec du mondialisme qui n’est qu’un nouveau désordre mondial, il est inéluctable que se produisent des révoltes. Alors des masses bougent mais désorientées, sans références idéologiques ou religieuses claires.

Elles bougent sans avoir lu le Manifeste du Parti Communiste de Marx, sans brandir le petit livre rouge de Mao, elles ne brandissent que leurs « smartphones », Facebook et Twitter, pour des communications à l’infini mais vides d’idéologie ou, au mieux, bien courtes d’idées.

Pourtant, je crois, au risque d’une analyse plus poussée, que des forces essentielles à la fois anciennes et nouvelles pèsent sur la vie du monde actuel et vont le modeler.

D’une part, c’est l’avancée globale de l’islam, par-delà sa féroce et bien réelle déchirure, remontant à Ali le quatrième calife, entre la majorité sunnite et la minorité chiite.

De l’autre, et en grande partie face à l’islam mais encore face au mondialisme, c’est le réveil nationaliste, agissant aussi sous le couvert (ou le couvercle) du communisme.

Face à cela, sans être désespéré, car non sans espérance, je ne puis que constater l’inertie globale, la sclérose, aujourd’hui du moins dans l’ordre politique et social, (pas dans celui de la charité), du christianisme en général et du catholicisme en particulier.

Ainsi est-il, hélas, indéniable que les grands rassemblements de foules contre le pseudo-mariage pour tous n’ont pas de soubassement directionnel, qu’ils ne débouchent pas sur la nécessaire volonté politique (je ne dis pas partisane, je ne dis pas politicienne) de réanimation sociale que devrait impulser l’insurrection morale.

En cela, s’arrête la comparaison avec le mouvement de Solidarnosc qui fut de haute conscience politique. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement ? Car, à la différence de la Pologne solidariste et de la revendication victorieuse de ses messes sur les chantiers navals de Gdansk, tout a été fait pour interdire ne fusse que la moindre expression dans la Manif dite pour Tous de toute référence chrétienne qui aurait contrevenu à son affirmation de principe de sa laïcité. D’ailleurs vigoureusement surveillée par un service d’ordre de bons jeunes gens disciplinés ! Ces derniers feront sans nul doute de bons fonctionnaires et gendarmes, avec de bonnes œillères puisque capables d’interdire, un dimanche des Rameaux, d’arborer à la boutonnière la moindre branche de lauriers mais ne voyant aucun mal au brandissement d’immenses banderoles d’affirmation musulmane par des barbus islamiques et leurs femmes voilées.

Pour l’heure, de la Manif dite pour tous ne procède donc pas quelque modelage ou phénomène nouveau de la vie politique.

Une minorité minorissime de catholiques s’accrocheront à l’idée, à l’illusion, doctrinalement et religieusement très contestable selon nous, plus ou moins théocratique et cléricale, d’un parti catholique.

La grande majorité défendra à l'inverse le principe d’une politique de séparation laïciste du spirituel et du temporel obéissant ainsi à la volonté d’un épiscopat globalement tiède, peu enclin à indisposer les petits césars de l'ordre républicain. 

On est donc hélas bien loin de notre conception du solidarisme chrétien selon laquelle un mouvement politique doit pouvoir affirmer la nécessité du respect de l’âme et des valeurs chrétiennes de nos patries et de notre civilisation, dans le juste respect, mais non dans l’opposition, de ce qui est de César et de ce qui est de Dieu.


Le danger est alors que les nationalismes, certainement sans retomber dans de sinistres déviations révolutionnaires et totalitaires du type de celles du siècle dernier, se développent sur un mode jacobin, sans référence à la loi morale naturelle que devraient respecter les États et leurs lois. Pour l’heure hélas, dans notre pays, la France, s’il y a certes toujours nombre d’hommes de foi, d’intelligence et de courage, il n’y a ni dans la politique  ni dans l’Église une grande voix pour porter l’espérance d’une France et d’une Europe développant leur modernité dans le respect de leurs vivifiantes racines chrétiennes. 

Ce n'est pas une raison pour désespérer, c'est une raison pour réfléchir et agir.