mardi 15 juillet 2008

Humour et fantasmagorie chez Jean-Marie Le Pen

Venu à Bordeaux pour le baptême d’un enfant de son ami le comique Dieudonné, Jean-Marie Le Pen en a profité pour réunir une trentaine d’adhérents du Front National. La plupart de ces derniers ont été stupéfaits de la teneur de son propos portant avec animosité sur le communiqué « de notre ancien ami Bernard Antony » pour une candidature d’Ingrid Betancourt à la présidence de la République.
Pour tout lecteur ayant un peu d’esprit, de finesse, il était évident que ce que j’ai écrit ne relevait pas d’un engagement de ma part derrière Ingrid Betancourt mais visait seulement à faire observer que désormais on avait mieux comme personnage emblématique de l’énergie féminine en politique que Ségolène Royal. Je suis donc sur le moment un peu tombé des nues en apprenant les élucubrations de Jean-Marie Le Pen sur mes quelques lignes. Je tiens donc à le rassurer , il n’y a pas plus aujourd’hui de complot Antony-Betancourt que je n’en menais hier au sein du Front National en Provence, qui n’est pas ma région, comme on l’en persuada jadis, il y a un peu plus de cinq ans . Je ne voulus pas croire cela jusqu’à devoir hélas à trois reprises constater l’effet de cette mirobolante allégation. Elle était essentiellement le fait d’un garçon de prime abord brut de fonderie, style rugbyman ariégeois, mais chaleureux. Instruit en son domaine mais très inculte littérairement et artistiquement, il devait en revanche s’avérer posséder un art consommé non seulement de raconter des calembredaines mais d’inventer des complots pour s’assurer la confiance de son chef. L’histoire est d’ailleurs pleine de cette pratique. Mais Jean-Marie Le Pen, toujours très suspicieux, mais jamais comme il le faudrait, gobait tout cela. J’ai quelquefois pensé avec tristesse combien il est manipulable. Ceci m’amène à quelques réflexions pour d’éventuels biographes qui voudraient un jour essayer d’écrire sur lui autre chose que les détestables bouquins de haine de ses ennemis ou les médiocres hagiographies de ses amis.
Je ne partage pas du tout l’attitude de certains qui, séparés de lui comme moi, se laissent aller au ressentiment, à la vindicte et à des jugements injustes. Jean-Marie Le Pen a été pour moi un formidable personnage, très courageux, très cultivé dans bien des domaines de l’histoire et de la politique, mélomane, et de surcroît un véritable conservatoire de la chanson à lui tout seul. La vérité c’est qu’au-delà de nos désaccords, moi je n’ai jamais renié ni regretté mon amitié avec lui. Je lui ai pardonné sans difficulté et donc sans mérite, ses méchantes allégations contre moi, confiées au journal Libération. Ce sont là les mauvais excès de son tempérament. En revanche, je suis toujours très attristé pour lui, de ce qu’il osa écrire en un courrier ciblé contre la personne de Marie-France Stirbois. Par moment il est donc capable de mauvais procédés indignes de lui mais nul n’est parfait et surtout pas moi.
Mais Jean-Marie Le Pen a aussi un autre défaut. S’il sait analyser des textes avec beaucoup de finesse et de sensibilité, s’il sait rire et plaisanter à sa manière, j’ai souvent constaté qu’il était généralement fermé à l’humour au deuxième degré. Peut-être est-ce là le fait de son atavisme breton contre les formes de l’humour british ?
Cela dit, si dans quelques années la Providence inspirait véritablement Ingrid Betancourt pour qu’elle libère la France de la dictature culturelle et médiatique des nombreux amis des FARC, alors là, pourquoi pas, je la soutiendrai. Pour l’heure, je prie plutôt pour qu’un chef politique de la trempe d’Alvaro Uribe nous soit donné. Mais je n’ai aucun complot en cours pour réaliser ce rêve.