Ce dimanche à 18h aux informations de RCF, la radio du Vatican en langue française, on commentait les aspects positifs du voyage de Benoît XVI en Turquie.
J’ai entendu proférer explicitement, sans aucune ambiguïté, qu’il avait « prié, recueilli à la manière musulmane, en direction de la Mecque ».
Dans la foulée, un religieux a développé, combien cela permettrait une heureuse rénovation des rapports de l’Eglise avec le grand peuple Turc qui a joué un rôle si éminent dans notre histoire.
On aurait cru entendre Jacques Chirac prônant l’intégration de la Turquie dans l’Europe arguant du fait que celle ci appartenait à l’Europe par son histoire.
Pour ce qui est de l’intégration de la Turquie dans l’Europe, on peut penser que le premier ministre Erdogan a peut-être quelque peu traduit, à l’avantage de sa politique, les aimables propos de circonstance du pape. On veut le croire.
Et de toute façon, je le répète, ce n’est pas au pape si ardemment soucieux du respect de la démocratie et de la laïcité de se mêler de cette affaire. Même Saint Louis invitait celui de son époque à respecter la distinction des domaines !
Pour ce qui est de l’ attitude de Benoît XVI dans la Mosquée bleue, derrière le grand Mufti, mes amis m’affirment qu’un communiqué officiel du Vatican a démenti qu’il ait prié en direction de la Mecque.
Je veux donc bien croire à un nouvel artifice de la désinformation de ce que j’ai appelé le Tchernobyl médiatique.
Alors qu’a vraiment dit ou pas dit le pape, quels ont été ses gestes ? J’avoue être quelque peu désorienté.
A-t-il oui ou non parlé comme je l’ai lu dans plusieurs journaux de l’islam « religion de paix et de raison »?
Si oui, cela brouille quelque peu le message de Ratisbonne qui, tout de même, portait aussi sur l’islam et son prophète.
Mais peut-être, depuis aurait-on découvert un Coran alternatif de celui que j’ai lu et relu ?
Ou bien les muftis turcs ont-ils assuré Benoît XVI qu’ils considéraient le Coran comme un texte à interpréter, à relativiser eu égard aux us et coutumes des peuples d’Arabie au VII siècle.
Peut-être aussi les biographies (Sira) et les hadith rapportant les faits et gestes du Prophète et enseignés dans tout l’islam comme véridiques ne sont-ils plus désormais exemplarisés ?
Je n’ai pas non plus entendu que le pape ait évoqué explicitement le génocide des chrétiens de Turquie au XX siècle. Je pense bien sûr que les Turcs sont très forts et très sourcilleux et qu’ils n’ont pas sur les crimes de leur passé la mauvaise conscience des Allemands pour les leurs.
Faudrait-il donc uniquement condamner, ce qui s’est passé d’abominable à Auschwitz mais faire silence sur les horreurs en Anatolie ?
La diplomatie impliquerait-elle une si grande variabilité dans la mémoire des crimes contre l’humanité ?
Tout cela tournoie dans mon esprit.
Mais je ne puis m’empêcher de penser que les courants d’air et d’eau du Bosphore et des Dardanelles ont quelque peu fait tourner les têtes des responsables de la diplomatie vaticane. On est, il est vrai, en Turquie au pays des Derviches Tourneurs !
Pour parler de le Turquie « pays charnière » faut-il donc faire disparaître la mémoire de ses immenses charniers de chrétiens torturés ?
A ce propos aussi, aurons nous un jour enfin la satisfaction, pour l’honneur de l’Eglise, de voir un pape aller se recueillir sur les charniers d’Ukraine, de Russie ou du Cambodge ?
Quoiqu’il en soit, je ne trouve aucun argument, aucune considération impérative, pour ne pas exprimer ma tristesse devant des gestes que ne légitime même pas une quelconque repentance.
Après Paul VI rendant aux Turcs les drapeaux de la victoire de Lépante voulue par Saint Pie V et épargnant à l’Europe encore libre le joug ottoman avec la terreur de ses janissaires et la tristesse de la dhimnitude ; après Jean-Paul II posant ses lèvres sur le Coran, je ne comprends guère la nécessité pour Benoît XVI de chausser de légères et blanches babouches pour suivre dans la belle mosquée bleue, un grand mufti hautain drapé dans sa certitude religieuse.
Bien sûr j’observe que Benoît XVI n’avait point dissimulé son crucifix et qu’il n’a pas récité la Fatiha. J’ose même imaginer qu’il a certainement prié Dieu pour que la Mecque s’ouvre un jour au culte de Notre Seigneur Jésus-Christ. Je ne conclus pas de sa visite dans le temple islamique qu’elle puisse signifier une apostasie, ni même une démarche syncrétique, ou une sorte de trans-œcuménisme inter-religieux.
Mais comment ne pas voir à quels désarrois, à quelles incompréhensions, à quelles interprétations cela peut conduire ?
Le pape si bien informé de la réalité du système médiatique mondial, si bien informé de la puissance de la volonté d’instaurer une sorte de super religion onusiaque, peut-il croire que, au-delà de ses paroles, ses actes puissent ne pas donner lieu à une interprétation confusionniste.
C’est bien de parler des racines chrétiennes de l’Europe mais alors que les clochers des églises ne vont pas refleurir de sitôt en Turquie, comment désormais s’opposer chez nous à la multiplication des mosquées ?
Au café de Lavaur ce dimanche, mon vieil ami Abdallah le harki, dont toute la famille est revenue à l’islam m’a dit : « Tu vois, même ton pape il fait sa prière à la mosquée ».
Quant aux braves gens de mon village, pour eux, désormais, l’église ou la mosquée c’est tout comme. Alors ils préfèrent aller à la chasse ou jouer leur tiercé. L’église est vide en attendant d’être transformée en mosquée comme dans la ville voisine de Graulhet où l’on a abattu la croix d’une église en présence des derniers curés du secteur pleinement satisfaits de cette charité démocratique..