vendredi 3 juin 2022

Ukraine : information et désinformation !

Préambule :

Il y a de vrais journalistes, de véritables correspondants de guerre pour « couvrir » l’événement.

J’ai déjà salué le remarquable travail d’information que font pour le Figaro Margaux Benn et la photographe Véronique de Viguerie, et outre ces deux femmes courageuses, les excellents envoyés spéciaux, notamment Adrien Jaulmes, Arnaud de la Grange, Cyrille Louis.

Depuis le début de l’invasion russe, huit journalistes sont morts dans l’accomplissement de leur devoir d’informer.

Cette semaine est encore tombé, frappé par un éclat d’obus, François Leclerc-Himhoff, 32 ans, journaliste à BFM TV. Il couvrait une évacuation de civils par des bus, véhicules parfaitement identifiables.

Ses collègues, on les a vus et entendus, ont été révoltés du traitement de cette information par la propagande russe, faisant de cet envoyé spécial un combattant. Moi, j’ai été une fois encore profondément attristé du commentaire de cette mort par quelqu’un qui fut, je crois, journaliste, reprenant totalement le traitement très spécifiquement kagébiste de l’information, faisant ni plus ni moins du reporter un trafiquant d’armes !

Cela m’a incité à publier sans attendre sur ce blog l’article d’Alain Sanders que l’on pourra en substance retrouver dans le prochain numéro de Reconquête :

«  Slava Oukraïni, Herroyam Slava !

Dès les premières heures de l'invasion de l'Ukraine par les troupes russes, j'ai été sidéré – au sens fort du terme – de voir certains de nos proches qui, depuis des lustres, et à juste raison, exaltaient les nationalismes hongrois, bulgares, roumains, slovaques, lituaniens, polonais, etc., se ranger comme un seul bolcho derrière Poutine...

Dans un premier temps, je me suis dit que, fascinés par la force brutale du rouleur de mécaniques staliniens, ils s'étaient laissés femmelinement séduire. Mais qu'ils allaient se reprendre. Je me suis dit que la vision des chars russes adornés de drapeaux soviétiques allaient les réveiller. Que les drapeaux rouges hissés sur les villes rasées par les orgues de Staline, les statues de Lénine et, de plus en plus, de Staline, objets de toutes les dévotions, allaient leur ouvrir les yeux. Il n'en a rien été.

Aussi dois-je dire – et c'est un des privilèges de l'âge que de dire les choses sans filtre – que j'ai rompu, définitivement rompu, avec ces gens-là. Des compagnons avec lesquels j'avais partagé des années de militantisme. Et qui me sont aujourd’hui devenus étrangers. Parce que s'ils sont aux côtés d'un stalinien, c'est que je me suis trompé sur eux. Et eux sur moi. Nous avons cru partager un même combat, une même idéologie, de mêmes espérances. A tort.

Quoi qu’il en fut, dès le début de l’invasion, Bernard Antony a été à la tâche. Pour rappeler, par exemple, la réalité d'une identité ukrainienne trois cents ans avant que n'émerge loin de Kiev un pauvre bourg entouré de palissades qui deviendra Moscou. Même occupée par différents empires, l'Ukraine n'a jamais cessé d'exister. Pour résumer cette existence multiséculaire, le nationaliste ukrainien Przemyslaw Horodyski écrit : « A preuve, l'existence d'une langue ukrainienne indépendante du russe et du polonais, nullement artificielle, mais résultant d'une longue maturation et ayant ses particularités propres. Nous pourrions également citer en exemple la Pologne qui, elle, a bien une existence étatique dans l'histoire, mais ayant disparu des cartes pendant plus d'un siècle. Qui peut nier aujourd'hui l’existence et la légitimité d'un État polonais et d'une identité polonaise forte ».

Stupeur, aussi, de voir les accusations de néo-nazisme portées par Moscou contre l'Ukraine. Qui a un président juif, un Premier ministre juif, un chef de l'opposition juif... Pour la Russie poutinienne, héritière de l'Union soviétique, il faut savoir qu'est « nazi » quiconque est désigné comme un ennemi de Moscou. Alors pourquoi pas des juifs « nazis », comme le dit le ministre russe des Affaires étrangères... On rappellera que, pendant la guerre froide, le KGB (matrice d'un Poutine), créaient de toutes pièces des « néo-nazis » en Allemagne de l'Ouest pour discréditer le camp de la liberté.

Il y a eu des collaborateurs des Allemands en Ukraine ? Oui. Comme dans tous les pays occupés par la Wehrmacht. En Ukraine, cela a concerné moins de 2% de la population. Et côté russe ? Evgueni Krinko, docteur en sciences historiques à l'Académie des Sciences russes, avance le chiffre de 800 000 Russes ayant endossé l'uniforme allemand. Tetiana Andrushchuk, qui dirigea naguère l'Académie nationale Tchaïkovski de Kiev, indique pour sa part : « Dans toute l'Union soviétique, selon un article de Novaïa Gazetta du 7 avril 2005, ce sont de 1,3 million à 1,5 million d'hommes qui se sont mis au service du Reich. Les archives allemandes ont révélé que les Russes représentaient le plus grand groupe ethnique engagé dans l'armée allemande ». Ce qui ne doit pas gêner les tueurs du groupe Wagner engagés contre nos soldats en Afrique de l'Ouest.

Qu'on me permette une pensée pour la ville de Kiev. Et pour sa cathédrale Sainte-Sophie érigée à partir de 1011 par Volodymir et achevée par son fils, Iaroslav, qui la consacra à la Sagesse divine. Un chef d’œuvre de piété qui fit de l'ombre à la basilique de Constantinople. Tout récemment, craignant que Kiev soit bombardée en son cœur par les Russes, le patriarche de l’Église gréco-catholique ukrainienne (uniate), Sviatoslav Chevtchouk, écrivait : « Bombarder Kiev, c'est bombarder une ville sainte, le symbole de l'unité des Slaves et de tous les chrétiens. Quand la cathédrale a été construite, ils n'étaient pas encore divisés entre Rome et Constantinople ! »

On n'a pas oublié la réponse que firent les défenseurs de l’Île des Serpents, sur la mer Noire, à la marine russe qui, le 24 février dernier, les sommait de se rendre : « Navire de guerre russe, va te faire f... ! » Et l'on n'a pas oublié non plus la réponse des Cosaques zaporogues au sultan turc qui prétendait les soumettre. Une réponse virile ainsi résumée par Apollinaire (Lituanien par sa mère) dans son recueil Alcool (1913) :

« Je suis le sultan tout puissant/ O, mes Cosaques zaporogues/ Votre Seigneur éblouissant/Devenez mes sujets fidèles/ Leur avait écrit le sultan/Ils rirent à cette nouvelle/Et répondirent à l'instant/ A la lueur d'une chandelle:/Plus criminel que Barrabas/Cornu comme les mauvais anges/Quel Belzébuth es-tu là-bas/Nourri d'immondices et de fange ?/Nous n'irons pas à tes sabbats ».

Les Ukrainiens ne disent rien d'autre – et c'est beaucoup – au satrape du Kremlin et à ses sicaires. »

Alain Sanders