Je lis ce matin
dans Le Figaro que Marine Le Pen a
donné pour paraître ce jeudi une « tribune fleuve » de neuf pages
dans la « Revue politique et parlementaire » : un panégyrique à
la gloire du général de Gaulle. Je lirai ce texte avec attention et le
commenterai probablement pour la revue « Reconquête ».
Mais, dès
aujourd’hui, Le Figaro publie ces
lignes : « Les remous qui sont
le propre des temps tourmentés et des impératifs de la raison d’État n’ont
contrarié ni la direction, ni la puissance du fleuve. L’Histoire a
tranché ». On y rapporte aussi le commentaire du politologue Jean-Yves
Camus : « Se situer par rapport
au gaullisme, c’est se situer par rapport à la guerre d’Algérie et à la seconde
guerre mondiale ».
Sur les lignes de
Marine, je ne sais pas ce qu’elle entend par « l’Histoire a
tranché ». Au commentaire que j’ai écrit sur le Hirak en Algérie, je ne
puis ajouter ce jour que ce qui se passe en Algérie ne prouve justement pas que
l’Histoire, sur ce chapitre, a vraiment « tranché » définitivement.
Elle a, en revanche,
d’ores-et-déjà « tranché » sur le fait que l’ordre donné par le
général de Gaulle, de non-assistance aux populations d’Algérie, chrétiennes,
juives ou musulmanes se soldant par des dizaines de milliers de victimes, près
de deux cent mille probablement, a constitué
une gigantesque ignominie, une impardonnable complicité d’un immense
crime contre l’humanité. Tout livre d’histoire qui occulte ou nie cela
participe de la désinformation historique !
J’en viens enfin
aux propos de Jean-Yves Camus. Certes, ce dernier, qui est un honnête
commentateur, ne confond pas la résistance de l’Algérie française et la
collaboration des années quarante. Mais d’autres en font sans cesse un amalgame
malhonnête parce que piétinant la vérité. Comme si beaucoup des plus éminents
résistants, ayant même risqué bien plus le pire que le général de Gaulle à
Londres, n’avaient pas été aussi parmi les défenseurs de l’Algérie française.
Contentons-nous de citer ici quelques personnages suivants, parmi des centaines
d’autres :
- Georges Bidault,
le président du Conseil National de la Résistance, le successeur de Jean Moulin
qui recrée en 1960 un nouveau CNR pour une autre résistance, celle de l’O.A.S.
- Jacques
Soustelle, chef du BCRA à Londres, ministre de de Gaulle en 1958 puis
rejoignant lui aussi l’O.A.S.
- Le commandant
Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant-déporté à Buchenwald, participant au
putsch d’Alger en 1961 ce qui lui vaudra plusieurs années de détention
- Le capitaine
Pierre Sergent, futur chef de l’O.A.S. qui anime en 1942 la manifestation à
l’Arc de Triomphe de lycéens arborant l’étoile jaune par solidarité avec leurs
condisciples juifs.
- Le colonel Remy,
grand résistant, compagnon de la Libération, défenseur de l’Algérie française.
Et je pourrais
noircir bien des feuilles en continuant la liste de tant de grands résistants
qui, comme le compagnon de la Libération, Michel de Camaret, l’avocat héros de
la guerre et de la résistance, Jean-Baptiste Biaggi, le docteur Jean-Jacques
Plat, héros des SAS, ont rejoint le Front National de Jean-Marie Le Pen où,
certes, pouvaient se retrouver des adversaires de la veille, unis pourtant par
un même patriotisme.
À vrai dire, je me
méfie de l’expression « l’Histoire a
tranché ». Trop souvent, ce qu’elle a un jour tranché, elle l’a
retranché ultérieurement. Mais, pour ce qui est de de Gaulle, elle a tranché,
définitivement : son prestige est entaché d’une immense flétrissure
indélébile. Celle d’avoir interdit en toute connaissance de cause, en totale
responsabilité personnelle, à un général Katz de faire intervenir ses troupes
françaises, puissantes, bien armées, consignées dans leurs casernes alors que
partout à Oran, de l’autre côté de leurs murs, montaient les cris de milliers
de nos compatriotes que l’on allait torturer, des femmes que l’on déportait
vers les plus atroces destinées. Et, il n’y avait pas qu’à Oran qu’étaient
perpétrées les plus terribles mises à mort dont la sauvagerie humaine est
capable.
Pour ce qui est du
reste ou plutôt de l’après, par rapport à de Gaulle, je ne suis pas non plus du
tout sûr que l’histoire ait définitivement tranché en sa faveur. Car, la fin de
son règne, ce fut « Mai 68 », funeste révolution dont son
gouvernement fut entièrement responsable.
Aussi, Marine Le
Pen peut-elle bien, sans restriction majeure, louanger dithyrambiquement
l’œuvre du général de Gaulle et le prendre pour modèle. Cela n’augure pas bien
de ce qu’elle ferait si elle était un jour en charge de la République
française.