mardi 27 mai 2008

Une langue à sauver : le français !

En proposant d’ajouter à l’article 1er de la Constitution que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la nation », ce qui sera donc sans doute voté dans la x ième révision constitutionnelle, les députés n’ont pas bien agi. Je ne dis pas cela par opposition à la persistance des idiomes provinciaux que jadis on qualifiait de patois et dont certains étaient ou sont devenus des langues après un travail d’unification tel que celui de Mistral donnant au Provençal, avec le trésor du Félibrige, une dimension classique et littéraire.

Mais ce qui est fâcheux c’est qu’en positionnant cela à l’article 1er, on a laissé à l’article 2 « la langue de la République est le Français ». Sur le plan symbolique, ce n’est pas rien. Or s’il y a bien une langue menacée aujourd’hui en France c’est bien le français !

Menacée d’agression extérieure et de décomposition intérieure.

Je ne m’étendrai pas ici sur l’expansion conquérante de l’anglais cosmopolite et macdolanesque, parfait outil de communication de la barbarie contemporaine qui repose entre autres sur la dissolution des concepts dans la raréfaction des mots.

Le français est agressé, affaibli, diminué par un enseignement primaire où les méthodes globalisantes déstructurent la langue, détruisent la logique, dénaturent le sens des mots et les raréfient. Elisabeth Nuyts, notamment, dans son œuvre admirable de penseur et de thérapeute, montre comment on continue de déposséder ainsi trop d’enfants de la véritable liberté de penser que permet la maîtrise de la langue, de sa logique, de la connaissance de ses mots nombreux et de leur signification.

Il est raréfié, défiguré, abâtardi syllabiquement inversé par le retour au guttural, à l’onomatopée à des formes d’expression tribale. Et comme tout vaut tout dans la culture et l’art contemporains, on exalte cette communication où le keuf, le feuj, la meuf et les expressions « putain de bâtard », « enculé de ta race », « nique ta mère » ne sont pas considérés comme racistes puisque véhiculées par les minorités visibles épargnées par le racisme, péché originel du seul homme blanc.

Mais si les déracinés des banlieues ont justement l’excuse du déracinement dans leur ignorance du français d’Alexandre Dumas, nos dirigeants de droite ou de gauche en ont moins. L’accord convenable du participe passé est ainsi généralement relégué aux oubliettes de l’Académie. Sarkozy n’en a cure (« la faute que j’ai fait ») et Ségolène Royal tout autant.

Quant à Martine Aubry, elle manie la langue de Jaurès avec le mépris d’un percheron dans un champ de betterave. J’aurais ici la charité de ne pas traiter du cas de la si fine, si délicate, si féminine Roselyne Bachelot dont le mode nuancé, ciselé de l’expression eut été bellement commenté par Louis Ferdinand Céline s’il avait connu cette petite fleur de nos terroirs qui certes n’a pas éclos dans un pavillon d’éducation de geishas.

La francophobie, le mépris du franchouillard si prôné par Benamou, l’ami de Sarko, il est vrai, je le sais, une « valeur » très partagée parmi toute une gamme de nos dirigeants, de notre intelligentsia et de notre nomenklatura. Nous ne sommes plus au temps où Blum et Barrès communiaient dans le même amour de la langue et où les élites savouraient dans l’Action Française les pages de Léon Daudet qui prenait la défense de Marcel Proust (« Un grand écrivain vient de naître ») contre André Gide.