mardi 28 septembre 2010

« Des hommes et des dieux » : un film certes beau et poignant mais lourd d’influence pernicieuse.


On comprend que le film « Des hommes et des dieux » par ses beautés de mise en scène, sa charge émotionnelle, sa pénétration spirituelle et psychologique, la qualité d’interprétation de ses acteurs, ait suscité un accueil quasiment sans réserve et les récompenses que l’on sait, entraînant une affluence record dans les salles de projection .

A bien des égards, les catholiques doivent s’en féliciter : on a là une autre image du religieux que celle dévaluée par l’abomination de la pédophilie et son exploitation par les campagnes de désinformation pratiquant d’odieux amalgames.

Pourtant, n’est ce pas aussi et surtout le positionnement religieux faussement dit « œcuménique » du prieur Christian de Chergé qui aurait motivé une critique aussi enthousiaste ? Certes la sincérité et l’héroïcité de ce dernier et des moines qu’il a menés dans l’acceptation d’une possible sinon probable mise à mort ne soulèvent que le respect. Mais elles n’impliquent pas d’accepter sans réflexion une conception des rapports de la foi dans le Christ avec l’islam quelque peu en contradiction avec la doctrine catholique et notamment avec la pensée et les actes du père Charles de Foucauld. Ce dernier aimait les musulmans de tout son cœur et de toute son âme et il priait donc, témoignait et agissait pour les libérer de l’islam.

Cela dit, même si le film et notamment l’acteur Lambert Wilson ne semblent pas trahir sur le fond la pensée du père de Chergé, on peut s’interroger sur certains de ses gestes et propos significatifs. Et surtout sur la manière dont le spectateur va les recevoir et les comprendre.

Ainsi ses échanges avec le chef qui dirige l’intrusion des terroristes dans le monastère le soir de Noël peut être mis sur le compte d’une légitime prudence. Mais sur le fond, ils sont lourds d’ambiguïté religieuse et le spectateur peut les prendre les uns pour vérité d’évangile, les autres pour vérité coranique.

Ainsi, pour l’inciter à la clémence, Christian de Chergé rappelle-t-il à cet islamiste le verset 82 de la sourate V (« La table servie ») selon lequel il est dit : « on trouve parmi eux (les chrétiens) des prêtres et des moines qui ne s ‘enflent pas d’orgueil ». Et l’islamiste qui sait son coran poursuit la récitation.

Mais l’immense majorité des spectateurs croiront sans doute que c’est là l’expression de la tolérance de l’islam.

Bien peu auront ensuite la curiosité d’aller voir que plus loin, dans la sourate 9( v.30 à 34) sont écrites les paroles de condamnation véhémente des Juifs et de Chrétiens (« Que Dieu les anéantissent !») et aussi des docteurs et des moines « pris comme seigneurs au lieu de Dieu ».

La plupart ignoreront que sur ces textes du Coran se sont fondés les appels à l’élimination des moines par l’important doctrinaire Ibn Taymiyya (13ème siècle) grand inspirateur jusqu’à nos jours de tous les courants du wahhabisme saoudien et autres fondamentalismes aujourd’hui très majoritaires dans tout l’islam sunnite.

Nous avions ainsi révélé le 14 janvier 1998 que, sous le pseudonyme de Nasreddin Lebatelier, le très courtois professeur à l’université catholique de Louvain Jean Michot, en fait musulman convaincu, était l’auteur de l’étude titrée « Le statut des moines » justifiant très doctement le meurtre de ceux de Tibéhirine…

Au fanatique barbu, le prieur Christian de Chergé rappelle encore que cette nuit de Noël est celle de la naissance du « prince Isâ ». Prudence compréhensible bien sûr. Mais les spectateurs n’en concluront-ils pas que les musulmans croient eux aussi en Jésus, comme les chrétiens ?

Or ce n’est pas le cas. Isâ est en effet pour les musulmans le dernier prophète avant Mahomet, nullement Dieu, fils de Dieu que les chrétiens arabes appellent Yasû.

On peut bien sûr penser que si Christian de Chergé avait évoqué la naissance de Jésus, fils de Dieu, la mise à mort des moines eut été aussitôt accomplie tant le fait de croire en un Dieu en trois personnes est le seul péché qu’Allah ne pardonnera pas (sourate IX verset 30).

En revanche, un peu plus loin dans le film, devant le cadavre malmené de l’islamiste et en présence d’un officier algérien, il fait ostensiblement le signe de la croix. Ce qui n’est pas, semble-t-il, en cohérence avec son refus doctrinal de toute ostentation catholique vis à vis des musulmans. Là, le prieur Christian de Chergé fait courageusement monter la prière catholique pour un mort, fut-il musulman.

Mais, à la fin du film, son interprète Wilson nous lit les mots que l’on peut effectivement lire dans ses écrits sur « la caricature de l’islam qu’encourage un certain islamisme». Et c’est là que l’influence du film peut être très pernicieuse : que l’islam soit caricaturé, comme peut l’être de diverses manières le catholicisme, soit ! Mais lorsque l’on expose sa croyance de Dieu et sa condamnation absolue de la connaissance trinitaire qu’en ont les chrétiens, on ne le caricature pas.

Lorsque l’on expose qu’il est une totalité à la fois religieuse, politique, morale, sociale, hors de la distinction des ordres du spirituel et du temporel prononcés par le Christ, on ne le caricature pas.

Lorsque l’on expose que sa conception de la dignité de la femme n’est pas celle du christianisme on ne le caricature pas !

Lorsque l’on constate que partout dans les pays dits « d’islam » il vise la conformité avec le modèle du gouvernement totalitaire de Mahomet à Médine, on ne le caricature pas !

Lorsque l’on constate que selon une application stricte, mais non contraire à la charia, on fouette, on lapide, on coupe des mains, en Iran comme en Arabie, au Nigéria comme au Soudan, au Pakistan comme en Afghanistan, on ne le caricature pas.

Et hélas, même dans ce beau royaume du Maroc, sans l’aide duquel le film n’aurait pas été si bellement produit, quel est le sort réservé aux musulmans qui se convertissent au christianisme ? Les plus lourdes peines.

Ce n’est pas caricaturer que d’observer cette réalité. Il nous appartient donc de ne pas accepter que la vie et la mort des moines de Tibéhirine, certes courageusement risquée et assumée, serve à légitimer l’islamisation de nos sociétés dans lesquelles ne survivront des groupes de chrétiens que dans une étrange mission de derniers témoins ne répondant plus à l’appel évangélique :« Aller et enseigner ».