mercredi 23 avril 2008

LES EFFETS DES PROPOSITIONS DE REFORME DE L'ECOLE NATIONALE DE LA MAGISTRATURE, par Anne Cognac

Dans les pages « opinions » du Figaro, on peut lire les propositions de réforme de l’ENM par Jean-François Thony, magistrat et directeur de cette Ecole.
La première idée-force de la réforme est la capacité des futurs magistrats à prendre en compte toute la dimension humaine des affaires. Mais pour cela, il faudrait leur apprendre les bases de la philosophie développées par Aristote, à savoir les quatre causes qui régissent toute chose : la cause matérielle, la cause formelle, la cause motrice et la cause finale. Ceci afin de leur faire prendre conscience que tout problème ne se résout pas uniquement par des réponses d’ordre matériel ou législatif. Or les causes motrices ou finales sont-elles traitées dans le cadre de l’ENM ? Qu’est-ce que l’humain ? Si la réponse est dans le relativisme, comment peut-on juger ?
Il y a quelque temps un reportage sur cette Ecole a été diffusé à la télévision. Il était fort intéressant : on pouvait constater que les formations juridique et technique y sont très poussées. Jean-François Thony a certainement raison d’en être fier. Quant à la formation « humaine », qu’en est-il ? Cette question n’a rien de rhétorique ; c’est une véritable interrogation.
Mais c’est l’autre idée-force de la réforme qui frappe et suscite une réelle inquiétude. La voici : « C’est l’ouverture. Le futur magistrat doit être en phase avec son temps, ouvert sur la société, sur le monde, capable de communiquer avec ses homologues dans une langue étrangère, capable de comprendre les enjeux du monde actuel, et notamment les enjeux économiques et financiers. La réforme doit pouvoir renforcer la diversité du recrutement, gage d’ouverture, en ouvrant la composition du jury à des personnalités extérieures au monde du droit, et en remplaçant l’épreuve de culture générale classique, fondamentalement élitiste, par une épreuve de connaissance et compréhension du monde contemporain. »
Si les magistrats sont recrutés parmi ceux qui n’ont pas ou peu de culture générale, comment pourront-ils prendre en compte TOUTE la dimension humaine des affaires ? Ce rétrécissement des domaines de connaissance et de l’intelligence ne donne-t-il pas froid dans le dos ?
De plus, comment peut-on être « ouvert » si l’on ne se connaît pas soi-même, si l’on en reste à des considérations superficielles sur l’histoire, la culture, la spiritualité qui ont façonné notre pays ? Ne risque-t-on pas de tomber dans des marais de préjugés ? Le droit et l’économie ne sont pas le tout de l’expérience humaine. Et pourquoi les juges, qui détiennent l’exorbitant mais nécessaire pouvoir de changer le cours d’une vie, ne devraient-ils pas être une véritable élite, c’est-à-dire des hommes dont l’humanité est vécue davantage en plénitude afin de pouvoir déborder sur autrui, et rendre à chacun ce qui est juste ?
Enfin, les enjeux du monde actuel ne sont-ils pas d’un autre ordre que simplement économiques et financiers ? Ne sont-ils pas surtout spirituels, car tout le reste découle de là, et vitaux, car c’est l’existence même de l’humanité qui est remise en cause actuellement ? Qui va répondre à ces questions pressantes, que l’AGRIF pose avec force ?

Anne Cognac, militante de l'AGRIF