mardi 4 juin 2013

Les mots ont du sens ? Supprimons les mots !

Le scandaleux mépris affiché par le président Hollande envers les manifestants « entrés en résistance », suivant leur propre expression, lui permet en outre de battre un autre record. Sur fond de nominalisme radical, ses déclarations constituent en effet, ni plus, ni moins, un arrêt de mort par dissolution progressive prononcé à l’encontre du langage commun. Hollande ne nous laissera donc rien, même pas les mots pour le dire !

"Les mots ont toujours un sens. Il faut leur donner leur signification", a commenté François Hollande, lundi 27 mai, en marge d'une cérémonie d'anniversaire du soixante-dixième anniversaire de la création du CNR (conseil national de la résistance), en référence aux mots utilisés par des manifestants opposés au mariage pour tous. "La Résistance, c'était par rapport au nazisme, à l'Occupation. La collaboration, c'étaient des Français qui étaient avec l'occupant. Et le fascisme, le nazisme, la dictature, c'est une époque qui heureusement est révolue", a expliqué le président. Il répondait aux questions des élèves du lycée Buffon de Paris.

Donc la deuxième guerre mondiale, qui s’est achevée il y a bientôt 70 ans, constituerait la seule et unique référence à invoquer légitimement en prononçant le mot de résistance ! Autrement dit, il faut comprendre que celui qui, après 1945, entre en résistance contre un système, un gouvernement, une idéologie, celui-là n’est en fait pas un résistant. Du moment qu’il ne résiste pas contre le régime d’Hitler, qui n’existe plus, il ne résiste donc pas du tout, et au mieux c’est un imposteur –d’ailleurs existe-t-il seulement ? Au reste, on tient peut-être là le fin mot de l’histoire pour ce qui concerne le comptage des manifestants opposés au projet de loi Taubira…

Bon, réfléchissons : plus de « débarquement », à cause de celui de 1944 (en Normandie, en Provence ?), plus de « maquis », pas même en Corse, plus de « dictature », chiche ? – ça, c’est vraiment chouette ! Plus de « fascisme », mais on garde l’antifascisme répressif, quand même ! Au fait, plus de « guerre » non plus, ou peut-être plus de « guerre mondiale » ? La liste des mots labellisables est longue, elle est potentiellement infinie, et s’exprimer en français, Hollande régnant, risque de devenir un vrai casse-tête…

Le tableau ne serait pas complet si la morgue et le mépris dont est coutumier le président le plus nul de la Ve République (au moins !) n’avaient pas été affichés, avec la bêtise la plus crasse, sur le ton pontifiant d’un médecin de Molière : "Nul n'a le droit d'utiliser ces mots pour défendre des idées – si on peut appeler cela des idées – d'aujourd'hui. Parce qu'il y a un sens, qu'il faut toujours rappeler, de ces mots-là".
En fait, les choses sont peut-être plus simples qu’il n’y paraît, en définitive : de même que le mot « race » a disparu de la constitution, parce que le racisme (lui reste !), ce n’est pas bien, il faut croire qu’on envisage en haut lieu de biffer le mot « résistance » en maints endroits, et d’ailleurs peut-être, quand les derniers résistants au nazisme auront terminé d’exister, de le retirer carrément du dictionnaire commun et d’en interdire l’usage au présent sous peine de poursuites judiciaires. Enfin, c’est une idée - si on peut appeler ça une idée.


François Girardin