jeudi 16 juillet 2009

Dans l’Homme Nouveau du 4 juillet les deux pages intitulées : « Foucauld-Massignon : une histoire de Chevalerie » de Gérard Joulié

Il s’agit là d’un commentaire d’un livre de Jean-François Six Le grand rêve de Charles de Foucauld et Louis Massignon.
Dans ce commentaire, auquel on a accordé deux pages, je relève d’assez stupéfiantes assertions que, dès maintenant, je tiens à relever et à verser à la réflexion de ceux que le sujet intéresse. Et certes, on reviendra sur cela dans Reconquête.
- « Charles de Foucauld et Louis Massignon ont regardé l’islam et l’ont aimé. Ils sont allés vers lui, non pour le convertir mais pour en devenir les otages volontaires ».
Curieuse affirmation à l’appui de laquelle rien ne vient ! Ainsi Charles de Foucauld aurait aimé l’islam. On attend les preuves, les références, les citations.
- Louis Massignon : "disciple et émule en noblesse et en sainteté" de Charles de Foucauld.
C’est une opinion. On peut ne pas la partager.
- « La noblesse arabe, si chatouilleuse sur le point d’honneur, émerveillait encore les descendants des croisés... »
Intéressante assertion sans doute mais de quelle noblesse arabe s’agit-il ? Musulmane ou chrétienne ? Chiite ou sunnite ? Hashishin peut-être ? Syrienne, turque ou égyptienne ? Et quels sont donc ces descendants des croisés si émerveillés par les vainqueurs de leurs ancêtres ? On veut sur ce point aussi des noms et des références !
- « Si le Coran se montre ennemi de la contrainte et de l’ascèse, c’est qu’il sait que le vrai sacrifice est celui que l’on ne choisit pas mais que l’on reçoit de Dieu comme un don de sa miséricorde. L’aumône et le jeûne ne sont pas autre chose qu’une invitation adressée au croyant de venir comme un pauvre se nourrir dans la main d’Allah »
Ainsi, « le Coran sait ». Cette personnalisation de ce qui est pour le musulman pure parole de Dieu est curieuse.
Et ce Coran est ennemi de la contrainte et de l’ascèse ? Sur certains plans peut-être ! Mais qu’en pensent les femmes ? Et les dhimmis ? Et les incroyants ? Et ceux qui aiment le vin et le porc ?
« Si Charles de Foucauld et Louis Massignon ont choisi l’Islam, non pour le convertir, mais pour s’en faire les otages et faire réparation des péchés de l’Occident matérialiste, c’est qu’ils sentaient bien qu’il subsistait encore chez ces peuples et dans ces terres une noblesse et une vocation au martyre qui avait déserté les coeurs des hommes repus de l’Occident. »
Ainsi, chez « ces peuples » il demeurait une noblesse et une vocation au martyre. On veut des exemples. Pour ce qui est des martyres subis, nous, nous connaissons principalement ceux des chrétiens, maronites, arméniens, chaldéens, grecs...
Et pour ce qui est des coeurs « des hommes repus de l’Occident » mais quel est donc ce misérable cliché, au mépris de l’histoire de nos peuples, de nos missionnaires, de nos soldats, des militants et des résistants de toutes les causes.
Mais quelle orgueilleuse indécence dans cette affligeante affirmation ! On ose espérer au moins que son auteur est un grand saint ascétique au ventre vide !
« Massignon resta à la lisière du désert et de la sainteté, offert en oblation à l’islam comme il le dit lui-même... au contact du monothéisme calciné de l’islam ».
Mais, au juste, que signifient ces mots ?
« Autant le mystère de Foucauld est clair - c’est un homme qui monte au Ciel avec pour seul bagage intellectuel son catéchisme comme le saint Curé d’Ars, sainte Thérèse de Lisieux ou Paul Verlaine - autant celui de Massignon est complexe. Massignon n’est pas missionnaire, il est médiateur. Il est plus que médiateur, il est otage. »
Mais quelle est cette ineptie sur le seul bagage intellectuel du catéchisme possédé par ces personnages si dissemblables ?
Le catéchisme est certes le bagage intellectuel essentiel du saint. Mais ce n’était pas le seul bagage de Charles de Foucauld et encore moins celui de Verlaine ! (même si celui-ci partageait quelques aspects de sa personnalité avec Massignon...)
- Ce dernier « comme Raimbaud et Claudel voulait échapper au bagne matérialiste qu’était devenu l’Occident ».
Et nous y revoilà : « le bagne matérialiste de l’Occident » ! Vraiment ? Avec Lourdes et Fatima, avec ses saints, son Eglise, ses grands écrivains catholiques et tous ses peuples encore profondément imprégnés de la foi au Christ ? Quant à la fuite de Claudel ? Comme ambassadeur, et pour revenir tout de même à l’Académie Française !
Pour Massignon « Cette foi rendue était pour lui un don de cet Islam dont il se voulut désormais le débiteur insolvable, lui qui avait reçu l’hospitalité sacrée des Arabes. » Relevons encore ici la confusion « arabes » et « musulmans ».
Certes le sens de l’hospitalité sacrée est sans doute une caractéristique de l’ethnie arabe. Mais notre expérience du monde nous permet de dire qu’elle est partagée par bien d’autres peuples demeurés dans leurs formes de vie traditionnelles. Et cette hospitalité « arabe » n’a tout de même été que bien exceptionnelle pour les voisins chrétiens lorsque déferlait l’épouvante des immenses massacres recensés par Jean-Pierre Valogne dans Vie et mort des chrétiens d’Orient (Fayard). Mais alors, monsieur Massignon était plutôt aux frontières des colloques universitaires que sur le terrain.
Et pour en finir avec ces considérations sur cette hallucinante recension que dire de la fantasmagorie des mots sur « l’Orient du désert et de l’oralité, d’un Orient avant l’écriture, d’un Orient de la parole donnée et de la chevalerie. Cet Orient métaphysique que l’Occident chrétien avait connu au Moyen-Âge quand il avait bâti une civilisation chrétienne dont ensuite il s’était éloigné pour adorer les idoles de ce monde : argent, profit, biens matériels. Cet Orient que Charles de Foucauld avait cherché et trouvé au désert. »
Comme si l’Orient musulman n’était pas d’abord celui de l’écriture et même du Livre exclusif, le Coran ? Et oser écrire que Charles de Foucauld cherchait l’Orient n’est-il pas une griserie supplémentaire d’une étrange rhétorique ? Au désert, qui n’est ni d’Orient, ni d’Occident, Charles de Foucauld priait Celui qui est au-delà de tout Orient et de tout Occident, que les saints peuvent trouver aussi bien dans les îles d’Irlande que dans les immenses solitudes glacées du Grand Nord : Dieu.

Bernard Antony