mercredi 30 juillet 2025

Les libres propos d’Alain Sanders


Notre mémoire : 1915-2025, les cent-dix ans de Banania (Y’a bon !)

 

Si le fameux slogan « Y’a bon Banania ! » date de 1917, c’est le 31 août 1914 qu’est lancée la marque Banania (avec cette accroche : « Banania, suralimentation intensive »). Mais c’est en 1915 qu’apparaîtra le fameux tirailleur sénégalais, chéchia rouge à pompon bleu, prenant ainsi la relève d’une belle Antillaise, puis d’un Poilu.

Dans le petit fascicule distribué à l’époque (édité par Léopold Verger, j’en ai un exemplaire que je garde précieusement), on voit le brave tirailleur, emblématique des troupes coloniales si durement éprouvées en 14-18, attablé avec une famille de cinq enfants se régalant de Banania. Et ce n’est pas lui, mais la maman, qui s’écrie : « Y’a bon ! »

Sur un autre dépliant de la même époque, deux vignettes. Sur la première, un député de l’Assemblée nationale dit : « Et pour que la France demeure forte et heureuse… » ; sur la seconde, une scène de genre : le tirailleur apportant des tasses de Banania dans une famille (le père, la mère, le grand-père, trois enfants) et concluant la phrase du député : « … il faut que dans toute la famille, le Banania devienne le déjeuner adopté ».

Lancé au début de la Grande Guerre donc, Banania venait concurrencer le Phoscao dont la publicité, signée O’Galop, montrait un Poilu montant à l’assaut baïonnette au canon. Avant de mettre en scène son emblématique tirailleur sénégalais, Banania illustrait ses réclames avec des images de soldats métropolitains en tenue bleu-horizon.

Pourquoi un tirailleur sénégalais à partir de 1915 ? Parce que nombre de magazines de l’époque, comme Le Monde illustré ou Les Annales (sa une du 16 décembre 1915 montre des tirailleurs découvrant leur première neige) rendent des hommages mérités à ces combattants de la Plus Grande France.

Rappelons encore (ce qui échappa aux soi-disant « antiracistes qui cherchèrent des poux dans la chéchia de Banania) que Francisque Poulbot, le peintre de Montmartre, réalisa en 1919 une illustration pour Banania : on y voit trois… poulbots se faisant la courte échelle pour attraper des boîtes de Banania avec ce cri du cœur : « On les a ! » Ce qui n’est rien d’autre qu’un pastiche du mot d’ordre de Pétain à Verdun : « On les aura ! ».

La référence guerrière n’est d’ailleurs jamais rare dans les pubs de Banania. Ainsi, en 1939, la marque n’hésita-t-elle pas à lancer des slogans comme : « Banania sera notre DCA (défense contre l’anémie) ! » ; « Tous les matins, je réquisitionne mon Banania : des forces en boîte pour vos soldats ! » ; « Après l’alerte, Banania c’est un réconfort ! » ; « Banania, défense passive de votre organisme ! » ; etc.

On peut encore signaler, pour dire combien le tirailleur sénégalais était devenu (et reste pour nous) partie intégrante du patrimoine identitaire français et de son imaginaire, l’affiche d’Hervé Morvan – en 1964 – où l’on voit côte à côte, pour promouvoir des biscuits fourrés au Banania, le tirailleur coiffé de sa chéchia rouge et une Alsacienne avec sa coiffe traditionnelle. Pas de doute : y’avait bon Banania…

Alain Sanders