mercredi 29 octobre 2008

Jean-Marie Le Pen m'écrit

En réaction à mon blog du 16 octobre 2008 sur les matchs de foot, Jean-Marie Le Pen m'a adressé par fax, le mardi 28 octobre dernier, la lettre suivante datée du 21 :


Monsieur,
Contrairement à vos insinuations malveillantes, ‘’certains’’ ont adressé, sur la dalle d’Argenteuil, des propos de compréhension non aux jeunes émeutiers des cités (5000 en 2005) ‘’pour leur révolte et leur délinquance’’, mais aux centaines de milliers de jeunes de ces banlieues qui sont les premières victimes, à la fois de la politique laxiste des gouvernements successifs, mais aussi de la violence et de la délinquance de minorités tolérées.
Je vous saurai gré de bien vouloir faire connaître mon point de vue aux lecteurs du ‘’Pays Libre’’.
Jean-Marie Le Pen

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La requête du président du Front National étant ainsi satisfaite, elle appelait la réponse que voici, en date du 29 octobre.

Mon cher Jean-Marie Le Pen,

Comme tu le vérifieras à la lecture de Reconquête et de mon blog, c’est bien volontiers que je publie le courrier que tu m’as envoyé. Il appelle de ma part, pour la meilleure information de nos lecteurs et amis les remarques que voici :

- Je ne pense pas du tout que mon propos ait relevé « d’insinuations malveillantes » et l’on peut en juger. Je te rappelle en effet ce que, selon tous les médias, tu avais déclaré le vendredi 6 avril 2007 à Argenteuil, dans le cadre de ta campagne pour les élections présidentielles. S’adressant aux personnes issues de l’immigration, tu les assurais qu’elles étaient « les branches de l’arbre France » et qu’elles étaient « des Français à part entière » et tu ajoutais : « Si certains veulent vous karchériser pour vous exclure, nous voulons, nous, vous aider à sortir de ces ghettos de banlieue où les politiciens français vous ont parqués pour vous traiter de racaille par la suite ». Je note ici que tu avais employé, comme moi à ton endroit, selon un procédé de style classique, l’adjectif indéfini « certains », pour désigner allusivement mais manifestement Nicolas Sarkozy. Mais, sous ma plume, l’emploi du mot « certains » était en réalité le fait d’une volonté de bienveillance car je pensais que tes mots t’avaient été quelque peu inspirés par tes mauvais conseillers du moment.

- Venons-en maintenant au fond puisque, somme toute, tu m’en imposes la nécessité.

● Le premier point, dans ta bouche, était déjà assez surprenant. En effet les personnes issues de l’immigration ne sont pas, en tout cas pas toutes, « les branches de l’arbre France » ! Si elles sont des branches, elles sont d’abord issues d’autres souches et d’autres troncs. Mais je sais que la greffe existe. Dans un ordre normal des choses, les immigrés que la France croit devoir ou pouvoir accueillir, peuvent bien sûr par leurs mérites, leur travail, leur effort d’intégration, voire l’engagement dans notre armée, être « naturalisés Français » selon l’expression républicaine traditionnelle. Le slogan du Front National, que tu utilisait autrefois fréquemment, résumait excellemment cela : « Être Français, cela s’hérite ou se mérite ». Et certes beaucoup d’immigrés, ou leurs enfants, ont mérité de devenir français. Voilà pourquoi, je te le dis au passage, il m’avait paru désolant que tu fasses plus tard une allusion péjorative à la part hongroise des origines de Nicolas Sarkozy. J’ai vraiment quelquefois du mal à comprendre les contradictions de tes propos !

● Sur le second point, il y avait sans doute bien d’autres reproches à faire à ce dernier qu’une interprétation de ses propos à l’évidence aussi déloyale que fâcheuse pour toi électoralement. Tu aurais pu, par exemple lui reprocher, comme moi, légitimement sa création, en tant que ministre de l’Intérieur, du Conseil Français du Culte Musulman, faute considérable s’il en fut. Mais la vérité, c’est que jamais il n’avait proféré vouloir "karchériser" tous les jeunes des banlieues ni ne les avait tous traités de racaille. Il n’était pas nécessaire d’essayer de renforcer sur ce point une désinformation à la Besancenot. Nicolas Sarkozy s’en était pris avec raison, et c’est ce que comprit le peuple, à la racaille des racketteurs, des voleurs et des violeurs, des incendiaires qui terrorisent les quartiers. Mais hélas, ton propos, pour le moins, très ambigu fut en tout cas mal pris par une grande proportion de ceux qui te suivaient jadis. L’imputation faite ensuite, d’avoir « parqué dans des ghettos de banlieue » n’était pas plus acceptable. Il me souvient le temps où dans de grands discours tu martelais que les populations du tiers-monde aspiraient à trouver chez nous, dans nos cités les plus pauvres, des conditions de vie, de travail et d’assistance « cent fois supérieure à celles de leur pays d’origine ». Et tu répétais souvent à ce sujet les paroles du dictateur algérien Houari Boumediene, prophétisant et légitimant en termes très violents le déferlement des populations du sud sur les pays du nord. Que la responsabilité des politiciens dans l’ouverture des vannes de l’immigration tels que Giscard d’Estaing avec sa loi sur le regroupement familial, ait été accablante, et même criminelle par ses conséquences, c’est un fait. Mais point n’est besoin d’ajouter que l’on a « parqué dans des ghettos » ces populations. Cela est faux. Et tu rappelais justement aussi jadis, dans tes discours que c’étaient en effet certains occupants qui rendent irrespirable la vie dans trop de cités et quartiers. Car, dans ces soi-disant « ghettos » où l’on n’a parqué personne, c’est tout un peuple de braves gens, de France et d’ailleurs, qui n’y trouvent même pas la sécurité des authentiques ghettos des siècles écoulés où s’organisait le communautarisme juif dans un certain enfermement sans doute regrettable. Or, « la racaille » justement désignée à l’époque par le candidat Sarkozy, celle des bandes qui font trop souvent trembler de peur, le soir, dans les métros, les places et les rues, les voyageurs attardés, non vraiment, elle n’est pas soumise à une vie de ghetto ! Bien sûr tu diras que tu n’as pas voulu confondre ces 5 000 racailles avec le gros de la population des cités. Mais le fait est qu’en reprochant à Sarkozy d’avoir utilisé le terme qui convenait, tu avais cru, bien à tort, que l’ensemble de cette population s’était sentie visée, ce qui n’était pas du tout le cas. Les mauvais procédés d’amalgame retombent ainsi souvent sur ceux qui les utilisent. Aujourd’hui, ce que l’on peut en revanche légitimement reprocher à Nicolas Sarkozy, c’est de n’avoir pas tenu ses promesses, de n’avoir pas terrorisé la racaille et libéré les quartiers de la violence et de l’insécurité. Sa menace du karcher n’était qu’à vocation électorale. Mais sur les conseils avisés que tu sais, notamment d’un Patrick Buisson que tu connais bien, il avait simplement occupé les positions que tu abandonnais en suivant, toi, de très mauvais conseillers. Et de surcroît, tu n’hésitais pas dans un entretien calamiteux accordé à l’hebdomadaire Familles chrétiennes, à ajouter que tu voyais dans l’islam « un facteur de cohésion sociale des banlieues ». Tu manifestais ainsi, sur ce point, une constante, que je reconnais volontiers, car cela nous opposa souvent, dans une position très ambivalente par rapport à l’islam.

Ainsi, cher Jean-Marie, puis-je affirmer qu’il n’y avait pas de malveillance dans mes propos mais la seule expression d’une constatation politique.

Bernard Antony