Vincent est mort, tué par raison d’État et par un
médecin qui a renoncé à son serment d’Hippocrate.
Cette cathédrale d’humanité qui brûlait depuis une
semaine sous nos yeux impuissants s’est effondrée. Il n’aura été tenu aucun compte
de la dignité de cet homme handicapé, condamné parce que handicapé.
Car la première dignité, c’est le respect de la vie
d’une personne.
C’est un peu de notre humanité à tous qui s’en est
allée aujourd’hui, tant cette faute ignoble qui ébranle les fondements de notre
droit et de notre civilisation rejaillit sur nous tous.
L’heure est au deuil et au recueillement.
Il est aussi à la méditation de ce crime d’État.
Nous ne ferons aucune autre déclaration.
Jean PAILLOT, avocat
Jérôme TRIOMPHE, avocat
http://www.lagrif.fr/s-informer/nos-communiques/158-vincent-est-mort-tue-par-raison-d-etat
Jérôme Triomphe : Ma
dernière plaidoirie pour Vincent
1- Depuis le 10 mai, date de l’annonce de
ta mise à mort, Vincent, nous nous sommes battus sans relâche, jour et nuit,
avec mon frère d’armes Jean PAILLOT. Depuis deux mois jour pour jour.
Le 20 mai, l’œuvre de mort avait
commencé. Le soir même, trois hauts magistrats ont sauvé l’honneur de la
justice et ont exigé que soit respecté le recours suspensif dont tu bénéficies
devant le Comité des droits des personnes handicapées. Notre joie ce soir-là
n’était pas nous mais pour toi. Elle était pure.
C’en était trop. Les assassins nous ont
conspué. Cet arrêt de vie a été cassé en urgence le 28 juin. L’essentiel était
sauf : 4 jours plus tard, ton médecin mettait en œuvre son plan de mort.
Toute la semaine dernière encore, nous
avons multiplié d’ultimes recours pour faire respecter ton bon droit. Tous
rejetés.
Vendredi dernier à Reims, nous avons jeté nos dernières forces dans une ultime bataille. En vain.
Mais jusqu’au bout, nous aurons été tes
avocats.
2- Maintenant, tu le sais, nous ne
pouvons plus rien faire. Nous n’avons plus de recours. Et les atteintes qu’ils
t’ont causées par la déshydratation sont désormais irréversibles. Tu es en
train de mourir. Privé de l’alimentation et de l’hydratation due à tout être
humain.
Et comme la souffrance provoquée est
abominable, le législateur assassin impose une sédation profonde assimilable à
une anesthésie générale.
Mais ton médecin ne respecte même pas
cette loi. Ton supplice dure. Tu ne bénéficies pas d’une sédation profonde.
Selon les moments, tu es paisible ou tu gémis, tu râles et tu suffoques. Tu ouvres régulièrement les yeux.
3- Cette mise à mort léonéthique est
insupportable et abominable, y compris, ils l’ont avoué, pour ceux qui se sont
battus pour qu’elle intervienne.
Maintenant c'est la fin. Ce soir, tu sembles paisible. Viviane, Pierre, David et Anne sont auprès de toi en ce moment même, fidèles jusqu’au bout. Nous sommes tous auprès de toi ce soir.
4- Vincent,
tu dois mourir au nom de la loi !
Tout
cela avec la complicité de la majorité des médias dominants dont certains se
sont laissé aller à titrer « Vincent Lambert : enfin la
fin » !
Le
procureur général Mollins avait réclamé de casser le magnifique arrêt de vie de
la Cour d’appel de Paris avec un aveu terrifiant : « si vous érigez la vie en valeur suprême, c’en est fini de
la loi Leonetti et de la loi Veil ». Il y aura de fortes leçons à en
tirer. La vie n’est donc pas une valeur suprême. Et ton handicap lourd autorise
toutes les transgressions.
Aujourd’hui,
ils sautent tous comme des cabris : rédigez vos directives anticipées pour
éviter une nouvelle affaire Lambert. Ils continuent à nous mentir. Car cela
fait 5 ans que le Conseil d’Etat a décidé quelle était ta prétendue volonté
sans que tu aies rédigé de directives anticipées. Ils n’en ont pas besoin.
Ceux
qui les réclament veulent en réalité vos directives demandant la mort.
5- Une
abominable boîte de Pandore vient de s’ouvrir. Après toi Vincent, à qui le tour
des 1.700 autres Vincent qui semblent tant les encombrer ? Et après ?
Ce sera le diminué, l’infirme, l’alzheimer, le dément, finalement
l’improductif.
Et une
loi sur l’euthanasie par injection létale sera votée. On
commencera par ceux qui le demandent pour un jour finir par ceux qui ne
demandent rien.
Elle
concernera, je cite, « des patients
considérés comme incurables, sur la base du jugement humain, après évaluation
soigneuse de leur situation, pour leur accorder une mort miséricordieuse ».
Fin de citation. Il ne s’agit pas là d’une proposition de loi française mais de
l’ordre secret signé le 1er septembre 1939 par Adolf Hitler confiant
à Philipp Boulher et au Docteur Carl Brandt l’exécution du programme Aktion T4
d’élimination des handicapés mentaux. Il y a tout juste 80 ans.
Les
leçons de l’histoire n’ont donc pas été assez fortes. La propension nietzschéenne
de l’homme à vouloir se débarrasser des plus faibles depuis l’origine de Sparte
n’a jamais disparu.
Et
puisqu’on conspue certains d’entre nous pour notre foi, comment ne pas rappeler
que c’est un catholique, certainement un intégriste, Mgr VON GALEN, qui l’a
chèrement payé, qui s’est élevé seul contre ce programme d’élimination
lorsqu’il apparaîtra aux yeux de tous à l’été 1941. Voici le sermon qu’il
prononçât le 3 août 1941 et qui mit fin à ce programme d’euthanasie des personnes
handicapées mentales :
« Nous devons nous
attendre à ce que les pauvres patients sans défense soient, tôt ou tard, tués.
Pourquoi? (…) ces malheureux patients doivent mourir, (…) parce que par le
jugement d’un certain organisme officiel, sur la décision d’un certain comité,
ils sont devenus « indignes de vivre, » parce qu’ils sont classés en
tant que « membres improductifs de la communauté nationale ».
Ici il s’agit d’hommes
et des femmes, nos prochains, nos frères et sœurs ! De pauvres êtres humains,
des êtres humains malades. Ils sont improductifs, si vous voulez… Mais cela
signifie-t-il qu’ils ont perdu le droit de vivre?
Malheur à nous tous, car
nous deviendrons vieux et séniles !
Aucun homme ne sera en
sûreté : n’importe quelle commission pourra le mettre sur la liste des
personnes « improductives », qui dans leur jugement sont devenues
« indignes de vivre ». Et il n’y aura aucune police pour le protéger
lui, aucun tribunal pour venger son meurtre et pour amener ses meurtriers à la
justice. Qui pourra alors avoir une quelconque confiance dans un médecin ?
On ne peut s’imaginer,
la dépravation morale, la méfiance universelle qui s’étendra au coeur même de
la famille, si cette doctrine terrible est tolérée, admise et mise en pratique.
Malheur aux hommes,
quand le saint commandement de Dieu : « Tu ne tueras pas ! » que
le seigneur a donné au Sinaï dans le tonnerre et les éclairs, que Dieu notre
créateur a écrit dans la conscience de l’homme au commencement, si ce
commandement n’est pas simplement violé mais sa violation est tolérée et
exercée impunément !
Ce texte semble avoir été écrit pour toi
Vincent. Ce cri résonne à travers le temps et personne ne veut l’entendre. Mais
il fera reculer même Hitler.
6- Ils sont aujourd’hui
tous en embuscade. Le narcissique maître d’œuvre judiciaire et médiatique qui
prétendait uniquement mettre fin à un acharnement thérapeutique n’aura pas
attendu ta mort pour réclamer le droit à l’injection létale.
Le
maître d’œuvre politique de l’euthanasie n’a pas eu la décence d’attendre la
mort de Vincent pour inviter hier ses honorables collègues à écouter une
causerie sur « l’affaire Vincent Lambert » le 19 juillet prochain.
Tu
n’es pour eux qu’un symbole et un moyen pour faire avancer leur combat euthanasique :
regardez comme la mort lente provoquée est abominable, c’est un fait. Ils vont
désormais pouvoir pousser sur la seringue.
7-
Ils ont essayé de te tuer mon pauvre Vincent. Pendant 6 longues années.
9
fois nous avons réclamé de la justice que tu sois transféré dans une unité
spécialisée où on prendrait soin de toi.
9
fois des juges nous l’ont refusé.
Des
juges ont désigné et confirmé quatre fois comme tutrice celle qui se bat pour ta
mort.
Tu
as été placé pendant six années sous main de justice. Pour être bien certain
que tu resterais à portée de décision.
Enfermé
à clé dans une chambre dans un service de soins palliatifs dirigé par un
gériatre. Surveillé par un babyphone. Allongé sur son lit à regarder le plafond
de ta chambre. Toi dont la kinésithérapie quotidienne a été supprimée en
octobre 2012 quand il a été décidé de commencer pour toi un chemin de mise en
fin de vie.
Toi
qui a été privé de tout fauteuil adapté permettant de sortir te promener, pour
te permettre de respirer le grand air, d’entendre le chant des oiseaux, de
sentir le vent sur ta peau et de respirer l’odeur de l’herbe fraîche coupée au
printemps.
Pour
ne pas donner raison à ceux qui te défendaient, plusieurs des juridictions
saisies ont fait régresser le droit qui aurait du te bénéficier en inventant de
nouvelles règles.
On
est allé jusqu’à chercher des experts judiciaires à qui il a été demandé de t’évaluer
en violation des règles de l’art, en 1h30 d’examen quand toute la littérature
médicale et scientifique exige qu’une telle évaluation ait lieu sur une durée
d’un mois pour tenir compte de ton état fluctuant.
Mais
ces mêmes experts se sont révoltés. Ils ont écrit que tu n’étais pas en situation
obstination déraisonnable. Si ! Ont décidé des juges en gravant leur
décision dans le marbre dont on fait les caveaux : il est en obstination
déraisonnable ont-ils décrété du haut de leur imperium depuis des sépulcres
dorés à l’or fin.
Ta
situation n’appelle aucune mesure d’urgence ont écrit les experts. Si ! Il
est urgent de le tuer ont ils tous dit ! L’Etat et son gouvernement. Il
nous est impossible d’attendre l’examen du recours devant le CDPH ! Nous y
répondrons plus tard mais quand Vincent sera mort ! Et des juges ont
décidé qu’il fallait de toute urgence casser l’arrêt qui avait fait respecter
un recours suspensif de droit international.
Mes
amis, comment ne pas être saisis d’effroi d’être ainsi à la merci d’un Etat dénaturé
dont la fonction est de protéger les plus faibles et les plus vulnérables
d’entre les siens ?
Qui
préfère tenter désespérément de sauver la vie en Irak de djihadistes qui ont
répandu le sang et le malheur et qui s’acharne à la mort d’un enfant de France
dans un de ses hôpitaux ?
Comment
ne pas être saisis d’effroi d’être ainsi à la merci de médecins dénaturés et de
juges qui disent l’inverse des expertises qu’ils ont eux-mêmes
sollicitées ?
Que
ceux qui ont des yeux voient.
Que
ceux qui ont des oreilles entendent.
8- Contre l’antique jugement de Salomon,
c’est par un crime d’Etat qu’un homme léonéthiquement mort sera remis à sa
femme et à sa mère pour la satisfaction de l’une et le désespoir de l’autre.
Au temps maudit de la peine de mort, la
loi obligeait les magistrats à venir assister à l’exécution de ceux dont ils
avaient réclamé la mort et scellé le sort.
Assumez maintenant charnellement vos
décisions de papier. Venez assister à l’agonie que vous avez permise et
décidée. La place sera certes comptée dans sa chambre où l’on ne sait pas
encore qui, des membres de la famille qui ont défendu sa vie, ou de ceux qui se
sont acharné judiciairement, médiatiquement et médicalement contre lui, auront la
possibilité de tenir ta main au moment ultime.
Hier, les vôtres faisaient couler le
sang des condamnés au petit matin dans les cours froides des prisons et aux
fossés des villes.
Aujourd’hui, vous faites couler à terre
l’eau que vous refusez à un être humain.
Tu n’auras pas droit au dernier verre
du condamné. C’est même cette eau que l’on ne refuse à personne que l’on t’aura
enlevé contre toutes les lois de l’humanité.
En attendant, que vous le vouliez ou
non, vous serez tous présents pour assister à cette agonie, avec vos costumes
bien mis, vos robes noires ou couleur de sang, vos hermines immaculées, vos
maroquins, vos blouses blanches et vos serments parjurés.
Vous avez tous pleuré sur Notre-Dame
mais vous êtes les mêmes qui avez permis de tuer un de ses fils.
9-
Vincent, je ne peux pas te laisser mourir, sans rappeler la cohorte de ceux qui
t’ont précédé, martyrs de l’utilitarisme et de la productivité d’une société
robotisée et déshumanisée.
Terry
SCHIAVO, ta grande sœur américaine.
Eluana
ENGLARO, ta grande sœur italienne.
Mortes
toutes deux au terme d’une abominable agonie provoquée.
Hervé
PIERRA, mort parcouru d’atroces convulsions en six jours d’une abominable
agonie privé d’eau et de nourriture, premier cobaye de la loi LEONETTI en 2005.
Et
tes petits frères et sœur mineurs, Alfie EVANS, Charlie GARD en Grande Bretagne
et Inès AFIRI en France, morts en violation de la volonté de leurs parents,
malgré leurs objurgations, malgré des propositions d’accueil dans d’autres
hôpitaux, morts sur ordonnance avec la validation de la Cour européenne dite
des droits de l’homme.
C’est
le médecin seul qui décide si et quand, y compris pour les enfants mineurs.
C’est LEONETTI qui l’a dit.
Comme
une épée de Damoclès posée sur le cœur de chaque parent de France.
10- Vincent,
comme tous ceux qui t’ont défendu, je me suis donné corps et âme pour toi,
comme un grand frère tente de protéger son petit frère contre ceux qui le
persécutent.
Je
vois encore ton regard étonné le 11 mai 2013 quand nous sommes entrés dans ta
chambre alors que tu venais de recevoir une solution de glucose après 31 jours
de dénutrition pour te faire mourir.
Je
vois encore ton regard étonné quand ta maman t’a fait goûter de la nourriture que
tu as avalée sans difficulté pour la première fois depuis des années.
Je
te vois tourner la tête vers ta maman qui t’appelle.
Je
vois encore ton regard suppliant et tes pleurs du 19 mai quand tu avais appris
que tu allais mourir.
Des
pleurs réflexes disent tes assassins. Mais réflexe à quoi ?
Les
mêmes pleurs que ta maman essuyait en mai 2013 quand tu sentais ta fin proche.
Comme
le dit ta maman, Vincent, tu n’avais pourtant besoin que de trois choses :
de la nourriture, de l’eau, et beaucoup d’amour.
Des
maisons d’accueil spécialisées voulaient t’en donner et on te l’a refusé.
Tu
ne peux plus recevoir ce soir de nous que notre trop plein d’amour.
On
nous a conspués parce que nous étions pour beaucoup croyants.
Faut-il
que nous nous en justifions ?
Car
nous l’avons tous lu : « j’avais
faim et vous m’avez donné à manger. J’avais soif et vous m’avez donné à boire.
Et tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que
vous l’avez fait ».
Quelles
que soient les croyances ou les non-croyances de tous ceux qui t’ont défendu, voilà
la loi qui renferme toute notre humanité.
11- Car
nous nous sommes battus au nom des lois de l’humanité, pour toi, petit frère
persécuté.
Antigone
a affronté Créon pour la sépulture d’un frère mort.
Mais
nous, nous nous serons battus pour ton droit d’être traité en frère vivant.
Vincent, nous aurions tant voulu te
sauver de la barbarie.
Pardon
de n’avoir pas réussi à te défendre jusqu’au bout contre la méchanceté des bien
portant et des tous puissants.
Pardon
de n’avoir pas réussi à sécher tes larmes.
Le
combat était trop inégal. Goliath l’a emporté.
Mais
nous avons la conscience en paix.
Vincent tu ne mourras pas en vain.
La
petite graine de sénevé est minuscule ; mais la moisson sera grande.
Toute l’amitié, tout l’amour, le
dévouement, les prières, le combat que tu auras suscités, pour toi, pour les
autres, pour nous, pour notre civilisation. Rien de cela n'est perdu.
Je
sais que tu prieras pour nous tous mais aussi pour tous ceux qui se sont
acharnés sur toi.
Ce
soir, nous sommes malheureux mais nous avons le cœur en paix. Qu’en sera-t-il
d’eux ?
Ce soir, nous sommes malheureux. Mais
nous avons au cœur la petite fille Espérance.
Tout
est bientôt consommé.
Petit
frère persécuté, le supplice qu’ils t’imposent ainsi qu’à ta chère famille va
bientôt prendre fin.
Tous
les martyrs qui t’ont précédé, Terry, Eluana, Hervé, Inès, Charlie, Alfie,
t’attendent pour te faire cortège et t’emmener vers la Lumière.
Nous
ne t’oublierons pas.
Adieu
mon petit frère persécuté.
Adieu
Vincent.