vendredi 23 mars 2007

Propos de Le Pen: de la perplexité au refus.

Je reçois plusieurs appels me demandant ce que je pense, d’une part, des déclarations du chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen dans le Figaro d’hier, de l’autre, des réponses de Jean-Marie Le Pen lui-même aux questions de l’hebdomadaire Famille Chrétienne.

Sur le premier point il s’agit en substance de propos envisageant favorablement une possibilité de rapprochement avec Nicolas Sarkozy. Je lis en effet notamment : « Nicolas Sarkozy défend les valeurs traditionnelles de la droite, cela nous rapproche »…
Cela me laisse perplexe. Car j’ai comme l’impression qu’autour de Le Pen, on veut, selon les conseillers, aller dans des directions bien différentes.
J’observe dans certains cas des tonalités d’orientation gauchisante et ici un propos plus droitiste mais non moins surprenant.
L’affirmation selon laquelle Nicolas Sarkozy défendrait les valeurs traditionnelles de la droite me parait en effet très contestable.
Quelles sont donc ces valeurs traditionnelles ? De quelle droite parlons-nous ?
Je comprends peut-être mieux maintenant l’attitude de Jean-Marie Le Pen. Après m’avoir invité comme d’autres à venir le soutenir à Lyon sans parler, il vient d’exprimer son interdiction de m’inviter à un colloque portant sur les questions sociales.

Cette conception de l’unité patriotique me paraît à vrai dire très surprenante. Il faut toute la stupéfiante patience stratégique d’un Bruno Mégret pour l’accepter. Il est vrai que moi je n’ai strictement rien à me faire pardonner par le président du Front National…

En fait, je crois surtout qu’il est très difficile d’être avec Jean-Marie Le Pen dans la vérité du moment. C’est un peu comme jadis au parti communiste où il était très difficile d’être à l’heure du parti et où l’on excluait ceux qui étaient « en retard »comme ceux qui étaient « en avance ».
Notons au passage que si c’est le directeur de cabinet de JM Le Pen qui donne l’heure exacte, il serait alors peu cohérent de reprocher à Philippe de Villiers de vouloir ramener à Sarkozy les voix de la droite nationale !

A ceux qui me reprochent d’avoir des amis chez Philippe de Villiers et qu’ils traitent de traîtres, je réclame donc un peu plus de modération de propos ! Les invectives ne servent à rien. On l’a bien vu lors de la crise avec les mégrétistes en 1998 où certains qui sont à nouveau sur les tribunes avec Le Pen l’injuriaient vigoureusement, et pour certains, ce qui est bien pire, organisaient rationnellement sa diffamation avec le « document Franck »…

Totalement libre pour ma part, et n’étant guère enthousiasmé par monsieur de Villiers, je ne veux pas pour autant me fâcher avec des amis qui défendent les valeurs fondamentales de la culture de vie de notre droite sociale et nationale mais croient bon de le soutenir.
Il faudra bien en effet rassembler tous les gens de bonne volonté mais certes pas derrière la bannière morale de Simone Veil…

Sur le second point, l’entretien dans Famille Chrétienne, je comprends fort bien certaines réflexions de Jean-Marie Le Pen par rapport à l’Eglise Catholique et j’y reviendrai à l’occasion.
Nul mieux que moi n’est mieux placé pour savoir la difficulté qu’il y a eu trop souvent à défendre des positions chrétiennes en rencontrant l’hostilité de trop d’ évêques.
Mais quitte à choquer, je dirai ici, pour faire court, que le respect de la vie innocente, la lutte contre la banalisation de l’avortement, n’est pas une affaire de morale catholique. Il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour refuser l’atteinte à la vie.

En revanche je suis très perplexe encore sur ses réflexions quant à l’euthanasie et sa position « non définitive pour l’instant ». Je lis en effet :
« Moralement et philosophiquement, je suis partisan du respect de la vie du début jusqu’à la fin. Mais l'évolution de la société m'interroge. Demain, il y aura des pressions très fortes du fait de millions de très grands vieillards dont beaucoup seront en situation de dépendance, avec de grandes souffrances et des coûts médicaux vertigineux. Savez-vous que la moitié des dépenses de santé pour un individu concerne les derniers mois de la vie? Savez-vous combien il y a de centenaires en France aujourd'hui? Trente mille et bientôt trois cent mille... Comment allons nous faire? Je m’accroche à la position chrétienne, mais comme homme politique responsable, je me pose la question de l’euthanasie. Je n’ai pas de position définitive pour l’instant ».

On n’est plus là du tout dans le débat sur la licéité de l’abréviation de la vie en phase terminale pour abréger des souffrances. Ce que prône, je le rappelle, la morale chrétienne, c’est le refus de l’acharnement thérapeutique.
Non, Jean-Marie Le Pen s’interroge sur la question économique et sociale du nombre des centenaires qui augmente. On est là dans le débat initié par Jacques Attali.

Venons en maintenant à sa réflexion sur le rôle des religions. Il affirme d’abord « son estime pour les différentes croyances qui tentent d’arracher l’homme à la terre ». Je ne polémiquerai pas sur ce propos qui est évidemment circonstanciel et n’est pas de portée doctrinale. Il est acceptable si on le considère comme une réflexion rapide sur l’essence du phénomène religieux, sur l’interrogation qui différencie l’homme des autres animaux sur le pourquoi de la vie et de la mort. Je tiens tout de même à préciser que je n’ai pas, on s’en doute, la même estime pour toutes les croyances !
En revanche, lorsqu’il traite de l’islam un peu comme Napoléon jugeant de l’utilité sociale du catholicisme, je ne suis pas du tout perplexe. Je ne viole pas du tout la discrétion totale que je garde toujours sur ce que furent nos relations privées et amicales de jadis en évoquant que j’eus avec lui sur ce point quelques échanges tendus. En effet, il affirme publiquement aujourd’hui ce qui faisait dissension entre nous.
Peut-être en effet que l’islam est souvent un bon ciment social. Mais il ne l’est que pour les musulmans ! Car dans aucun pays, il n’a été un bon ciment social pour les non-musulmans et donc pour l’ensemble de la société.
La logique de l’islam, c’est en effet celle d’un totalitarisme incompatible avec une saine laïcité de distinction du religieux et du politique ; c’est d’établir la fracture avec les non-musulmans, dès que l’islam est majoritaire ou en position de force ; c’est de réduire les « gens du livre » (chrétiens et juifs) en dhimmitude et bien sûr de ne pas tolérer les autres, c'est-à-dire les incroyants.
Des banlieues socialement cimentées par l’islam c’est l’évolution vers une cassure nationale que d’autres pays ont connu. Je ne soutenais pas jadis, contrairement à Jean-Marie Le Pen, les chefs Serbes qui refusaient l’indépendance aux autres nations de la Yougoslavie, en conformité pourtant avec la constitution fédérale. A ces Serbes j’avais dit à Bruxelles qu’ils feraient mieux de s’occuper de leur Kosovo, de plus en plus islamiquement cimenté et fracturé, plutôt que de faire la guerre aux Slovènes et aux Croates. Ce fut hélas trop tard pour la Serbie quand les dirigeants s’aperçurent des conséquences de leur tragique aveuglement pour le peuple serbe.
Je ne sais pas ce que penserait aujourd’hui le dirigeant nationaliste serbe emprisonné à la Haye et dont Jean-Marie Le Pen fut le grand ami, si on lui lisait cette affirmation de « l’islam ciment social » !

En terminant ces lignes, je pèse la chance que m’a donnée finalement Jean-Marie Le Pen en me laissant exclure du Front National sans d’ailleurs quelque protestation que ce soit de quelques bons amis à qui, compréhensif, je n’en veux nullement.

Je suis en effet désormais strictement libéré de tout devoir de réserve que m’eût encore, ces jours-ci, imposé le fait de parler à côté de Le Pen pour le soutenir « quand même ».

Mais maintenant il m’est bien difficile de le soutenir « malgré tout » ! Cela n’aura certes pas, je le sais bien, de grandes conséquences électorales. Du moins mes enfants et mes onze petits enfants sauront que jamais je n’aurais accepté, de qui que ce soit, sans réagir, la perspective d’islamisation de nos banlieues et de cassure libanaise ou kossovarde de notre peuple.