Le scandaleux mépris
affiché par le président Hollande envers les manifestants « entrés
en résistance », suivant leur propre expression, lui permet en
outre de battre un autre record. Sur fond de nominalisme radical, ses
déclarations constituent en effet, ni plus, ni moins, un arrêt de
mort par dissolution progressive prononcé à l’encontre du langage
commun. Hollande ne nous laissera donc rien, même pas les mots pour
le dire !
"Les mots ont toujours un sens.
Il faut leur donner leur signification", a commenté
François Hollande, lundi 27 mai, en marge d'une cérémonie
d'anniversaire du soixante-dixième anniversaire de la création du
CNR (conseil national de la résistance), en référence aux mots
utilisés par des manifestants opposés au mariage pour tous. "La
Résistance, c'était par rapport au nazisme, à l'Occupation. La
collaboration, c'étaient des Français qui étaient avec l'occupant.
Et le fascisme, le nazisme, la dictature, c'est une époque qui
heureusement est révolue", a expliqué le président. Il
répondait aux questions des élèves du lycée Buffon de Paris.
Donc la deuxième guerre mondiale, qui
s’est achevée il y a bientôt 70 ans, constituerait la seule et
unique référence à invoquer légitimement en prononçant le mot de
résistance ! Autrement dit, il faut comprendre que celui qui,
après 1945, entre en résistance contre un système, un
gouvernement, une idéologie, celui-là n’est en fait pas un
résistant. Du moment qu’il ne résiste pas contre le régime
d’Hitler, qui n’existe plus, il ne résiste donc pas du tout, et
au mieux c’est un imposteur –d’ailleurs existe-t-il seulement ?
Au reste, on tient peut-être là le fin mot de l’histoire pour ce
qui concerne le comptage des manifestants opposés au projet de loi
Taubira…
Bon,
réfléchissons : plus de « débarquement », à
cause de celui de 1944 (en Normandie, en Provence ?), plus de
« maquis », pas même en Corse, plus de « dictature »,
chiche ? – ça, c’est vraiment chouette ! Plus de
« fascisme », mais on garde l’antifascisme répressif,
quand même ! Au fait, plus de « guerre » non plus,
ou peut-être plus de « guerre mondiale » ? La liste
des mots labellisables est longue, elle est potentiellement infinie,
et s’exprimer en français, Hollande régnant, risque de devenir un
vrai casse-tête…
Le tableau ne serait pas complet si la
morgue et le mépris dont est coutumier le président le plus nul de
la Ve République (au moins !) n’avaient pas été affichés, avec
la bêtise la plus crasse, sur le ton pontifiant d’un médecin de
Molière : "Nul n'a le droit d'utiliser ces mots pour
défendre des idées – si on peut appeler cela des idées –
d'aujourd'hui. Parce qu'il y a un sens, qu'il faut toujours rappeler,
de ces mots-là".
En fait, les choses sont peut-être
plus simples qu’il n’y paraît, en définitive : de même que le
mot « race » a disparu de la constitution, parce que le
racisme (lui reste !), ce n’est pas bien, il faut croire qu’on
envisage en haut lieu de biffer le mot « résistance » en
maints endroits, et d’ailleurs peut-être, quand les derniers
résistants au nazisme auront terminé d’exister, de le retirer
carrément du dictionnaire commun et d’en interdire l’usage au
présent sous peine de poursuites judiciaires. Enfin, c’est une
idée - si on peut appeler ça une idée.
François Girardin