lundi 23 mai 2011

Une impudence de rejetons d’Attila et de Gengis Khan.

À travers l’affaire américaine de Strauss-Kahn, le peuple français découvre tout un univers.
En effet, comme il en est quelquefois dans l’histoire, mais pas si souvent, voici qu’à l’occasion d’un odieux faits divers se révèle dans l’illumination d’un éclair un paysage jusque là dans l’obscurité, un arrière-plan de la scène politique, de ses personnages, de leurs mœurs, de leur complicité.
L’affaire DSK est vraiment shakespearienne. Quel qu’en soit le dénouement, on peut penser que l’immense dramaturge en aurait tiré une superbe pièce.
Balzac aussi, à n’en pas douter, s’en serait génialement emparé pour sa Comédie Humaine. L’univers strausskahnien ne ressemble-t-il pas à celui de La maison Nucingen ? En dehors de sa majorité « bobo », ce qui reste de bon peuple au parti socialiste, pas toujours idiot mais abusé, ne va-t-il pas finir grâce à cet éclairage d’un instant par comprendre ? Par s’apercevoir qu’il ne milite et même qu’il ne cotise (quelquefois encore) le plus souvent que pour des milliardaires ne faisant pas de leur fortune un instrument de justice et de générosité sociale mais celui de leur passion du pouvoir et de l’assouvissement de tous leurs instincts de domination ?
Il n’y a pas si longtemps, l’homme appelé DSK évoquait la grande diversité de ses origines, mettant notamment en avant sa filiation hongroise et khazar, celle de ce peuple turco-tartare judaïsé au huitième siècle et dont, dans un curieux système de double monarchie, l’un des deux rois portait le titre de khagan.
Avec son œil chafoin, sa mâchoire carnassière, ses manières d’une jet-set ouralo-altaïque, DSK a comme les mœurs des princes nomades des steppes, hautains et jouisseurs, possesseurs de multiples et belles yourtes, (les siennes sont parsemées de Paris à Washington, Marrakech et autres lieux) pour y jouir de leurs épouses ou en rompre la monotonie avec les concubines prises dans le butin de guerre.
Mais ne voilà-t-il pas qu’une misérable soubrette noire, et musulmane de surcroît, en une sorte d’odieuse réaction anti-esclavagiste et féministe, a commis l’incongruité de se plaindre à la justice de New York d’avoir été l’objet de quelque pulsion somme toute si naturelle de la part d’un seigneur des steppes.
Mais dans quel siècle vivons-nous ! Cette insupportable révolte d’une domestique a indigné le clan des princes tartares. On a ainsi vu un  autre Kahn, un grand progressiste et donneur de leçons d’humanisme se révéler tel qu’il est au fond de lui-même. Jean-François Kahn, avec ce mépris abject pour le peuple des aristocrates républicains, ceux des parties fines du duc d’Orléans et du marquis de Sade, n’a pas hésité à invoquer somme toute le droit de cuissage des seigneurs sur les soubrettes. Et le khagan DSK n’est-il pas vraiment un très, très grand seigneur ?
Dire que les pauvres camarades prolétaires pensaient que la gauche, c’était le camp de l’égalité et même de la fraternité de classe et de race, voire de religion ! Ces pauvres camarades des basses classes n’ont pas lu, il est vrai, les livres du gourou, du chamane du Nouvel Ordre Mondial des steppes conquises et des pays dominés. Le prophète socialiste si admiré de Mitterrand comme de Sarkozy, c’est en effet Jacques Attali, l’Attila idéologique décrivant et prônant un monde du déracinement, un monde du dieu Mercure, celui des voleurs, des caravaniers et des marchands, un monde du déracinement dominé par « l’hyper-classe nomade » ennemie de la sédentarité, hostile à cet enracinement cher à la grande philosophe et mystique Simone Weil.
Selon Jacques Attali, cette « hyper-classe nomade » transporte facilement de yourtes en yourtes chamarrées, de résidences en résidences, son or, ses bijoux, ses actions, ses tableaux, que les administrations fiscales, qui sont faites pour les ploucs, pour les « bêta-moins », ne peuvent soumettre à l’impôt.
« L’hyper-classe » semble donc vouloir faire bloc, au moins jusqu’au 6 juin, avec celui qui était l’un de ses plus grands manieurs de fonds, le moderne khagan DSK.
Pour le défendre, ce que l’on aura entendu mérite de passer à la postérité. On invoque le respect de la vie privée (sic !). On s’indigne de l’indignation du vulgaire.  Comme si trousser une soubrette, c’était un crime ! Ah quel beau républicain que Jean-François Kahn ! Et Jack Lang de surenchérir, en connaisseur, « y a tout de même pas mort d’homme » ! Et Bernard-Henri Lévy de monter aussi au créneau…
Au mépris, tout de même, de la très grave inculpation de DSK par la justice américaine, et sans attendre le jugement, le clan attilo-gengiskhanesque le présente, soit comme l’auteur d’une bénigne coquinerie, soit comme la victime d’un mirobolant complot, un complot vraiment champion de tous les complotismes, un complot islamo-américano-antisémite-féministe !
On a entendu encore le hautain Fabius, sorte de Mongol fier, tel que jadis dans son personnage de grand vizir, et encore, venu lui aussi des plaines danubiennes et des steppes, l’orgueilleux trotskyste qui croit toujours en sa destinée césariste (Mosco-veni, Mosco-vedi, Mosco-vici !).
Et voici que, sans la moindre vergogne, le principal avocat de celui que l’on appelle à New York « le French Khan-Khan » s’en est allé à Tel-Aviv pour clamer, via Haaretz, le quotidien local de la gauche bobo, l’innocence de son client.
Certes, comme j’ai pu le vérifier la semaine dernière, après un pèlerinage en Terre Sainte, Tel-Aviv n'est pas exactement une ville essentiellement adonnée aux exigences de la Torah, ni même au respect des Dix Commandements… Mais, néanmoins, elle est en Israël où, avec raison, l’on ne laisse pas, sans le punir, un chef de l’État qui a commis des actes semblables à ceux pour lesquels est inculpé DSK. Cet ancien chef de l’État a été condamné à huit ans de prison.
Aussi la défense de DSK préfère-t-elle invoquer une absolue non-culpabilité. Elle utilise la ficelle d’une victimisation selon laquelle DSK serait en quelque sorte un héros persécuté, un nouveau capitaine Dreyfus, en proie à un complot antisémite. Plus c’est gros, plus ça prend ! Du moins le croit-elle. Un de mes amis juifs m’exprimait son exaspération, son indignation à la fois devant la manifestation outrancière d’une solidarité ethnico-clanique et devant l’odieuse utilisation de la causalité antisémite. « C’est véritablement criminel, me disait-il, mais ils n’ont cure de susciter ainsi de l’antisémitisme. Car à qui feront-ils croire, dans leur stratégie de victimisation, que DSK serait tombé dans une embuscade diaboliquement montée ? »
 Un dernier coup peut-être de Ben Laden ?, lui répondis-je.