La chute du Mali entre les
mains des djihadistes n’est plus qu’une question de quelques semaines
De l’avis général, à commencer par celui des Français installés ou en poste au Mali – et « invités » à le quitter au plus vite –, le pays va tomber « incessamment sous peu » entre les mains des djihadistes issus d’Al-Qaïda. Ces derniers contrôlent déjà les trois quarts du territoire et ils coupent efficacement les routes d’approvisionnement vers Bamako. La capitale, où s’entassent trois millions d’habitants, est quasiment étouffée.
Le Mali traverse une crise profonde, conjuguant insécurité grandissante,
recul démocratique, pressions sur les droits fondamentaux. Depuis les coups
d’État de 2020 et 2021, le pays est dirigé par une junte militaire (avec à sa
tête Assimi Goïta), favorable à un réalignement géopolitique — notamment un
« cul et chemise » avec la Russie de Poutine — et à un rejet radical
des ex-partenaires occidentaux. Cette bascule a coïncidé avec un retour en
force de groupes armés djihadistes dans le nord et le centre du pays.
Les groupes armés, tels que Jama'at Nasr
al Islam wal Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans :
GSIM) et d’autres affiliés à Al-Qaïda, ont renforcé leurs positions dans des
zones périphériques et rurales où l’État malien n’exerce plus aucun
contrôle. Ils multiplient les attaques
sur les axes routiers, instaurent des blocus (notamment de carburant) et
contrôlent des pans entiers de territoire. S’y ajoute, dans le Grand Sahara,
l’Etat islamique (affilié à Daech), très actif dans les régions de Ménaka et de
Gao. L’armée régulière malienne, au moins ce qu’il en reste, se retrouve ainsi
pris en étau.
Conséquence, des millions de civils contraints de fuir pour échapper aux fous
d’Allah, un accès réduit aux services de base et un effondrement de la
couverture sécuritaire. Un rapport de l’UNFPA au Mali évoque ainsi un déficit
de financement de 80 % pour les programmes de santé. Les fonctionnaires sont payés au lance-pierre (quand ils le
sont) les recettes minières et douanières sont fantomatiques, les magasins d’alimentation ressemblent désormais à des commerces soviétiques de
l’ex-URSS…
Les autorités dites « de
transition » ont dissous des partis politiques ou suspendu leurs
activités, employé des poursuites pour « déstabilisation » ou « diffamation de l’État », notamment contre des universitaires ou des
journalistes. La conjoncture se traduit aussi par une fragilisation accrue de
la population :
- Une couverture sociale quasi absente pour de nombreux travailleurs des médias.
- Une crise humanitaire alimentée par les combats, l’insécurité, les restrictions d’accès et
les blocus : des services essentiels sont
interrompus, notamment ceux liés à la santé des femmes.
- Une ambiance de terreur pour les citoyens, dans les zones sous contrôle partiel ou a fortiori
total des groupes armés.
- La capacité (ou non) de l’État malien à reconquérir le contrôle des
territoires clefs et à rétablir l’autorité publique.
- L’évolution du rôle des acteurs externes (Russie, pays de la région,
organisations internationales) dans la gestion de la crise.
- Les réactions de la société civile et de l’opposition face aux restrictions
politiques et aux dérives autoritaires.
- L’impact prolongé de l’insécurité sur l’économie, l’éducation et les services
de base.
Le groupe islamo-terroriste GSIM, qui est sur le point d’instaurer un califat (sachant que la même menace vise les alliés frontaliers du Mali, le Niger et le Burkina Faso), a atteint un niveau de capacité opérationnelle qui lui permet de mener des opérations élaborées et complexes.
Le Mali, et bientôt avec lui les pays de la région qui ont chassé les troupes française pour se mettre dans la main et sous la protection, croyaient-ils, des Russes via le Groupe Wagner devenu l’Africa Corps, paie ses choix stratégiques suicidaires. Les opérations Serval, puis Barkhane, lancées et peaufinées par l’armée française, avaient permis d’arrêter l’avance des djihadistes et de sécuriser Bamako. Après avoir fait illusion une courte saison, les miliciens russes se sont carapatés des zones de combat. Leur programme aujourd’hui, comme le note un témoin, « tient vraisemblablement plus à faire leurs paquetages qu’à investir le champ de bataille ». Comme s’ils voulaient, pendant qu’il en est encore temps, échapper à des vengeances sanglantes et à des massacres inévitables…
Alain Sanders